Allons-nous continuer à asphyxier la Grèce ?

Asset Management - Alors que la Grèce fera face, dans trois mois, à un remboursement de 3,5 milliards d’euros qu’elle ne semble pas en mesure d’honorer, les soutiens font entendre leurs voix. La question d’un allègement de la dette du pays refait surface, mais ne semble pas trouver écho auprès des créanciers.

Malgré les appels du pied incessants des députés européens socialistes et radicaux, les négociations entre les créanciers et Athènes s’enlisent. Alexis Tsipras, premier ministre hellénique, souhaite la tenue d’un sommet exceptionnel des dirigeants de l’Union Européenne, mais l’Eurogroupe freine des quatre fers. L’Allemagne, par la voix de la chancelière Angela Merkel, n’est toujours pas favorable à un aménagement des taux, ni à effacer une partie de l’ardoise.

“En dehors des questions de principe, chères aux allemands, se pose la question de l’égalité de traitement. D’autres pays européens, comme le Portugal, n’ont pas pu bénéficier de passe-droit en période de grande difficulté financière. Il est peu probable que la Grèce fasse exception”, explique Waldemar Brun-Theremin, de Turgot Asset Management. “Un éventuel “haircut” (allègement) ouvrirait la porte à de nouveaux débats, de nouvelles sollicitations d’exonération”, ajoute t-il.

L’évaluation du programme de réformes engagé par Athènes est une condition préalable au déblocage de nouveaux prêts par les créanciers internationaux. Le FMI, notamment, demande au gouvernement grec l’adoption de mesures d’économies supplémentaires. Ici encore, les partisans soulignent les efforts grecs : des réformes sans précédent, conformes aux engagements, qui ont permis au pays de réaliser plus de 5 milliards d’euros d’économie, soit presque 3 % de son PIB.

Solutions et scénarii catastrophes

Parmi les leviers dont dispose la Grèce, et dont elle a déjà fait usage : la vente des actifs. L’ère des privatisations à tour de bras et des bradages des fleurons nationaux ne sera pas éternelle, et risque même d’aggraver la situation. “L’Europe a fait une erreur en laissant les chinois acheter une partie du Port du Pirée. Il est scandaleux que nous n’ayons pas pu protéger ces actifs stratégiques. En outre, rappelons que ces infrastructures industrielles sacrifiées sont financées par les impôts et donc par les contribuables grecs, auxquels on impose des efforts”, assène Waldemar.

Si, en tant que membre de la zone euro, la Grèce n’est pas en mesure de dévaluer sa devise, qu’arriverait-il en cas de sortie ? Le retour au drachme, ou un équivalent contemporain, entraînerait très probablement, par défaut ou par choix, une dévaluation. Bien mal en prendrait aux créanciers, confrontés ainsi à un “haircut” inévitable, plus dramatique que s’il était négocié.

Nombreux sont les analystes qui s’érigent donc aujourd’hui pour donner une bouffée d’oxygène à la Grèce, et paradoxalement, le FMI en fait partie. Les conditions imposées à Athènes sont, selon ces derniers, contre-productives. “Les coupes budgétaires se ressentent sur les subventions, amenuisent les investissements dans les entreprises, mettent à mal le pouvoir d’achat, et finalement, ont un impact très négatifs sur la croissance. C’est un cercle vicieux”, poursuit le CIO de Turgot AM.

Quand autour de la table des négociations siègent le FMI, juge et partie de l’affaire, et la BCE, qui se plie aux exigences d’outre-rhin, il n’est pas étonnant que les discussions piétinent. Il faudra donc encore un peu de patience aux grecs pour trouver un second souffle, étouffés sous une dette qui atteint 180% du PIB national.

Roxane Nojac - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (avril 2016 - janvier 2019)

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