Dividendes 2020 : feu vert pour les financements à effet de levier ?

La Rédaction
Le Courrier Financier

Le cabinet d’avocats CMS Francis Lefebvre Avocats — spécialiste des affaires internationales — publie ce mercredi 15 avril une note au sujet de l'encadrement des dividendes 2020. Dans le cadre de la crise sanitaire liée au coronavirus, l'Etat français a prolongé ses mesures de soutien aux entreprises. De quoi poser un certain nombre de questions.

La déclaration du ministre de l'Economie du 27 mars 2020 aux termes de laquelle « les entreprises qui demandent l'aide de l'Etat ne devront pas verser de dividendes » a fait naître l'inquiétude dans le monde des financements structurés. Notamment pour les opérations à effet de levier, au premier rang desquelles les opérations « Leveraged Buy-Out » (LBO).

Communication gouvernementale

Les acteurs de ces opérations — où la remontée des dividendes est essentielle en ce qu'elle est la source principale (sinon exclusive) de remboursement de la dette bancaire d'acquisition — craignaient d'avoir à choisir entre versement de dividendes et mesures de soutien en trésorerie.

La publication le 2 avril 2020 par le Gouvernement d'un document intitulé « Engagement de responsabilité pour les grandes entreprises bénéficiant de mesures de soutien en trésorerie » devrait apaiser ces inquiétudes, car y sont précisés notamment les aspects suivants du dispositif.

Bien que dépourvu de valeur normative, le dispositif esquissé doit rassurer les acteurs des financements à effet de levier. Ils ne devraient pas être contraints de choisir entre le bénéfice des mesures de soutien de l'Etat et les remontées de dividendes nécessaires au fonctionnement de telles opérations.

Caractéristiques du dispositif

Objectif. Les grandes entreprises bénéficiant d'une mesure de soutien en trésorerie — qu'il s'agisse d'une demande de report d'échéance fiscale et sociale ou d'un prêt garanti par l'État (PGE) — doivent s'engager à compter du 27 mars 2020 à ne pas verser de dividendes à leurs actionnaires (hors obligations légales) et à ne pas procéder à des rachats d'actions.

Entreprises visées. Seules les « grandes entreprises » sont soumises à cet engagement. Cela vise aussi bien une entreprise indépendante qu'un groupe de sociétés qui employait au moins 5 000 salariés ou générait un chiffre d'affaires consolidé supérieur à 1,5 milliard d'euros en France au titre du dernier exercice clos. S'agissant d'un groupe, l'engagement concerne toutes les entités françaises du groupe ; et ce, même si seulement certaines de ces entités bénéficient d'une mesure de soutien en trésorerie.

Champ et forme de l'engagement : l'engagement doit s'entendre largement : outre le versement de dividendes, toutes les autres formes de distributions en numéraire ou en actions et, notamment, les acomptes sur dividendes ou les distributions exceptionnelles de réserves sont interdites. Le document indique que cet engagement sera formalisé. S'agissant par exemple d'un PGE, l'engagement doit faire l'objet d'une clause résolutoire qui serait introduite dans le contrat au moment de l'instruction de la demande de prêt par les services du ministère de l'Economie et des Finances ; ce qui ne manque pas de susciter des interrogations.

Autorisation des dividendes intragroupe. Toutefois, à titre d'exception, le communiqué du Gouvernement précise que les distributions de dividendes intragroupe sont autorisées lorsqu'elles ont « pour effet au final de soutenir financièrement une société française (notamment lui permettre de respecter ses engagements contractuels vis-à-vis de ses créanciers) ». Cette précision semble destinée à exclure de l'interdiction les financements à effet de levier.

Sanctions. Le non-respect de cet engagement de solidarité fera l'objet de sanctions allant, en matière de PGE, du refus d'octroi de la garantie de l'Etat au remboursement immédiat de l'intégralité des sommes prêtées. Si l'entreprise a sollicité des reports d'échéances, l'absence d'engagement ou le non-respect de cet engagement lui fera perdre le bénéfice d'un accord de délai pour l'échéance reportée et l'exposera à des majorations de retard.

Lire (5 min.)

Crise sanitaire : comment se passe le contrôle fiscal ?

La Rédaction
Le Courrier Financier

Pendant la crise sanitaire, le cabinet d'avocats CMS Francis Lefebvre Avocats — spécialiste des affaires internationales — publie ce jeudi 2 avril un récapitulatif des mesures prises concernant la procédure de contrôle fiscal. Outre les annonces gouvernementales sur l’interruption des contrôles fiscaux, l’article 10 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des délais pendant cette période comporte plusieurs précisions.

Contrôles fiscaux suspendus temporairement

Conformément aux annonces gouvernementales, la mission de contrôle fiscal de la DGFiP est interrompue. Le ministre du budget a indiqué que la DGFiP était, pendant la période actuelle, au service des contribuables pour les aider dans leur démarches : remboursement de crédits de TVA, de crédits d’impôts, etc. Pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire, l’Administration n’établira aucun acte de procédure de contrôle : ni envoi d’avis de vérification, ni demande d’informations, ni réponse aux observations du contribuable, etc.  

Des échanges restent toutefois possibles avec les services de contrôle pendant l’état d’urgence sanitaire. Selon les indications données par l’Administration, les services de contrôle restent a priori opérationnels. Ils exercent leur activité en télétravail et les contribuables peuvent échanger à distance avec eux sur les procédures en cours. Des entretiens téléphoniques peuvent avoir lieu à la demande du contribuable ou avec son accord.  

Conséquences sur les délais de prescription

Le droit de reprise de l’Administration se prescrit à l’expiration d’un délai de six ans en matière fiscale sauf délai plus bref ou plus long fixé par la loi. Le délai de prescription est réduit à trois ans pour les impôts directs d’Etat (IS, IR, IFI), la TVA et les taxes  sur le chiffre d’affaires et d’un an pour les impôts locaux. Il peut être porté à 10 ans dans certaines situations : activité occulte, détention d’avoirs financiers non déclarés à l’étranger.  

L’arrêt temporaire de la mission de contrôle fiscal se traduit par une suspension des délais de reprise de l’Administration : tous les délais de prescription sont suspendus pendant la période du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration du délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, désignée comme la « période juridiquement protégée ». Cela concerne uniquement les périodes pour lesquelles la prescription est en principe acquise au 31 décembre 2020.  

Sauf prolongation, la fin de l’état d’urgence sanitaire est normalement prévue le 24 mai prochain, ce qui signifie que le délai de reprise de l’Administration est suspendu du 12 mars jusqu’au 24 juin, c’est-à-dire pendant plus de trois mois. A l’issue de la période de suspension, le délai de reprise recommencera à courir jusqu’à l’expiration du délai légal. Comprenez trois ans, six ans ou dix ans selon les cas.

La DGFiP disposera donc d’une période de plus de trois mois en 2021 pour procéder à des rectifications, au titre de périodes d’imposition qui auraient été normalement prescrites le 31 décembre 2020. C'est le cas par exemple pour l'année 2017. Ces rectifications pourront résulter de contrôles engagés en 2020 ou même en 2021, avant l’expiration du délai de reprise.  

Délais qui encadrent les procédures de contrôle  

Tous les délais de procédure prévus par la loi ou le règlement sont suspendus par application de deux principes. Premier principe, les délais qui avaient commencé à courir avant le 12 mars sont suspendus et recommenceront à courir à l’expiration de la période juridiquement protégée. Par exemple, une proposition de rectification a été reçue le 5 mars et le contribuable disposait d’un délai de 30 jours pour y répondre. Ce délai cesse de courir à compter du 12 mars. Il recommencera à courir pour une durée de 23 jours à compter de l’expiration du délai d’un mois, après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Deuxième principe, les délais qui ont commencé à courir à compter du 12 mars 2020 ne courront qu’à compter de l’expiration de la période juridiquement protégée. Par exemple, une proposition de rectification a été reçue le 14 mars 2020. Le délai de 30 jours dont dispose le contribuable pour y répondre commencera à courir à l’expiration de la période juridiquement protégée soit, en l’état actuel du droit, le 24 juin 2020.

Autre exemple, l’Administration a reçu une réponse d’une administration fiscale étrangère le 20 mars 2020 à la suite de l’envoi d’une demande d’informations en décembre 2019. Afin de satisfaire aux conditions prévues par l’article L 188 A du LPF pour bénéficier d’une prorogation du délai de prescription, l’Administration doit informer le contribuable de la réponse reçue dans un délai de 60 jours. Ce délai d’information commencera à courir à l’expiration du délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

Lire (5 min.)