Comment créer des emplois en France ?

Responsabilité sociale - Depuis des dizaines d’années, les gouvernements qui se succèdent à la tête de la France prétendent prendre des mesures en faveur de la création d’emploi. Pour certains même, que l’emploi est une priorité. Force est de constater que les mesures prises, à peu de choses près les mêmes d’ailleurs, s’avèrent totalement inefficaces. Que pour pouvoir prétendre à un résultat, il leur faut nier les effets d’aubaine et manipuler les statistiques.

Le processus de création d’emploi au sein des entreprises est un phénomène économique. Pas un phénomène social. Toute création d’emploi est fondée sur un objectif de rentabilité. Aucune entreprise ne crée d’emploi pour faire plaisir aux salariés, au gouvernement, pour résoudre les problèmes sociaux ou résorber le chômage. Seulement pour créer de la richesse, des biens ou des services, et pour celui qui décide, en bénéficier. Même s’il existe ce que l’on appelle des « détours de production », l’objectif reste la rentabilité.

Les mesures gouvernementales, actuelles comme passées, ne gèrent cette donnée que comme un épiphénomène et non comme le cœur du problème. C’est la principale raison de leur échec.

Pour qu’une entreprise ait intérêt à embaucher, il faut que le coût du travail soit moindre que les autres solutions, qui lui sont ouvertes pour assurer sa fonction. Notamment la sous-traitance, les prestations de services extérieures (externalisation pour utiliser le terme à la mode) et importations.

Il n’est pas possible au gouvernement d’intervenir sur tous les facteurs de coûts de l’entreprise. Certains sont hors de sa portée. Ceux sur lesquels il détient la maîtrise sont la règlementation, la fiscalité et les charges sociales. Sachant que les conventions internationales, particulièrement européennes, ont limité son champ d’action sans assurer la contrepartie qu’aurait constitué une harmonisation. Ce peut, néanmoins, être suffisant, à condition de tenir compte de ces facteurs.

Les conventions, telles qu’elles ont été conçues, favorisent la concurrence fiscale et non l’harmonisation. En outre, pour des raisons vraisemblablement électoralistes et démagogiques, le ministère des finances et le gouvernement, ne tiennent pas compte du fait que le rendement d’un impôt n’est pas proportionnel à son taux. Ceci étant dû au fait que la fiscalité est conçue au ministère des finances « a posteriori », alors que les entreprises la gèrent « a priori ». Que ceux qui en ont la possibilité « gèrent leur fiscalité », payer des impôts ne déterminant aucun avantage. Le plus souvent, en France, des inconvénients, obligations et charges supplémentaires.

Lorsqu’un gouvernement demande aux entreprises de « créer de l’emploi », celles-­ci y voient un moyen d’améliorer leurs profits. Surtout s’agissant de grandes entreprises, qui, ayant des activités  internationales,  disposent  d’une  palette  de  solutions  beaucoup  plus  large pour « optimiser » leur gestion et leur fiscalité. Vouloir fiscaliser les opérations internationales est une chimère. Les effets néfastes sont toujours beaucoup plus importants que ceux correspondant aux objectifs. Le dissimuler, comme le fait systématiquement le ministère des finances, ne fait qu’aggraver la situation. Cela consiste à combattre un adversaire sur un terrain inconnu, avec des règles propres, dont on sait peu de choses et sur lesquelles on ne peut rien. Depuis Sun Tzu (il y a au moins 2000 ans), cette stratégie est reconnue comme désastreuse. La meilleure stratégie consiste toujours à affronter son adversaire sur le terrain que l’on connait le mieux, en utilisant les armes que l’on maîtrise le mieux, et de consacrer ses efforts sur un domaine le plus concentré possible, afin d’éviter de disperser ses forces. La stratégie choisie par le gouvernement et le ministère des finances est clairement à l’opposé de ces règles. Elle consiste à élargir le champ au-­delà de ce qui est possible, à s’aventurer en « terra incognita », à changer en permanence les outils et les stratégies. L’idée de procéder à une concertation, alors que l’on poursuit des objectifs diamétralement opposés, est un leurre. L’argument ne peut être fondé que sur l’incompétence, ou la mauvaise foi. Eventuellement les deux.

Pour qu’un système soit efficace, il faut qu’il soit simple, notamment compréhensible par tous ceux qui ont à le mettre en œuvre ou à l’appliquer. Que l’objectif soit clair, s’il y en a plusieurs,  ce qui affaiblit toujours, qu’ils soient cohérents. S’ils ne le sont pas, non seulement il ne peut être efficace, mais en outre, les résultats ne sont pas mesurables. De nombreuses mesures prises en conflit avec d’autres s’avèrent inefficaces, sans qu’il soit réellement possible d’en mesurer les effets, le nombre et la diversité des facteurs en cause, rendant toute mesure aléatoire.

Que l’on prête la formule à Mitterrand, à Lénine, ou à un philosophe grec : « les faits sont têtus ».

Et les artifices, utilisés par les gouvernements et le ministère des finances pour nier les réalités économiques et financières, déterminent des conséquences sur lesquelles ils n’auront jamais aucune maîtrise, et dont, dans la plupart des cas, ils n’ont même pas connaissance. Qui sont hors de portée de leurs schémas de pensée. Il est d’ailleurs, à cet égard, regrettable que de hauts fonctionnaires fassent toute leur carrière au sein de l’administration, n’ayant jamais été confrontés à la réalité économique et ne comprennent, de ce fait rien, à ce qui se passe dans les entreprises.

La leçon à tirer de ces critiques est assez simple puisqu’elle consisterait d’abord à simplifier. La législation, la fiscalité, le financement du système social, les procédures administratives. A réduire le nombre des impôts à, au maximum, une dizaine. La longueur des codes, particulièrement du Code Général des Impôts à au maximum un millier d’article. Une mesure simple, consisterait à obliger le législateur à réciter par cœur toutes les dispositions fiscales qu’il souhaite modifier. Ce qui permettrait déjà de vérifier qu’il les connaisse, alors que c’est  aujourd’hui rarement le cas. Quant à les comprendre, je n’en ai jamais rencontré aucun.

Depuis  mon  enfance,  j’ai  une  passion  pour  les  labyrinthes  et  les  casse-­têtes. La technique  du labyrinthe est assez simple à expliquer, il faut remonter depuis l’arrivée, cela évite d’avoir à explorer les chemins sans issue. Dans mon activité de conseil de société, j’exprimais cette technique à mes clients en leur disant : « donnez-­moi la sortie et je vous donnerai l’entrée ». Si l’on applique cette technique à la création d’emploi, on doit partir de ce qui détermine l’entreprise à embaucher un salarié, pour lever tous les obstacles en remontant. Pour poursuivre une telle démarche, il faut maîtriser le mieux possible le fonctionnement des entreprises. Ce que l’on ne peut pas demander à des fonctionnaires, ou des politiques qui, de leur vie, n’ont jamais géré une entreprise. Et si on demande à des entrepreneurs, des conseils, avocats d’affaires, experts comptables ou conseillers financiers de le faire, encore faut-­il qu’ils y trouvent leur intérêt. Que cela s’intègre dans leur processus professionnel, que les entreprises pour le compte desquelles ils travaillent y trouvent des avantages. En outre, il est beaucoup plus facile pour un million d’entreprises de créer un emploi, que pour une centaine d’en créer dix mille chacune. Le problème étant que les dix mille sont dirigées par des proches du gouvernement, qui partagent leur culture, leur vision du système, alors que le million leur est totalement étranger, leur comportement incompréhensible.

Finalement, la solution pour créer des emplois en France est très simple, mais nécessite de changer les schémas mentaux. De simplifier les lois, les procédures administratives, de réduire les pouvoirs des administrations, la concentration des pouvoirs, enfin d’agir à l’inverse de ce qui se fait actuellement et de faire appel à des citoyens responsables. Peut-­être ce dernier élément est-­il le plus difficile, l’irresponsabilité étant devenue le credo de notre société. La solution ne dépend pas d’un héros ou d’un surhomme, mais de l’action de millions d’entre nous.

Marc Albert Chaigneau

Ancien avocat d'affaires et responsable juridique, essayiste : De la révolution à l'inversion, publié aux éditions Edilivre

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