Notaires de France : « La propriété immobilière est à rénover d’urgence »

Immobilier - Les notaires ont examiné le droit de propriété immobilier du XXIe siècle afin d’en améliorer la jouissance ou l’exercice après avoir mis à nu ses limites et ses contraintes. Leur congrès sera le lieu d'échanges et de propositions.

Pour tout citoyen, le droit de propriété figure parmi les droits les plus évidents et les plus immuables d’une société démocratique. N’a-t-il pas été consacré il y a plus de 200 ans dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen comme l’un des quatre « droits naturels et imprescriptibles de l’homme », « droit inviolable et sacré » ? N’est-il pas garanti par la Constitution française comme par la Convention européenne des droits de l’Homme ? Tel que les Français ont hérité dans le Code civil, c’est « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Son illustration emblématique est le droit de propriété exercé sur un immeuble, souvent la résidence principale, mais aussi un terrain ou des parts dans une SCI, entre autres.

 

Mutation du droit propriété immobilière
Or le droit de propriété immobilière a en réalité considérablement muté, en particulier ces cinquante dernières années, sous l’effet conjugué de l’évolution de la société et des politiques publiques du logement. Il a muté au point qu’il en est devenu incertain, contraint et complexe. Parallèlement, de nouvelles manières d’acquérir la propriété ont émergé.

Ces mutations intéressent un grand nombre d’entre nous. Que l’on soit propriétaire ou aspirant à le devenir, cet investissement que l’on réalise en moyenne deux fois dans sa vie représente une ambition personnelle (se constituer un patrimoine, un revenu complémentaire, un bien à transmettre, …) en même temps qu’un enjeu collectif (gestion de l’espace, rapports entre particuliers, fiscalité, …). Des questions d’autant plus cruciales qu’elles se posent dans un contexte de crise du logement.

 

Hausse des prix de l’immobilier, baisse des logements neufs
Entre 1998 et 2013, les prix de l’immobilier ont augmenté de 87 % par rapport au revenu des ménages tandis que le nombre de logements neufs et de mises en chantier demeurent insuffisants et régressent (Rapport d’information du Sénat, n°99, session 2015-2016). Pourtant, les dépenses publiques consacrées en France aux politiques du logement sont parmi les plus élevées de l’Union européenne, près de 2 % du PIB de la France (près de 41 milliards d’euros en 2013, Rapport d’information du Sénat, n°99, session 2015-2016).

Premier poste de dépenses des ménages, le logement représente près d’un cinquième de leur revenu disponible en 2013 (Eurostat). La situation est particulièrement tendue pour les jeunes générations. En douze ans (1998 – 2010), le pouvoir d’achat immobilier des 20-25 ans a été divisé par deux en moyenne dans les principales métropoles de province, et est devenu quasiment nul à Paris (Rapport Institut Montaigne, Politique du logement : faire sauter les verrous, citant une étude de l’Université Paris-Dauphine et le Crédit Foncier sur le marché de l’ancien).

 

Impact des politiques publiques
Les politiques publiques peu efficaces ont été accompagnées de multiples contraintes normatives et fiscales : près de 4 000 normes réglementent le secteur de la construction et, en 2014, plus de 1 000 articles étaient répartis dans 11 codes différents sans compter une quinzaine de lois ou décrets non codifiés (Rapport Institut Montaigne, Politique du logement : faire sauter les verrous). Fiscalité1 , hygiène et sécurité2 , environnement et accessibilité3 concentrent la plupart de ces normes. Entre contraintes et incitations, celles-ci ont un impact sur les coûts de construction, d’instruction et de réhabilitation, et indirectement d’acquisition.

Les professionnels de l’immobilier doivent donc savoir répondre auprès de leurs clients de l’ensemble de ces exigences croissantes et parfois contradictoires afin de garantir la sécurité juridique des contrats. Les notaires sont en première ligne en tant que délégataires de l’État pour garantir la validité des transactions immobilières. Acteurs de terrain, ils sont au cœur des diverses problématiques de la propriété immobilière et accompagnent quotidiennement les Français tout au long de leur vie de propriétaire.

Pierre-Yves Sylvestre - Chambre des Notaires de France

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