Transition énergétique : que faire du charbon ?

Responsabilité sociale - D’après l'Agence internationale de l'énergie (AIE), le charbon est le combustible qui a le plus contribué au réchauffement climatique. Comment sortir de la dépendance au charbon ?

La problématique du charbon est au cœur du rapport APCR-AMF sur les engagements climatiques des institutions financières françaises. Que faut-il retenir de ce rapport sorti assez discrètement mi-décembre pour les seules sociétés de gestion ?

Le charbon est, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le combustible qui a le plus contribué au réchauffement climatique : les émissions cumulées de CO2 issues de sa combustion sont responsables, à fin 2018, d’une part équivalente à 0,3°C de l’augmentation totale de 1°C des températures annuelles moyennes par rapport aux niveaux préindustriels.

Thermique et métallurgique

Sur le plan méthodologique, il faut distinguer le charbon métallurgique, disposant d’un haut pouvoir calorifique et destiné à la production d’acier, des autres variétés regroupées sous le terme de charbon thermique, destinées à un usage purement énergétique.

En 2018, le charbon métallurgique a représenté 12,5 % de la production mondiale de charbon. S’agissant des 20 principales sociétés de gestion françaises en termes d’encours, 16 d’entre elles disposaient d’une politique publique de sortie du charbon thermique en vigueur au 31 juillet 2020.

Mesurer l’exposition totale

En pratique, les politiques adoptées par les sociétés de gestion reposent sur l’application soit de seuils quantitatifs appliqués de façon systématique sur la base de données extra-financières des émetteurs, soit d’une appréciation de l’intention ou des engagements de l’émetteur de mettre fin à ses activités liées à la chaîne de valeur du charbon thermique. Le rapport précise que peu de gérants mesurent leur exposition totale à la chaîne de valeur du charbon thermique.

Les experts estiment l’exposition à 5 Mds€ pour l’ensemble des fonds français à fin 2019 (sur 1 600 Mds€ d’actifs concernés). L’exposition estimée pour les fonds des 20 plus grandes sociétés de gestion de l’échantillon s’élève à environ 3 Mds€, soit 0,3 % de leurs encours. 82 % des expositions se concentrent sur une dizaine de groupes, principalement européens, dont 46 % sur le seul groupe énergéticien italien ENEL.

Quelle stratégie de sortie ?

La matérialité des exclusions opérées par les gérants en application de leur stratégie de sortie du charbon thermique dépend largement de l’univers d’investissement de leurs fonds. Par exemple, il est moins contraignant pour un gérant spécialisé en actions françaises de décliner une stratégie de sortie du charbon thermique ambitieuse que pour un gérant actions spécialisé dans les valeurs asiatiques.

Certains gérants évaluent si les émetteurs disposent d’une intention ou d’un plan de sortie du charbon thermique crédible. Par exemple, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’énergéticien ENEL SPA ont été approuvés par l’initiative Science Based Targets. Aussi, une mesure prospective du taux d’exclusion des émetteurs permet aux gérants de conserver une exposition au-dessus de leurs seuils d’exclusion affichés.

Recommandations à suivre

Cette hétérogénéité de traitement s’explique également par le caractère lacunaire des données disponibles et mises à disposition par les entreprises financées. Les textes adoptés ou en préparation au niveau européen (règlement « Disclosure », révision de la directive sur l’information extra financière, finalisation de la taxonomie des activités durables) et français (article 29 de la Loi Énergie et Climat) devraient jouer un rôle structurant bienvenu. Le régulateur conclut par les préconisations suivantes :

  • faciliter la traçabilité et la fiabilisation des engagements ;
  • renforcer l’effectivité des engagements en définissant des objectifs chiffrés, un échéancier clairement défini et un suivi de l’avancement ;
  • renforcer la transparence et la comparabilité des indicateurs et des méthodologies retenues ;
  • associer la gouvernance des entités et impliquer des dispositifs de contrôle pour assurer le suivi des engagements pris ;
  • prendre en compte les risques liés à la perte de biodiversité dans leurs
    engagements.

François Lett - Ecofi

Directeur du développement éthique et solidaire

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