Transition écologique : la guerre de Poutine pourrait l’accélérer

Responsabilité sociale - La guerre en Ukraine a remis la sécurité énergétique européenne sur le devant de la scène. Le conflit va-t-il accélérer la mise en place du Green Deal européen ? Michael Lewis, responsable de la recherche ESG chez DWS

Chaque année, le 22 avril, la Journée de la Terre est organisée pour mobiliser les acteurs du secteur de l’environnement dans le monde entier. En 1970, l’accent était mis sur la pollution de l’air et de l’eau. Au cours des dernières décennies, l’accent a été mis sur le réchauffement climatique et les énergies renouvelables. Cette année, ne soyez pas surpris si la géopolitique occupe également une place importante.

Guerre en Ukraine, le déclencheur

En Europe notamment, les préoccupations en matière de sécurité énergétique constituent de nouveaux facteurs puissants pour faire avancer le programme « Net zéro ». Dans le domaine de l’énergie comme dans d’autres, la récente guerre de Vladimir Poutine contre l’Ukraine a suscité une réaction exceptionnellement rapide de l’Union européenne (UE). En l’espace de cinq jours, les ministres de l’énergie de l’UE se sont réunis et ont convenu d’apporter un soutien à l’Ukraine, de renforcer la résilience du système énergétique européen et d’accélérer la transition vers l’énergie verte.

Ces mesures sont les bienvenues. La Russie, dont le secteur des combustibles fossiles est une source essentielle de revenus pour le gouvernement, est déjà confrontée à une crise de surproduction. Toutefois, il est essentiel d’agir au plus vite, et pas seulement pour mettre fin aux difficultés de l’Ukraine. Cette année, un nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a mis en garde contre la « menace climatique sans équivoque » pour la santé humaine et planétaire.

Quel Green Deal pour l’Europe ?

Le « Green Deal » de l’UE prévoit déjà de porter la part des énergies renouvelables à au moins 40 % du mix énergétique d’ici 2030. Les énergies renouvelables sont de moins en moins chères, en raison notamment des divers programmes européens qui, il y a plus de dix ans, leur ont donné une visibilité suffisante pour stimuler l’innovation. Dans le monde entier, les militants de la Journée de la Terre peuvent se réjouir de voir de plus en plus de gouvernements nationaux s’engager à atteindre le niveau Net zéro, ce qui représente désormais 90 % du PIB mondial.

En 2021, la capacité de production d’électricité à partir de nouvelles énergies renouvelables a atteint un nouveau record ; au cours des cinq prochaines années, les énergies renouvelables devraient représenter environ 95 % de la capacité de production d’électricité mondiale. Pourtant, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la capacité de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, en particulier l’énergie solaire photovoltaïque et l’énergie éolienne, doit augmenter à un rythme deux fois plus rapide que prévu pour être compatible avec une trajectoire Net zéro d’ici 2050.

Réduire les gaz à effet de serre

Sans le vouloir, la guerre de Poutine semble favoriser une telle accélération, et pas seulement en termes d’investissements supplémentaires dans les énergies renouvelables. Comme le montre le graphique ci-dessous, si nous accélérions la mise en œuvre des plans européens existants, la dépendance de l’Europe à l’égard des combustibles fossiles serait considérablement réduite. Avec d’autres mesures telles que le déploiement de pompes à chaleur et l’amélioration de l’efficacité énergétique, l’UE pourrait éliminer définitivement le besoin de gaz russe d’ici 2025, sans aucune infrastructure supplémentaire pour les combustibles fossiles.

Le secteur du bâtiment en est un bon exemple puisqu’environ 36 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE émanent de ces structures. Les propositions de la Commission visant à rénover les bâtiments et à accroître leur efficacité sont justifiées, mais elles pourraient être améliorées en renforçant les standards minimums. La Commission doit également intégrer des réglementations sur le portefeuille de prêts hypothécaires fondées sur des données scientifiques qui renforceraient le rôle des 70 banques participant à l’initiative « Energy Efficient Mortgage ».

Une question de volonté politique

Dans tous ces domaines, l’UE semble bien placée pour démontrer une fois de plus aux autres pays du monde ce qui peut être fait, sous réserve d’une volonté politique suffisante. Toutefois, les personnes qui ont déjà participé à la Journée de la Terre savent mieux que quiconque que la transformation des engagements en projets et des projets en mesures concrètes nécessite une forte mobilisation de l’opinion publique.

Huit longues années se sont écoulées depuis l’annexion de la Crimée par la Russie. Pendant cette période, la dépendance de l’UE à l’égard du gaz russe a en fait augmenté de 24 %. Le monde ne peut pas se permettre de reproduire une réponse politique aussi désastreuse et peu perspicace face à cette nouvelle crise.

Michael Lewis - DWS

Responsable de la recherche sur la thématique ESG

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