Rémunération des dirigeants du CAC 40 : des progrès timides

Responsabilité sociale - D'après une récente étude Proxinvest, la rémunération des dirigeants d'entreprises a reculé en 2020. Cette évolution indique-t-elle les premiers effets du ratio d'équité, obligatoire depuis la loi PACTE ? Quel a été l'impact de la crise sanitaire ?

Proxinvest— l’agence de conseil en vote — a dévoilé les résultats de son étude sur les rémunérations des dirigeants. Fait inédit depuis la crise de 2008, la rémunération globale moyenne des dirigeants exécutifs du CAC 40 (5,2 millions d’euros) a baissé de près de 10 % en 2019, a contrario du SBF 120 où elle a progressé de 2 %. La crise de la Covid-19 explique en grande partie cette baisse relative des rémunérations.

La pression de Bercy pour réduire les rémunérations des dirigeants des entreprises bénéficiant d’aides publiques a donc connu un certain succès. Onze dirigeants ont ainsi choisi de renoncer ou de réduire leur part variable qui a, au global, baissé de 8 % dans le CAC 40 et de 4,9 % dans le SBF 120. A l’inverse, les salaires fixes et les attributions d’actions gratuites ont continué à progresser.

Baisse des variables…

Trois dirigeants ont dû cependant renoncer à leur variable, pour des raisons spécifiques à l’entreprise. Chez Sanofi, les actionnaires ont voté contre le package de l’exPDG, Olivier Brandicourt, qui n’a donc perçu que son fixe. Chez Atos, Thierry Breton a renoncé avec élégance à son variable en raison de sa nomination à la Commission européenne, et, chez EssilorLuxottica, les deux co-présidents ont dû y renoncer en raison d’un scandale en Thaïlande.

L’une des conséquences de cette baisse des rémunérations variables est que les salariés ont bénéficié d’une hausse de leur rémunération (+ 5,8 %) plus forte que celle des dirigeants. Rassurez-vous, sur le long terme, les dirigeants restent toujours devant avec une augmentation de leur rémunération de 28 % depuis 2014, contre 17 % pour les salariés !

…pas des rémunérations

Dans le top 5 établi par Proxinvest, Bernard Charlès, le PDG de Dassault Systèmes, demeure bon premier avec 24,7 millions d’euros de rémunération totale. Il est suivi de Douglas Pferdehirt de Technip FMC (13,7 millions d’euros), Daniel Julien de Téléperformance (13,2 millions d’euros), François-Henri Pinault de Kering (11,1 millions d’euros) et Jean-Paul Agon de L’Oréal (9,8 millions d’euros).

Proxinvest s’alarme des pratiques de Technip FMC, société issue de la fusion de l’américain FMC et du français Technip. Malgré les lourdes pertes enregistrées cette année et la baisse du cours de l’action, Douglas Pferdehirt a bénéficié d’une augmentation de sa rémunération de 17 % ! Près des deux tiers de sa rémunération actionnariale ne sont en effet pas soumis à des critères de performance.

Le ratio d’équité à la loupe

La publication du ratio d’équité, rendue obligatoire par la loi Pacte, avait pour but de modérer les appétits des dirigeants. Le SBF 120 affiche un ratio moyen de 73, c’est-à-dire que la rémunération du dirigeant est 73 fois plus élevée que la rémunération moyenne. A y regarder de plus près, cependant, le calcul du « pay ratio » n’est pas toujours représentatif de la réalité de ces entreprises.

Près de 26 % de celles-ci ont pris la loi au pied de la lettre, en ne comparant le salaire du dirigeant qu’aux effectifs de la société mère où sont souvent logés les salaires plus élevés. Ainsi, Carrefour affiche un ratio d’équité de 42, en ne considérant que la société mère, contre un « pay ratio » de 321 en prenant la totalité des effectifs. Téléperformance fait encore mieux avec un ratio affiché de 88, contre 1128 avec tout l’effectif !

Quel programme pour 2021 ?

Pour 2021, il est fort probable que les rémunérations des dirigeants vont baisser, en raison de la crise sanitaire. Le risque est grand que les entreprises soient tentées de revoir les critères d’attribution des bonus (inatteignables à cause de la crise) pour permettre aux dirigeants de toucher une partie de leur variable. L’agence de conseil en vote appelle donc à une grande vigilance.

François Lett - Ecofi

Directeur du développement éthique et solidaire

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