EXCLUSIF / Et la France inventa les contrats à impact écologique…

Responsabilité sociale - Le gouvernement vient d'annoncer fin février les projets retenus suite à sa promotion en fin d’année en faveur des contrats à impact. L’occasion de revenir sur l’évolution de ce dispositif, les tendances, et les défis à venir. Les explications de Benjamin Le Pendeven, professeur à Audencia, co-directeur de la chaire « Finance pour l’innovation » et de Noam Leandri, secrétaire général de l’ADEME.

Les Contrats à Impact Social sont des mécanismes de financement de l’innovation sociale qui font assumer le risque d’échec de l’innovation par des investisseurs privés, que la puissance publique s’engage à rembourser avec intérêts en cas de succès. A l’instar de ses voisins occidentaux, la France s’est emparée du sujet en 2016. Six contrats furent signés depuis, illustrant un démarrage du dispositif rendu un peu timide par sa complexité. 

Sous l’impulsion du gouvernement, l’Agence de la transition écologique (ADEME) a lancé un appel à manifestation d’intérêt afin de lancer les premiers contrats à impact à vocation écologique. Cette dynamique s’est trouvée renforcée par la multiplication de tels appels à projets portés par différents ministères.

L’innovation responsable

Que la France se positionne sur des « contrats à impact écologiques » n’est pas anodin. Ce mécanisme financier au bénéfice de l’innovation responsable — qui concerne environ 200 expérimentations dans le monde depuis 2010 — n’a jusqu’alors concerné que des enjeux sociaux et sociétaux, tels que la lutte contre la récidive des détenus, la sans-domiciliation fixe, le chômage, l’éclatement de cellules familiales, les problèmes de santé, etc.

Jamais de véritables contrats à impact ne furent initiés sur des questions environnementales. Le lancement de cette première vague de contrats à impact français dédiés à la protection de l’environnement — et notamment à l’économie circulaire — met en exergue des problématiques spécifiques, qui sont autant de défis à résoudre avant de peut-être augurer la multiplication de telles expérimentations au-delà de l’Hexagone.

Quel suivi des impacts ?

Le premier défi concerne le suivi des impacts générés par les projets financés. Là où le suivi du retour à l’emploi de demandeurs d’emplois ou de la récidive d’anciens détenus est relativement simple, l’inconnue demeure pour des projets à impact environnemental.

Quand on parle de coûts évités à propos de pollution de l’air, de kilomètres de transports non effectués, ou de réemploi de produits qui auraient pu finir incinérés, la tâche s’annonce plus difficile, et les impacts plus diffus et moins traçables. La compatibilité de telles approches avec les contrats à impact reste encore à prouver.

De 2 à 10 millions d’euros

Le second défi est d’ordre socio-démographique : les acteurs associatifs et de l’entrepreneuriat social français sont-ils armés pour développer des expérimentations de taille critique ? Les expériences françaises comme internationales depuis une décennie ont démontré que les SIBs ne font sens qu’à partir d’un coût de projet supérieur à 1,5 millions d’euros.

Or le tissu associatif et entrepreneurial autour de l’économie circulaire est principalement composé d’acteurs locaux, de taille modeste qui, s’ils sont parfois innovants et ambitieux, ne disposent pas d’une assise permettant de monter des expérimentations de l’ordre de 2 à 10 millions d’euros. Et encore moins la capacité à les déployer ultérieurement à grande échelle. 

Répliquer et mettre à l’échelle

Le troisième défi est celui de la réplication et du passage à l’échelle des éventuels succès d’innovations financées par ces contrats à impact environnementaux. Le rationnel des expérimentations financées dans le cadre de contrat à impact est de venir ultérieurement diffuser à grande échelle les innovations qui auront fait leurs preuves.

Or, le déploiement sur de nombreux territoires de dispositifs parfois assez spécifiquement et territorialement organisés n’est pas évident. Là où des travaux ont déjà démontré que le passage à l’échelle des prometteuses innovations sociales financées par des contrats à impact sociaux est assez peu systématique, les particularités des expérimentations environnementales complexifient encore le passage de l’innovation à l’usage à grande échelle. 

Donner l’exemple

Pour toutes ces raisons, le lancement de multiples contrats à impact écologiques en France n’est pas qu’une bonne nouvelle pour la France : notre territoire devient un lien d’expérimentation qui sera observé par tous les pays du monde s’intéressant aux contrats à impact social. En cas de succès, il y a fort à parier que d’autres pays développent de telles approches au plus grand bénéfice de l’environnement et des populations. Bienvenue aux contrats à impact écologique !

Benjamin Le Pendeven et Noam Leandri - Audencia

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