Europe : le charme d’une taxe carbone aux frontières

Responsabilité sociale - Tenter de réduire les émissions de CO2 par elle-même pourrait s'avérer difficile pour l'UE, notamment parce que cela pourrait nuire à sa compétitivité. Une taxe carbone aux frontières pourrait y contribuer. Le point avec Murray Birt, analyste senior de la recherche ESG chez DWS.

Le 14 juillet 2021, la Commission européenne publiera un programme de mesures intitulé « Fit for 55 », composé de propositions législatives visant à réduire les émissions de 55 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030. Pour y parvenir, il faudra déployer des efforts herculéens dans de nombreux secteurs et les entreprises européennes risquent de perdre leur compétitivité au profit d’entreprises de pays moins ambitieux.

L’un des « outils climatiques » privilégiés par l’UE consiste à taxer les émissions de CO2. Ainsi, une façon évidente de résoudre le problème de compétitivité est d’introduire une taxe sur le carbone aux frontières. Une telle taxe sera proposée par l’UE pour certaines industries et obligerait les importateurs d’acier, de fer, de ciment, d’engrais, d’aluminium et d’électricité à souscrire des quotas de carbone à partir de 2023.

CO2, le poids des importations

Comme le montre ce graphique, la différence est considérable pour certains pays si nous considérons la quantité de CO2 qu’ils produisent et celle qu’ils consomment. En d’autres termes, la quantité d’émissions de CO2 qu’ils exportent et importent. Le graphique montre que les États-Unis, pays axé sur les services, doivent importer une grande partie des biens qu’ils consomment et, à ce titre, ils importent beaucoup plus de CO2 qu’ils n’en exportent.

Il en va de même pour l’Europe et le Japon, bien que ce soit dans une moindre mesure. En revanche, la Chine et la Russie, qui exportent respectivement des biens et des ressources naturelles, se trouvent de l’autre côté de l’équation. L’application d’une approche fondée sur la consommation entraînerait une augmentation de 13 % des émissions des pays développés.

Europe : le charme d’une taxe carbone aux frontières
« Des émissions importantes sont incorporées dans le commerce »

Adopter une approche globale

Imposer une taxe sur le CO2 aux entreprises nationales tout en laissant les importations intactes entraînerait inévitablement des « fuites de carbone ». Cela revient à encourager les entreprises à forte intensité énergétique à déplacer leur production vers des pays dont les politiques en matière de carbone sont moins strictes, ce qui compromettrait tout effort de réduction des émissions de carbone à l’échelle mondiale. C’est pourquoi nous pensons qu’il est si important d’adopter une approche globale en matière de CO2.

Une taxe carbone aux frontières contribuerait à créer des conditions de concurrence équitables pour les entreprises et encouragerait les consommateurs à opter pour des produits à moindre intensité de CO2. Elle pourrait également réduire le volume de marchandises qui ne sont expédiées dans le monde entier qu’en raison de l’exploitation de normes environnementales différentes. Mais aussi bien intentionnée qu’elle puisse être, une telle taxe engendrera des avantages pour les uns et des inconvénients pour les autres.

Un effort de long terme

Les estimations des émissions liées au commerce qui figurent dans le graphique donnent une idée de la position des différents pays. L’envoyé spécial des États-Unis pour le climat, John Kerry, a demandé instamment de retarder l’introduction d’une taxe sur le carbone aux frontières, car cette idée ne devrait être qu’un « dernier recours » en raison de ses « graves implications pour les économies, les relations et le commerce ». Une étude asiatique a conclu que la proposition est protectionniste.

Une taxe carbone aux frontières devrait donc se heurter à une certaine résistance et sa mise en œuvre risque d’être complexe. Elle entraînera une certaine perturbation des chaînes de production et des échanges mondiaux établis. Mais encore une fois, qui a dit que la lutte contre le changement climatique serait une tâche facile ? En tout cas, de plus en plus de personnes ont commencé à reconnaître que l’effort en vaut la peine.

Murray Birt - DWS

Stratégiste senior ESG

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