Erosion du littoral : prévenir les risques

Responsabilité sociale - Le réchauffement climatique favorise l'érosion côtière. Comment anticiper les conséquences économiques de la submersion maritime ? Quels sont les investissements nécessaires pour réduire la vulnérabilité du bâti et financer la relocalisation ? L'éclairage de François Lett, Directeur du développement éthique et solidaire chez Ecofi Investissement.

L’interface à la fois fragile et essentielle entre la zone maritime et l’intérieur des terres constitue ce que nous appelons le littoral. Il est victime de nombreuses pressions naturelles et anthropiques qui se traduisent par deux phénomènes concomitants : l’érosion côtière et la submersion maritime.

Par exemple, à Wissant, dans le Pas-de-Calais, la tempête Ciara de février 2020 a accéléré l’érosion de la dune qui a reculé de 30 mètres en un an. L’élévation du niveau des mers dans un contexte d’urbanisation toujours plus forte des littoraux rappelle la nécessité d’accélérer la mise en œuvre des mesures d’adaptation de ces territoires.

Réduire la vulnérabilité

Dans son étude « L’adaptation au changement climatique sur le littoral » publiée en mai 2020, la Fabrique Écologique — fondation pluraliste de l’écologie — appelle à de nouveaux partenariats entre l’État et les collectivités locales sur la gestion des risques liés à l’érosion. Elle suggère de renforcer le rôle de l’État dans l’élaboration des Plans de prévention des risques (PPR).

Il s’agit de contrecarrer la prolifération de nouvelles constructions à risque sur le littoral français. A ce jour, de nombreux territoires vulnérables aux risques littoraux ne sont toujours pas dotés de PPR. Le groupe de travail appelle l’État à interdire les constructions dans les zones jugées à risque et à imposer des mesures de réduction de vulnérabilité pour les bâtiments déjà construits.

Gérer le recul des côtes

« Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) estime qu’entre 5 000 et 50 000 logements seront concernés d’ici 2100 par le recul des côtes, pour une valeur comprise entre 0,8 et 8 milliards d’euros », rappelle Jill Madelenat, présidente du groupe de travail à l’origine de l’étude. Il faudrait aussi ajouter dans la facture les activités économiques et les réseaux d’eau, d’électricité et de transports potentiellement définitivement submergés.

Pour y réussir, la Fondation préconise la « gestion adaptative ». « Nous recommandons de développer l’expérimentation pour faciliter la réalisation de projets pilotes de relocalisation des activités et des biens », déclare Jill Madelenat. Cela permettra d’accompagner financièrement la relocalisation des biens et des activités dans les territoires confrontés au recul des côtes.

Financer la relocalisation

Le besoin de financements est un point crucial des questions de relocalisation. Elle nécessite des financements pour indemniser les propriétaires qui partiraient des zones menacées pour acquérir du foncier et relocaliser l’ensemble des activités menacées.

La Fabrique Écologique distingue, d’une part, le financement sur le long terme de l’adaptation à la montée du niveau de la mer — notamment par la protection spatiale via des stratégies locales de gestion et des programmes d’actions associés — et, d’autre part, les besoins de financement de court terme pour l’indemnisation en urgence de propriétaires ayant été victimes d’une accélération brutale du recul des côtes ou d’une submersion marine.

Adapter les indemnisations

La Fondation préconise la création d’un Fonds pour l’aide à la recomposition littorale (FARL) qui s’appuierait sur une solidarité territoriale. Pour les mesures d’urgence, le fonds Barnier indemnise aujourd’hui les victimes de catastrophes naturelles. Les risques naturels éligibles comprennent la submersion marine, les inondations et les mouvements de terrain, mais l’érosion côtière n’en fait pas partie.

La Fabrique Écologique propose donc d’ouvrir le fonds à l’indemnisation des victimes de l’érosion brutale. A l’heure actuelle, le fonds Barnier indemnise les biens menacés dans les situations éligibles à la valeur marchande du bien sans prise en compte des risques.

La Fabrique Écologique recommande d’y introduire des critères d’équité. Ils se fonderaient sur le statut de la résidence (principale ou secondaire), complétés par des critères de revenus ou prenant en compte la vulnérabilité sociale des personnes.

François Lett - Ecofi

Directeur du développement éthique et solidaire

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