Energie : les sociétés pétrolières protègent leurs dividendes

Responsabilité sociale - La pression de plus en plus forte des actionnaires influence le secteur pétrolier en faveur de la transition écologique. En 2020, les majors pétrolières ont toutefois versé de généreux dividendes, malgré la crise du secteur. Quel bilan pour les majors cette année ? Quel avenir pour le secteur ? L'éclairage de Casera Vitali, Responsable ISR chez Ecofi.

2020 s’est révélée être une année de forte crise pour les sociétés pétrolières : le ralentissement économique global dû à la pandémie de la Covid-19, la baisse de la consommation mondiale de pétrole (- 9 % par rapport à 2019) et l’effondrement du cours du baril, qui est passé de 70 dollars à moins de 30 dollars au deuxième trimestre 2020, ont bousculé considérablement l’écosystème de cette industrie.

Transition énergétique

Les cinq majors (Royal Dutch Shell, ExxonMobil, BP, Total, Chevron) ont enregistré 77 milliards de dollars de pertes globalement sur l’année. Ces sociétés ont de plus décidé de comptabiliser d’importantes dépréciations d’actifs pétroliers et gaziers en 2020. Les majors ont par conséquent vu leurs résultats annuels s’effondrer.

Un autre facteur a contribué à influencer le secteur, la pression de plus en plus forte menée par les actionnaires sur la stratégie de transition énergétique des sociétés, à travers notamment la demande d’efforts majeurs vers les énergies renouvelables et l’arrêt des investissements dans les hydrocarbures non conventionnels, comme les sables bitumineux, le pétrole et le gaz par fracturation hydraulique et le forage en Arctique.

Influence des actionnaires

Cette pression a déjà obtenu plusieurs résultats positifs au niveau de chaque société. Par exemple, nous pouvons citer Total. 10 actionnaires, dont Ecofi, ont déposé une résolution climat à l’assemblée générale 2020 pour demander à l’entreprise de préciser un plan d’actions à moyen et long terme, ainsi que les moyens déployés pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (y compris les émissions indirectes).

Suite à cette résolution, Total s’est finalement engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 pour ses opérations mondiales (scopes 1+2) et européennes (scopes 1+2+3). Pour prendre un autre exemple, ExxonMobil a été contraint de nommer deux nouveaux administrateurs au sein de son conseil sous la pression d’un de ses actionnaires, le fonds activiste américain Engine n°1, très critique sur la stratégie du groupe par rapport au changement climatique.

Davantage de dividendes…

Ces changements sont visibles aussi sur l’ensemble du secteur. American Petroleum Institute (API), la plus importante association professionnelle de pétroliers américains, qui figure parmi les plus influentes au monde, a affirmé soutenir l’instauration d’une taxe carbone pour lutter contre le changement climatique et atteindre les ambitions de l’Accord de Paris. Malgré la forte crise du secteur, en 2020, les sociétés pétrolières ont tout de même versé de généreux dividendes à leurs actionnaires.

Selon le rapport « Running on Fumes: Oil and Gas Supermajor Cash Woes Worsened in 2020 » de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), un centre de recherche américain qui analyse les problématiques économiques liées au domaine de l’énergie, les cinq majors pétrolières ont versé près de 49,9 milliards de dollars de dividendes à leurs actionnaires. Un décalage important par apport à l’année particulièrement difficile dans laquelle les activités principales des 5 sociétés n’ont généré que 20,5 milliards de dollars de flux de trésorerie.

ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et Total ont pourtant réduit les dividendes en 2020 en raison de la pandémie. Le montant total des dividendes versés aux actionnaires a baissé de 30 % par rapport à 2019. Le différentiel entre les flux de trésorerie et les dividendes s’est encore creusé pour atteindre 29,4 milliards de dollars, alors qu’il était d’environ 10 milliards de dollars en 2019.

…jusqu’à l’endettement

Selon l’analyse de l’IEEFA, les majors pétrolières préfèrent verser tous les ans d’importants dividendes à leurs actionnaires pour qu’ils ne se détournent pas d’elles. Sur les dix dernières années, les versements de dividendes totaux des cinq majors se sont élevés à plus de 561 milliards de dollars, avec des flux de trésorerie de 325 milliards de dollars.

Pour financer ce déficit de 207,2 milliards de dollars, les majors se sont endettées ou ont vendu des actifs. L’année 2020 s’est toutefois révélée une année peu fructueuse, avec seulement 14,2 milliards de dollars de cession d’actifs, le niveau le plus bas depuis 2009.

Cesare Vitali - Ecofi

Responsable ISR

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