Covid-19 : va-t-il transformer le tourisme de masse ?

Responsabilité sociale - Ces dernières années, de nombreux sites ont connu un phénomène de sur-tourisme. Le confinement lié au Covid-19 est une respiration bienvenue. Quelles conséquences à long terme cet événement aura-t-il sur le secteur ?

Apparu en Europe au XIXᵉ siècle, le tourisme est passé d’une pratique culturelle réservée à une élite à un phénomène de masse. 1,4 milliard de touristes internationaux ont voyagé en 2018, selon l’Organisation mondiale du tourisme. 4 milliards de dollars sont dépensés en moyenne chaque jour par les voyageurs. Le tourisme est le troisième secteur économique mondial et génère 10 % du produit intérieur brut mondial en employant 313 millions de personnes dans le monde.

Le terme de « sur-tourisme » est apparu ces dernières années pour désigner le phénomène de saturation des sites touristiques par un nombre croissant de visiteurs. A Venise, par exemple, près de 30 millions de personnes visitent la ville chaque année, quand celle-ci ne compte que 55 000 Vénitiens.

Nuisances du sur-tourisme

Ce tourisme nuit à la qualité de vie locale : rues et transports surchargés, nuisances sonores, plages bondées… Les commerces de proximité cèdent la place à des bars et à des boutiques de souvenirs. La prolifération d’hôtels et d’hébergements touristiques engendre une pénurie de logements pour les habitants et une hausse des prix de l’immobilier.

Le sur-tourisme accentue également le phénomène de gentrification, soit le départ des classes populaires des centres-villes au profit d’une classe sociale plus aisée. Face à ce phénomène, nous observons une montée de la « tourismophobie », comme avec « Tourists go home » à Barcelone ou à Venise.

Le sur-tourisme nuit aussi gravement à l’environnement : surconsommation des ressources naturelles, création toujours plus importante de déchets, pollution de l’eau et des sols préjudiciable à la biodiversité, destruction des écosystèmes…

Covid-19 et empreinte carbone

Une étude scientifique, publiée en mai 2018 dans la revue Nature Climate Change, révèle que l’empreinte carbone du tourisme mondial est considérable. Selon leurs calculs, cette activité est responsable d’environ 8 % du total des émissions de gaz à effet de serre de l’humanité.

L’originalité de leur approche est d’avoir comptabilisé non seulement les émissions directes associées aux transports, mais aussi celles liées aux biens et aux services consommés par les voyageurs, qu’il s’agisse de restauration, d’hôtellerie ou d’achats divers.

Outre-Atlantique, l’institut Oxford Economics estime que le tourisme pourrait accuser un impact « six fois supérieur à celui causé par le 11 septembre », avec « 4,6 millions d’emplois en moins » en raison des annulations de voyages. Airbnb subit de plein fouet la pandémie avec des taux d’annulation proches de 90 % selon le cabinet spécialisé AirDNA.

Un Green Deal européen

La crise sanitaire qui frappe le globe entier pourrait-elle sonner le glas du tourisme de masse et de la lourde empreinte écologique qui l’accompagne ? Thierry Breton, Commissaire européen en charge du marché intérieur, prévient aussitôt avec force : « Nous avons besoin d’un véritable plan Marshall pour le tourisme européen. J’estime qu’il faudra y consacrer de l’ordre de 20 % de toute l’enveloppe dédiée à la relance de l’économie, qui pourrait atteindre quelque 1 500 milliards d’euros si on y consacre 10 % du PIB européen ».

Mais, il ajoute heureusement que « le tourisme doit être au cœur du Green Deal européen et promouvoir le tourisme durable face au tourisme de masse que l’on observe dans certaines villes ou régions. Il s’agira de trouver un équilibre entre la préservation des écosystèmes et les réalités économiques

Eudes Girard, professeur agrégé de géographie, tempère : « Rien n’arrête durablement le tourisme, même une crise très grave. Une fois l’épisode du coronavirus derrière nous, les bonnes et les mauvaises habitudes reprendront, inexorablement. »

Développement durable

Conséquence directe de l’épidémie, les musées du monde entier se mettent à l’heure numérique. Quinze des plus grands musées mondiaux ont ainsi décidé de rester « ouverts » en ligne, dont Le Louvre à Paris, le musée Van Gogh à Amsterdam ou encore le Met à New York.

De même, par un effet de bonne conscience, le développement d’un tourisme de proximité, relativement local et durable, pourrait aussi bénéficier d’un regain d’intérêt après la crise alors qu’il se limite à un choix engagé essentiellement de CSP+, à la recherche de vacances à moindre impact environnemental.

François Lett - Ecofi

Directeur du développement éthique et solidaire

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