Chirine Ben Zaied-Bourgerie – Finastra : reporting ESG, « une bonne gestion des données permettrait une meilleure gestion des risques »

Responsabilité sociale - Comment favoriser le développement d'une finance plus durable ? Comment le reporting ESG peut-il contribuer à optimiser la gestion des risques climatiques ? Chirine Ben Zaied-Bourgerie, Directrice de l'innovation chez Finastra, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Face à la transition énergétique, la durabilité représente un défi de taille pour la finance. D’après une étude Simon Kucher and Partners, 30 % des consommateurs de services financiers seraient prêts à revoir leurs prestations et leur fournisseur pour des motifs environnementaux. Comment favoriser la transition vers un modèle de finance plus éthique ? Comment gérer de manière transverse les problématiques ESG ?  Finastra — multinationale spécialiste du développement de logiciels financiers — accompagne les fintechs vers une finance plus responsable. Chirine Ben Zaied-Bourgerie, Directrice de l’innovation chez Finastra, répond en exclusivité au Courrier Financier.

C.F. : Qu’est-ce que la CSRD européenne ? Quels sont les enjeux de la standardisation des données ESG et RSE ?

Chirine BenZaied-Bourgerie - Finastra : reporting ESG, « une bonne gestion des données pour une meilleure gestion des risques »
Chirine Ben Zaied-Bourgerie

Chirine Ben Zaied-Bourgerie : Pour avancer vers un objectif, il est primordial de mesurer. C’est la mission du CSRD. Ce nouvel outil de reporting extra-financier vise à simplifier et améliorer la communication des performances non financières de l’entreprise, en particulier les informations environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG). Il s’agit de mesurer pour avancer vers l’objectif « Net Zero ».

Maintenant, les systèmes cloisonnés que nous trouvons souvent dans les banques traditionnelles créent d’importants défis en matière d’accès à leurs propres données ESG et à celles de leurs clients. En outre, l’évolution constante du cadre juridique, concernant le type de données à utiliser et comment les présenter, freine la mise en œuvre de standards dans l’industrie.

C.F. : Comment le reporting ESG peut-il contribuer à optimiser la gestion des risques climatiques à moyen terme ?

C.B.Z.B. : Une bonne gestion des données dans le cadre du reporting ESG permettrait une meilleure gestion des risques. Imaginez la possibilité de faire des simulations sur les données ESG et de mesurer son impact sur les portefeuilles de crédit ou d’investissement de la banque. De la même façon, inclure des facteurs de risques climatiques, ou des risques liés à la transition énergétique, permet de mesurer son impact sur la performance de la banque.

Nous pouvons voir par exemple, comment des portefeuilles de crédit plus « vert » peuvent être plus performants ou présenter moins de risque de défaut. Nous pouvons aussi imaginer d’autres outils qui permettent de mesurer l’impact des risques climatiques sur les exigences en fonds propres. Le risque climatique deviendrait ainsi un facteur de risque supplémentaire qui viendrait s’ajouter aux risques financiers dits « traditionnels » tels que le crédit, la liquidité et le marché.

Des rapports ESG complets et précis permettent aux institutions financières de comprendre comment les risques climatiques pourraient impacter leurs activités et celles de leurs clients afin de mener des analyses et tests de résistance (stress test) prudentiels menant à des meilleures décisions. C’est d’ailleurs l’objectif principal d’une stratégie de gestion des risques.

C.F. : En France, quelles sont aujourd’hui les obligations des sociétés de gestion d’actifs en matière de finance durable ?

C.B.Z.B. : Toutes les grandes institutions financières en France doivent répondre à des exigences de transparence vis-à-vis de l’ensemble de leurs parties prenantes : investisseurs, consommateurs, décideurs politiques, etc. et ce, afin de favoriser une approche plus durable de la finance. À ce titre, elles ont l’obligation de divulguer comment les facteurs ESG sont intégrés ou non à leurs stratégies de gestion des risques.

Qu’ils investissent dans des actions, des obligations ou de l’immobilier, les gestionnaires d’actifs peuvent contribuer de manière significative à la conduite du changement et favoriser la transition écologique en capitalisant sur les critères ESG dans leurs choix d’investissement. Cette approche leur permet également de répondre à la demande croissante de leurs clients en matière d’investissements durables et de fonds socialement responsables.

C.F. : Comment les fintechs peuvent-elles soutenir la transition du secteur bancaire vers la finance durable ?

C.B.Z.B. : Pour soutenir et accélérer cette transition, il est essentiel de favoriser un écosystème financier ouvert et collaboratif, dans lequel les fintechs jouent un rôle central. L’agilité des fintechs permet aux banques de réagir rapidement et d’optimiser leurs produits pour faire face aux changements, comme l’évolution de la taxonomie européenne ou la mise en place d’un nouveau cadre réglementaire pour la gestion des risques climatiques.

Ces changements ont un impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’émission d’obligations vertes au financement structuré de projets à impact, y compris les prêts verts aux particuliers, l’investissement socialement responsable (ISR) et la gestion des risques climatiques. Une approche plateforme permet ainsi de gérer les données de manière transversale et de bénéficier du riche écosystème des fintechs.

Voici quelques exemples de fintechs travaillant particulièrement sur ces sujets et œuvrant pour faire bouger les lignes :

  • GreenPoint Global, fintech New Yorkaise qui fournit entre autres des outils pour mesurer l’impact du risque climatique sur le RWA (risk weighted asset) ;
  • Valuecometrics, fintech Parisienne qui travaille sur la donnée ESG. C’est un acteur de place de marché, permettant aux gérants d’actifs et institutions financières de partager leurs scoring ESG sans les dévoiler, et de bénéficier de la connaissance du consensus sur ces scoring ;
  • GreenRWA, association (France, UK et USA) visant à définir des standards en termes de modélisation et gestion de risque climatique. L’association a publié entre autres un modèle appelé CERM (Climate Extended Risk Model) en partenariat avec l’école polytechnique

C.F. : Chez Finastra, comment accompagnez-vous cette évolution avec votre plateforme en architecture ouverte ?

C.B.Z.B. : Finastra est un orchestrateur de l’Open Finance. Nous aidons les institutions financières à migrer leurs services financiers vers le cloud, en réduisant leur dépendance à l’égard des centres de données dont l’empreinte carbone est importante. Notre plateforme ouverte, FusionFabric.cloud, permet aux institutions d’évoluer rapidement et de développer des applications fintech spécialisées. Cela permet, par exemple, d’ajouter des capacités de reporting ESG à leur offre existante.

De plus, en orchestrant l’évolution de la banque vers un modèle de banking as a service et de finance intégrée, nous favorisons l’adoption de la finance durable pour les entreprises et les particuliers à très grande échelle. Nous travaillons ainsi à la fois avec nos clients, partout dans le monde, ainsi qu’avec des acteurs tels que GreenPoint Capital, Valuecometrics, et GreenRWA entre autres pour construire les solutions ESG de demain.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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