Santé ou économie : a-t-on le choix ? L’analyse du Cercle des économistes

Patrimoine - La crise de la COVID-19 poursuit ses ravages sur la santé et l’économie de tous les pays du monde.

Pourtant, il semble que ces deux sujets soient traités à part, ou au moins séquentiellement, par les pouvoirs publics et les observateurs. On ne peut que regretter cet état de fait tant les deux dimensions sont en fait interreliées. On ne sauvera pas l’économie si la société traverse une crise sanitaire hors de contrôle, mais si l’économie ne se relève pas des mesures prises pour contrer la maladie, les conséquences seront tout aussi dramatiques.

Pour analyser précisément la situation, les perspectives et les solutions que nous pouvons mettre en place, le Cercle des économistes a organisé un cycle de 4 conférences sous le thème « Santé ou économie : a-t-on le choix ? », rassemblant 8 membres du Cercle des économistes, des dirigeants de cercles de réflexion et des personnalités représentatives du secteur de la santé. Nous tirons de ces discussions six grands idées de conclusion On ne sauvera pas l’économie si la société traverse une crise sanitaire hors de contrôle, mais si l’économie ne se relève pas des mesures prises pour contrer la maladie, les conséquences seront tout aussi dramatiques.

Pour analyser précisément la situation, les perspectives et les solutions que nous pouvons mettre en place, le Cercle des économistes a organisé un cycle de 4 conférences sous le thème « Santé ou économie : a-t-on le choix ? », rassemblant 8 membres du Cercle des économistes, des dirigeants de cercles de réflexion et des personnalités représentatives du secteur de la santé. Nous tirons de ces discussions six grands idées de conclusion :

1) La crise sanitaire et économique que nous vivons sera de longue durée. Si la perspective d’un vaccin nous laisse espérer une fin prochaine, le retour à la normale ne pourra pas se faire avant l’été prochain et nous devons nous organiser pour répondre aux risques de nouvelles vagues
épidémiques dans les prochains mois. En effet, la récurrence des chutes de PIB liée aux confinement répétés réduit peu à peu la croissance potentielle des 5 prochaines années, et retarde de plus en plus loin le retour à une situation de richesse comparable à l’avant-crise.

2) Cette crise fait l’objet d’un manque de débat ou de discussion entre la sphère sanitaire et la sphère économique sur les solutions qui sont mises en place. Si l’urgence de l’apparition de la maladie justifiait des prises de décisions rapides et verticales, l’installation de la pandémie dans un
temps plus long doit nous pousser à créer une doctrine complète, identifiée et efficace. La doctrine existante (le triptyque « tester, tracer, isoler ») est difficilement applicable aujourd’hui en France, notamment pour sa dimension « isoler ». De plus, c’est une doctrine d’urgence, qui ne
permet pas d’anticiper et elle fonctionne de manière séquentielle avec son volet économique (le « Quoi qu’il en coûte ») alors que les deux dimensions doivent être associées. Composer cette nouvelle doctrine doit être définie après une discussion étendue entre les secteurs de la santé et économiques. Il nous semble cependant que cette doctrine doit reposer sur certains principes :

  • Plutôt que d’attendre les défaillance de la doctrine en place et la réalité d’une vague épidémique pour prendre des mesures d’urgence, il serait bénéfique de la renforcer avec un outil d’anticipation. Cela supposerait par exemple de s’engager à prendre des mesures
    drastiques, sur un temps plus court, dès les premiers signes d’une résurgence. Il faut qu’on puisse frapper vite et fort, de manière anticipée et compréhensible par tous.
  • Il faut créer un système d’alerte largement diffusé et reconnu, basé sur les indicateurs de la propagation du virus les plus sérieux. Une fois les premiers seuils d’alerte dépassés, les mesures qui auront été décidées en avance devront être automatiquement mises en place très
    rapidement, en tenant compte du temps de préparation nécessaire du tissu économique. Les données sanitaires doivent devenir des outils de pilotage politique et économique.
  • Pour mettre en place un réel débat, il faut que toutes ces propositions soient faites dans la plus grande transparence et pédagogie possibles. Face à la désinformation et la méfiance d’une partie de la population, les pouvoirs publics, les chercheurs et les experts ont un rôle majeur à jouer : celui de largement informer et d’expliquer les mécanismes à l’œuvre dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19.
  • La mise en œuvre de cette doctrine doit s’inscrire dans la volonté de décentralisation de l’action publique qui s’est exprimée dès le premier confinement. Les régions en particulier ont démontré leur capacité d’action et leur pertinence à cette occasion. Les ARS, présidence de région et préfets de région doivent être utilisés dans la concrétisation de la stratégie sanitaire.
    Plus largement, ce sera l’occasion de reprendre les travaux sur la réforme de l’Etat pour sortir de son organisation en silo, et faire mieux fonctionner ensemble tous les échelons de décision

3) Cette crise a été l’occasion de mesures de sauvegarde inédites prises par le gouvernement. Mais malgré la bonne volonté sur ce plan, des trous subsistent dans la raquette, notamment en ce qui concerne la jeunesse et les travailleurs « en première ligne ». Nous ne pouvons pas attendre le rebond espéré sur le plan économique pour que leur situation s’améliore, et il faut tout faire dès maintenant pour que cette génération et les personnes les plus précaires ne soit ni sacrifiées ni oubliées.

4) La crise crée cependant des opportunités, qu’il faut saisir rapidement, notamment la digitalisation de plusieurs secteurs et de nouvelles organisations du travail. Mais il ne faut pas attendre du télétravail ou du recours accru aux outils numériques qu’ils créent massivement des emplois après la crise. Les entreprises se disent encore très prudentes avant d’envisager d’engager des salariés à distance, et les emplois compatibles avec le télétravail ne pourront pas remplacer
ceux détruits par le mouvement de désindustrialisation français des dernières années. Le tissu productif doit se renouveler et se moderniser rapidement si nous voulons réindustrialiser le pays.
Il n’y aura pas de relocalisation de masse, mais la création de nouvelles industries est possible, notamment en s’appuyant sur le plan de relance qui doit cibler des filières d’avenir.

5) La situation sanitaire et macroéconomique va rester très difficile pendant encore plusieurs mois.
Les aides mises en place ne doivent pas être retirées trop rapidement, nous ne sommes malheureusement pas à l’abri d’un nouveau choc épidémique. La stabilité des mesures publique dans le temps permet une meilleure adaptation du tissus économique qu’une redéfinition de
l’espace réglementaire régulièrement.

6) La situation sanitaire, organisationnelle et politique est unique dans chaque pays, et aucun ne peut prétendre franchir cette période sans difficulté. Il vaut mieux éviter de se comparer sans recul à d’autres pays, chacun essaie de tirer le meilleur parti de sa situation. Si on peut essayer de
s’inspirer de certaines mesures qui semblent donner des résultats ailleurs, tout n’est pas transposable à notre situation et aucun de nos voisins n’a trouvé de solution miracle lui permettant de traverser l’épidémie sans de terribles impacts sanitaires et économiques.