Réforme des retraites 2019 : fin de l’histoire ou éternel retour ?

Patrimoine - Le 19 avril dernier se tenait au Sénat un colloque sur la future réforme des retraites. C’est le point de départ d’une grande bataille qui s’annonce pour le Gouvernement. L’ambition est claire : transformer entièrement le modèle pour aboutir à un « système universel ». Après presque 30 ans de réformes successives, allons-nous assister à la fin de l’histoire, ou bien au contraire, à un éternel retour ?

C’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron : « un euro cotisé doit donner lieu aux mêmes droits pour tous ». Un an après son élection, le Président entame le périlleux chantier des retraites, par l’intermédiaire de sa ministre Agnès Buzyn et du haut-commissaire à la réforme, Jean-Paul Delevoye. Deux possibilités s’offrent au gouvernement.

La première est celle d’une transformation vers un régime « par points ». Avec ce système, les salariés cumuleraient tout au long de leur carrière un certain nombre de points, convertis en pension mensuelle une fois à la retraite. La valeur du point varie, car celle-ci est calculée en fonction de nombreux facteurs, comme le nombre d’actifs ou l’espérance de vie. La grande faiblesse de la retraite « par points » vient de là : le montant minimum des pensions n’est plus assuré, car celui-ci est indexé à la valeur du point.

C’est pour cette raison que l’exécutif serait plus enclin à établir un système dit « des comptes notionnels ». Cette fois, plus de points, mais un compte virtuel, sur lequel seraient enregistrées les cotisations du salarié. Le capital virtuel resterait converti grâce à un coefficient, qui ne prendrait en compte cette fois-ci que l’âge de départ et l’espérance de vie. Néanmoins, dans ce cas de figure, les futurs retraités auront intérêt à travailler plus longtemps pour obtenir de meilleures pensions.

En effet, même si l’ambition est de conduire une réforme « systémique », le Président de la République a assuré que l’âge légal de départ à la retraite resterait fixé à 62 ans. Il tient aussi à préserver les trois fondamentaux actuels : un système obligatoire, contributif et par répartition.

Un modèle français efficace mais critiqué

La modèle français repose sur un système dit « par répartition ». À la différence de celui « par capitalisation », le salarié n’y cotise pas directement pour sa propre retraite. En réalité, il finance celles des  générations précédentes. On parle alors de solidarité intergénérationnelle.

Pour Marisol Touraine, ancienne ministre des Affaires sociales et de la Santé, le constat est sans appel : « Depuis 70 ans, les retraites ont permis aux seniors de sortir de la pauvreté, qui, jadis, était la norme ». Il faut dire qu’aujourd’hui, leur niveau de vie est même supérieur à celui du reste de la population (d’environ 6%, selon le Conseil d’orientation des retraites).

Il n’y a pas si longtemps, en 1970, le niveau de vie d’un retraité n’était équivalent qu’aux deux tiers du niveau de vie d’un actif. La preuve, s’il en fallait une, que le système français est loin d’être inefficient. À cela s’ajoute la décennie d’espérance de vie supplémentaire gagnée depuis cette époque.

Pourtant, une grande majorité de Français ne se satisfait pas de la situation. Selon une enquête conduite en février 2018 par le Centre d’Etudes et de Connaissances sur l’Opinion Publique, 8 Français sur 10 considèrent que le système est « inefficace » pour fournir un niveau de pension correct. 75% des sondés considèrent même que celui-ci est « injuste ».

Les Français favorables à une réforme

La même enquête révèle aussi que la majorité des Français (53%) souhaite une réforme pour unifier les nombreux régimes de retraite existant. Pour Gérard Larcher, il faut néanmoins se méfier « des tentations du grand soir qui font que l’on se réveille la matin avec la gueule de bois ».

Le Président du Sénat, à l’occasion du colloque sur l’avenir des retraites, appelle à la prudence : « Nos 42 régimes sont aussi le fruit de l’histoire sociale de notre pays. Ils sont le résultat de compromis sociaux et professionnels auxquels les assurés de ces régimes sont attachés. Il faudra en tenir compte ». L’ancien maire de Rambouillet finit même par mettre en garde le gouvernement : « La brutalité peut parfois paralyser les réformes qui sont pourtant nécessaires ».

Car il va sans dire que la réforme est incontournable. Le « papy-boom », couplé à l’allongement de l’espérance de vie, remet fortement en question la viabilité du mécanisme. Le système français pâtit aussi d’une dépendance vis-à-vis de la croissance économique et souffre toujours d’un retard dans le calendrier des réformes par rapport au voisin allemand.

Toutes ces raisons poussent Agnès Buzyn à promettre un « débat de société » plutôt qu’une « énième réforme des retraites ». La ministre des Solidarités et de la Santé affiche l’ambition du gouvernement de créer un « système de retraite universel ». Elle tient aussi à rassurer en assurant qu’il ne s’agit pas de « niveler par le bas » les droits, mais bien de refonder un système capable, à terme, de « générer des droits nouveaux ».

Après une longue période de concertation s’étirant jusqu’à l’automne, Jean-Paul Delevoye présentera le projet de réforme. Celle-ci devrait ensuite être votée, au plus tôt, à l’été 2019. Reste à voir si ce sera la dernière.

La Rédaction - Le Courrier Financier

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