« Paroles, paroles »

Patrimoine - Depuis une quarantaine d’années, la France est confrontée à des problèmes connus de toutes et de tous mais qui perdurent de septennat en quinquennat.

Le logement, la santé, la retraite, la dépendance, la formation initiale et continue, ou bien encore l’organisation territoriale du pays figurent dans cette liste de problèmes non résolus.
Face à ces difficultés, les pouvoirs publics et, plus largement, l’ensemble des acteurs concernés ont tendance à procrastiner. L’abandon du projet de loi visant à instituer un système universel de retraite qui était un des éléments clefs du programme de 2017 d’Emmanuel Macron traduit la difficulté de passer de l’intention aux actes.

Ce projet de loi qui reprenait des travaux, parfois anciens menés tant par la CFDT que par le parti centriste et libéral, l’UDF, a buté sur la convergence des oppositions et l’hostilité des Français à tout report de l’âge de départ à la retraite. Si le système universel répondait à la soif égalitaire de la population, il faisait craindre une remise en cause de certains droits considérés inaliénables comme l’âge de départ à la retraite. Ce projet de loi en tentant d’atteindre deux objectifs, la remise à plat de tous les régimes et la restauration de l’équilibre financier avec l’introduction d’un âge pivot de départ à la retraite, n’a atteint ni l’un, ni l’autre. Si dans le cadre de la campagne de 2022, le Président de la République a promis une nouvelle réforme des retraites, il a revu a priori ses ambitions en se focalisant sur l’âge de départ.

Depuis les années 2000, il y aurait même par résignation, par fatalité, une régression dans la pensée réformatrice. Les gouvernements en France comme à l’étranger éprouvent de réelles difficultés à engager des réformes structurelles dont les effets exigent du temps quand aujourd’hui la dictature de l’immédiateté prévaut. La
fragmentation des sociétés occidentales avec des difficultés à générer du consensus limite l’action des pouvoirs publics. Cette situation conduit à l’attrition de la pensée politique. A quoi bon échafauder des plans ambitieux quand ceux-ci sont voués à rester à l’état de projet ou d’idée ? En 2022, il est difficile d’imaginer un gouvernement
s’engageant dans des projets comme la création de villes nouvelles, le TGV, Airbus ou le téléphone pour tous sachant que les successeurs en capteront les gains.

L’imagination est de moins en moins au pouvoir. Dans les années 1980 et 1990, des partis politiques dits de gouvernement osaient des propositions détonantes comme la régionalisation et l’autonomie des caisses d’assurance maladie, l’instauration d’une France fédérale, etc. Avec la complexification des rapports sociaux, tout projet pour se concrétiser nécessite un temps long. La multiplication des recours transforme tout action
en chemin de croix.

La réalisation des infrastructures nécessite plusieurs décennies. La liaison Turin Lyon lancée dans les années 1980 n’est toujours pas achevée. La réalisation des lignes de métro du Grand Paris qui n’en demeure pas moins exemplaire, nécessitera au moins un quart de siècle. La modernisation de la Tour Montparnasse à Paris est une affaire vieille de quarante ans. Face aux hostilités de toute nature, les pouvoirs publics en viennent à privilégier les effets d’annonce aux actes. Cette langueur qui n’est pas spécifique à la France pèse sur la croissance du pays. La nécessité de donner du sens aux décisions et de les inscrire dans un projet global est une voie de
passage obligée mais pas suffisante. Il faut surtout que toute annonce ne reste pas dansla sphère du virtuel mais qu’elle se traduise le plus vite en actes. Dans une société du commentaire, de l’analyse, il faut redonner de la force aux mots.

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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