Le Livret A inoxydable : 1ère collecte positive en septembre depuis 2012

Patrimoine - Les Français restent attachés aux livrets d'épargne. Cet automne, les résultats de la collecte du Livret A montrent la première collecte positive en septembre depuis 2012. Quels paradoxe cette collecte positive soulève-t-elle ? Quel a été l'impact de la baisse des taux sur le Livret A ? Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l'Epargne, partage son analyse.

Après six années consécutives de décollecte en septembre, le Livret A a renoué cette année avec une collecte positive, à hauteur de 1,06 milliard d’euros. Elle avait été négative de 410 millions d’euros en septembre 2018. Il faut remonter à 2012, année du relèvement du plafond et en pleine crise des dette souveraines, pour retrouver en septembre, une collecte positive (+190 millions d’euros en 2012).

Depuis le mois de janvier 2019, la collecte nette atteint 15,77 milliards d’euros contre 10,93 milliards sur la même période de 2018 pour le Livret A. Cette collecte permet au Livret A d’espérer enregistrer son meilleur résultat depuis 2012, année qui avait été marquée par le relèvement du plafond. L’encours à fin septembre frôle la barre historique des 300 milliards d’euros au mois de septembre (299,6 milliards d’euros).

Livret A face au LDDS

De son côté, le Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS) a enregistré une décollecte de 40 millions d’euros au mois de septembre de. Depuis son origine en 1983, ce livret est distribué par tous les réseaux, quand le Livret A ne le fut qu’à partir de 2009. De ce fait, le LDDS est associé aux comptes courants des ménages. Il fluctue de manière plus fine que le Livret A en fonction de l’évolution des dépenses de ces derniers.

Le Livret A est considéré comme un produit d’épargne, quand le LDDS est utilisé comme une annexe des comptes courants. Sur les neuf premiers mois de l’année, la collecte du LDDS reste positive de 3,57 milliards d’euros. L’encours de ce produit est de 111,2 milliards d’euros.

2019, une collecte positive…

L’année 2019 marque donc une véritable rupture. Jusqu’à maintenant, le neuvième mois de l’année — tout comme celui d’octobre — était un mois défavorable au Livret A du fait des contraintes liées à la rentrée. Les dépenses scolaires et les obligations fiscales conduisaient les Français à retirer de l’argent de leur Livret A.

La rupture de 2019 s’explique par la disparition du paiement par tiers de l’impôt sur le revenu avec l’instauration — depuis le 1er janvier 2019 — de la retenue à la source. Le dernier tiers constituait pour les ménages qui n’étaient pas mensualisés le versement bien souvent le plus important. La suppression progressive de la taxe d’habitation réduit également les besoins de liquidités.

… mais paradoxale ?

Ce bon résultat traduit surtout le maintien d’une forte appétence pour l’épargne. Depuis le début de l’année, le taux d’épargne reste à des niveaux élevés : 15 % du revenu disponible brut. Les gains de pouvoir d’achat générés par les mesures prises dans le cadre de la sortie de crise des « gilets jaunes » tout comme ceux provoqués par la baisse d’inflation ont été, en grande partie, épargnés et non consommés comme en témoignent les résultats de la consommation, étale depuis le milieu de l’année 2018.

Les Français s’avèrent prudents voire inquiets vis-à-vis de l’évolution de la situation économique et cela malgré l’amélioration du marché de l’emploi. Les messages anxiogènes sur la conjoncture avec la multiplication des menaces — Brexit, tensions commerciales sino-américaines, tensions avec l’Iran, problèmes en Syrie, etc. — ainsi que ceux qui concernent le climat incitent les Français à mettre de l’argent de côté.

Quand la baisse des taux fait l’affaire du Livret A

Le résultat de septembre peut apparaître d’autant plus surprenant que le rendement du Livret A est à un niveau historiquement bas, 0,75 % contre 2,25 % en septembre 2012. Les ménages semblent être insensibles à ce faible taux. Les ménages entendent renforcer leur épargne de précaution. La garantie en capital du Livret A et sa grande liquidité sont plébiscitées. La recherche du rendement passe après.

Les taux bas alimentent l’épargne. Les ménages estiment qu’il faut épargner davantage pour arriver à se constituer un montant déterminé de patrimoine (effet d’encaisse). L’argent ne rapportant plus beaucoup, tout repose sur l’effort d’épargne. Par ailleurs, pour les ménages, les taux bas sont la preuve que le système économique est déréglé et qu’il convient de se protéger.

Quelles perspectives pour les prochains mois ?

Avec une collecte positive au mois de septembre, la division de l’année en deux pour le Livret A est remise en cause. Jusqu’à cette année, le premier semestre se caractérisait par une collecte positive quand le second était marqué par des décollectes. Le prochain rendez-vous clef pour le Livret A sera le 1er février avec une éventuelle baisse du taux de rendement.

Compte tenu de l’évolution de l’inflation et de la nouvelle formule, le taux devrait passer à 0,5 %. Cette baisse pourrait aboutir à un mouvement de décollecte comme cela a été constaté lors des précédentes baisses. Les ménages mettent en règle générale entre 3 et 6 mois pour s’habituer au nouveau taux.

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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