EXCLUSIF / Fintech : le paiement fractionné et différé, un terrain de jeu épineux

Patrimoine - La crise sanitaire encourage la dématérialisation des services de paiement. Les fintechs en profitent pour se développer sur le créneau du paiement fractionné. Quels sont les enjeux et les défis de ce secteur ? Les explications d'Eugénie Fau, consultante sénior pour Square.

Ces dernières années, le contexte de crise sanitaire a favorisé un climat propice à l’innovation dans le secteur financier. L’accélération de la dématérialisation des services a notamment permis aux acteurs entrants de faire preuve d’inventivité pour concevoir des solutions innovantes, répondant aux nouveaux usages apparus pendant la pandémie.

C’est notamment sur la vague du paiement fractionné, autrement appelé « Buy now, Pay later » (ou BNPL), que certaines fintechs ont décidé de surfer : une solution de plus en plus plébiscitée par les particuliers. En 2021, 31% des Français ont déjà eu recours au paiement fractionné au moins une fois, contre 25% l’année précédente selon le Baromètre OpinionWay-Floa sur l’évolution des moyens de paiement.

Pour assurer le succès de ces solutions, les fintechs doivent néanmoins relever de nombreux défis en termes d’expérience client digitale, afin de rassurer et convaincre les utilisateurs.

Nouveau levier marketing pour l’achat

En proposant le paiement fractionné ou différé, les commerçants ont la possibilité d’activer un nouveau levier marketing pour maximiser leurs ventes. Cette solution gratuite permet au client d’acheter immédiatement le bien de sa convoitise, en échelonnant son règlement dans le temps. Le commerçant reçoit alors la somme totale de sa vente grâce aux fonds versés en avance par le fournisseur de BNPL.

Les licornes Klarna, Alma ou encore Scalapay, proposent des services particulièrement novateurs : paiement fractionné sans frais pouvant aller jusqu’à 12 fois, ou encore, règlement différé permettant de payer 30 jours après l’achat. Ces options de paiement flexibles séduisent déjà un grand nombre de consommateurs.

En 2021, nous estimons que 44 % des utilisateurs auraient renoncé à leur achat si le paiement en plusieurs fois n’avait pas été proposé. Toutefois, intégrer ces solutions de paiement dans un parcours 100 % dématérialisé constitue un enjeu de taille pour les fintechs qui doivent redoubler d’efforts pour proposer une expérience fluide et rassurante.

Simplifier, le champ de bataille des fintechs 

Pour profiter du paiement fractionné, le client doit en réalité suivre la démarche associée à la souscription d’un crédit classique. Dans le cadre d’un parcours digital, sur application mobile par exemple, cela se traduit par l’intégration de plusieurs étapes indispensables au recueil des données clients pour constituer son dossier — informations sur l’identité et la domiciliation du souscripteur, numéros de carte de crédit, etc

Pour faciliter ces démarches contraignantes, la fintech Klarna a mis en place un parcours mobile particulièrement fluide et intuitif. En seulement quelques clics, lors de sa première connexion, l’utilisateur est invité à créer sa carte virtuelle qui pourra être utilisée dans toutes les boutiques en ligne, puis à compléter ses informations personnelles via un formulaire.

En l’espace de cinq minutes, le client a pu renseigner les informations essentielles à la souscription du crédit et confirmer son paiement en plusieurs fois. La fintech a misé sur un parcours simplifié avec un nombre d’étapes réduit pour optimiser l’expérience : un atout différenciant pour la licorne Klarna, qui a déjà su séduire un grand nombre d’utilisateurs.

Obstacles réglementaires à surmonter

Pour d’autres fintechs spécialisées dans le crédit long telles qu’Alma, le défi de simplification est néanmoins plus compliqué à relever. Le cadre réglementaire oblige les fournisseurs de BNPL à analyser la situation financière de leurs clients pour proposer des paiements en cinq fois et plus.  La fintech doit intégrer dans son parcours une étape supplémentaire exigeant la connexion aux comptes bancaires du client : une action particulièrement engageante et anxiogène pour l’utilisateur, qui doit renseigner ses identifiants de connexion et son mot de passe. 

Pour lever ce frein conséquent, la fintech Alma a mis en place des leviers de réassurance efficaces. Tout au long du parcours, des messages sont « poussés » à l’utilisateur pour le rassurer quant à la démarche qu’il est en train d’effectuer : rappel du cadre réglementaire relatif à la souscription du crédit, à l’exploitation et la protection des données clients, présentation de son partenaire Budget Insight spécialisé dans l’agrégation de données financières, etc.

En complément, des notifications par e-mail sont envoyées au client pour lui permettre d’obtenir une trace écrite de sa commande : confirmation de la souscription au crédit, rappel du mode de paiement choisi, annonce des prochaines échéances, etc.

Accompagner le client, la clé du succès

Les clés de succès d’une expérience de crédit digitalisée résident ainsi dans la capacité des fintechs à simplifier leur parcours et à communiquer en toute transparence auprès de leurs utilisateurs. Toutefois, un accompagnement humain semble indispensable pour favoriser l’adoption de ces solutions.

Le commerçant peut notamment jouer un rôle crucial en amont du parcours de souscription pour sensibiliser et rassurer l’utilisateur aux futures démarches qu’il aura à effectuer de façon autonome. La formation des commerçants constitue un chantier à investir par les pépites de la tech pour renforcer davantage l’accompagnement délivré aux clients et favoriser le succès de ces solutions.

Eugénie Fau - Square

Consultante senior

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