Vital Saint-Marc – RSM Paris : fiscalité des crypto-actifs, « c’est la cession contre une monnaie ayant cours légal qui entraîne l’imposition »

Patrimoine - Comment déclarer ses crypto-actifs ? Quelle est la fiscalité applicable en France ? Vital Saint-Marc, Associé et expert juridique & fiscal chez RSM Paris, répond en exclusivité au Courrier Financier.

La période de déclaration fiscale bat son plein. D’ici fin mai à début juin prochains, selon leur département, les contribuables doivent déclarer leurs revenus au titre de l’année 2022. C’est le moment se pencher sur la fiscalité des actifs numériques. Comment un investisseur doit-il déclarer les crypto-actifs qu’il détient en portefeuille ? Sous quelles modalités sont-ils imposés en France ? Vital Saint-Marc, Associé et expert juridique & fiscal chez RSM Paris, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : D’après l’administration fiscale française, qu’est-ce qu’un crypto-actif ? Quel est le régime fiscal qui s’applique ? 

Vital Saint-Marc – RSM Paris : fiscalité des crypto-actifs, « c’est la cession contre une monnaie ayant cours légal qui entraîne l’imposition »
Vital Saint-Marc

Vital Saint-Marc : L’administration utilise l’appellation « actifs numériques » qui comprend les jetons électroniques (ou « tokens » en anglais) et les « monnaies numériques », à savoir les « représentations numériques » d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes comme moyen de paiement ou d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée par voie électronique — bitcoin, ethereum, vechain, cardano, avalanche, etc.

C.F. : Si un particulier détient des crypto-actifs sur une plateforme, que doit-il déclarer à l’administration fiscale ? 

V.S.M. : La détention d’un crypto-actif (ou actif numérique) n’emporte, en elle-même, aucune obligation fiscale, pas davantage que l’échange d’un actif numérique contre un autre, qu’il y ait gain ou perte — par exemple, cession d’ethéreum contre des kybers ou des bitcoins.

C’est la cession d’actifs numériques contre une monnaie ayant cours légal qui entraîne l’imposition du gain éventuel ou l’échange d’un actif numérique contre un bien ou service. En achetant une montre contre des bitcoins, je deviens imposable sur la plus-value éventuellement dégagée entre la date d’achat des bitcoins et leur échange. A noter que les plus-values totales inférieures à 305 euros au cours de l’année d’imposition ne sont pas imposables.

C.F. : Dans le cadre d’une opération de cession, comment les plus-values occasionnelles sont-elles imposées ? 

V.S.M. : La plus ou moins-value est égale à la différence entre le prix de cession et le coût de revient des actifs. Ce coût de revient correspond au produit du prix total d’acquisition de l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques par le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille.

Prenons un exemple : j’ai acquis 1 000 AU à une valeur unitaire de 2 euros ; j’en revends 300 à 3 euros. La plus-value est égale à 300 x 3 euros – (1 000 x 2 euros) x (300 x 3 euros / 1 000 x 3 euros) = 300 euros.

Dans le cas de cessions successives, afin d’éviter d’être imposé sur des gains ayant déjà supporté l’impôt, il est nécessaire de réduire le prix total d’acquisition du portefeuille des fractions de d’achats initiaux déjà prises en compte pour le calcul des plus-values.

C.F. : Quel est le régime fiscal applicable en cas d’activité professionnelle d’achat-revente de cryptomonnaies ? 

V.S.M. : Le régime applicable en 2022 est celui des bénéfices industriels et commerciaux ; imposition à l’impôt sur le revenu (IR) au barème progressif. L’application de ce régime suppose, entre autres, l’exercice à but lucratif de l’activité commerciale d’achat-revente d’actifs numériques.

Cette activité est caractérisée quand l’achat est réalisé dans le but d’une revente avec gain, que le gain se matérialise ou non. Cette « intention spéculative » se démontre plus facilement quand les opérations interviennent avec une récurrence certaine. Pour 2023, l’imposition se fera dans la catégorie des Bénéfices non commerciaux (BNC).

C.F. : Comment déclarer des revenus passifs obtenus grâce aux cryptomonnaies — comme le minage ou le staking, par exemple ? 

V.S.M. : Il s’agit d’une activité (paiement d’un service donné) imposée à l’IR dans la catégorie des Bénéfice non commerciaux (BNC). [Le minage est une opération de calcul qui permet de valider une transaction sur un réseau blockchain. Objectif, sécuriser la blockchain. Le staking permet aux titulaires de cryptomonnaies de générer des revenus de façon passive. C’est un mécanisme qui consiste à bloquer les fonds, afin d’aider à sécuriser un réseau. L’opération est rémunérée en tokens et demande moins de ressources que le minage. NDLR]

C.F. : Quel conseil donneriez-vous à un investisseur en crypto-actifs concernant sa déclaration fiscale ? Quelles sont les erreurs à éviter ? 

V.S.M. : Le fait générateur de l’imposition est la « transformation » en monnaie des actifs numériques et non la cession entre elles de ces cryptomonnaies. L’administration fiscale ne connaît ni le bitcoin, ni l’ethéreum, ni le ripple, etc. mais les actifs numériques. Tant qu’on échange des actifs numériques entre eux, il n’y a pas imposition parce qu’il n’y a en définitive pas de cession.

Il faut donc éviter de céder des actifs contre des euros sous peine de devoir calculer des plus-values difficiles à identifier, voire risquer d’être considéré comme un professionnel qui s’ignore et être imposable au barème de l’IR. Enfin, il ne faut céder des actifs numériques contre des monnaies ayant cours légal — par exemple, ceux qui ont une valeur constante en euro — que rarement dans l’année, afin d’éviter d’être considéré comme un professionnel.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

Voir tous les articles de Mathilde