Jean-Baptiste Monié – Carte Financement : financement obligataire, « il ne faut pas négliger le porteur du projet »

Patrimoine - Pourquoi l'inflation rend-t-elle le financement obligataire plus attractif en 2023 ? Quels sont les points de vigilance à surveiller pour les investisseurs ? Jean-Baptiste Monié, Directeur général de Carte Financement, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Début 2023, l’inflation poursuit sa course. D’après l’Insee, cette dernière atteint +6,0 % en janvier 2023 sur un an glissant. Ce contexte entraîne des hausses de taux, qui réduisent l’accès au crédit pour les entreprises. Les données de la Banque centrale européenne (BCE) publiées ce lundi 27 février montent un ralentissement des prêts aux entreprises de la zone euro en janvier, pour le troisième mois consécutif. Comment cet environnement macroéconomique bénéficie-t-il au financement obligataire ? Jean-Baptiste Monié, Directeur général de Carte Financement, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Qu’est-ce qu’un financement obligataire ? Quelle différence avec le financement bancaire ?

Jean-Baptiste Monié - Carte Financement : financement obligataire, « il ne faut pas négliger le porteur du projet »
Jean-Baptiste Monié

Jean-Baptiste Monié : Un emprunt obligataire est un titre de dette émis par une société et souscrit par des investisseurs. Plus précisément, il s’agit d’un mode de financement non dilutif visant à financer aussi bien un projet de croissance externe, qu’un investissement ou la croissance organique d’une société. Cet emprunt peut prendre de nombreuses formes et inclure une multitude de caractéristiques — montant, taux, nombre d’obligations, etc.

A l’inverse, le financement bancaire est un contrat de prêt émis par la banque. Il reprend souvent une trame précise rédigée par ce même établissement. Les départements de financements structurés des banques peuvent également proposer des solutions sur mesure en intégrant les mêmes types de clauses que les contrats obligataires.

C.F. : Sous quelles conditions les professionnels peuvent-ils avoir recours à l’emprunt obligataire ?

J.B.M. : A ma connaissance, tous les professionnels devraient pouvoir y avoir recours, il faut juste que l’émetteur soit une société commerciale et non une société civile de type SCI. Concernant l’immobilier, notre principal domaine d’intervention, les projets qui sont le plus susceptibles de trouver des investisseurs sont les opérateurs immobiliers court terme avec une stratégie value add.

Plusieurs points sont alors étudiés, tels que la qualité du porteur de projet et son expérience, la possibilité d’offrir une rémunération attractive en adéquation avec la typologie d’actif, le porteur de projet et son projet ou encore la capacité d’apporter des garanties. Généralement, la garantie hypothécaire de premier rang est plus rassurante qu’un nantissement de titres ou une garantie hypothécaire de second rang.

C.F. : Quels sont les secteurs économiques qui ont souvent recours à ce mode de financement ?

J.B.M. : Les marchés internationaux les plus connus sont les marchés de la dette d’Etat et les marchés obligataire corporate. La majorité des grandes sociétés et banques ont recours à ce mécanisme pour se financer.

C.F. : En 2022, la flambée de l’inflation a entraîné la hausse des taux d’intérêt. Pourquoi ce contexte économique rend-t-il le financement obligataire plus attractif en 2023 ?

J.B.M. : La hausse des taux d’intérêt a été catastrophique pour les investisseurs obligataires ayant souscrit à des obligations avec des coupons proches de 0 %. Mécaniquement, lorsque les taux remontent, la valeur de ces obligations baisse. Il y a de belles opportunités pour les investisseurs, qui peuvent ainsi investir dans des dettes obligataires d’entreprises décotées avec des maturités très courtes.

Du côté de l’immobilier, ces taux étaient déjà très hauts — a minima 8 %. Dans un contexte de hausse des coûts de la construction, d’une hausse des frais financiers et d’un marché de l’immobilier un peu plus calme, proposer plus de 10 % de rendement devient compliqué, malgré la hausse des taux. Cela peut être un problème pour les acteurs du financement obligataire, car les investisseurs peuvent obtenir un taux sans risque à 3 % alors que ce même taux était négatif il y a moins d’un an.

Le financement obligataire redevient compétitif. Nous constatons notamment cette tendance dans le cas de petites opérations de marchands de biens, pour lesquelles les marges des banques sont souvent beaucoup plus élevées. Pour un financement marchand de 400 000 euros sur 24 mois, le coût global de la banque serait d’environ 68 000 euros quand le financement obligataire serait de 95 000 euros. Il y a encore un surcoût de 27 000 euros pour le financement obligataire, mais cet écart aurait été deux fois plus important il y a encore six mois.

C.F. : Y a-t-il des risques spécifiques liés au financement obligataire ? Quels sont les points de vigilance ?

J.B.M. : Bien entendu, cela reste un investissement risqué pour les souscripteurs. Le marché dans lequel nous évoluons est un marché de gré à gré dans lequel il faut réussir à bien cerner l’émetteur et à vérifier sa crédibilité. Il ne faut pas négliger le porteur du projet, tout comme il est nécessaire de s’entourer de juristes spécialisés compétents.

Ces précautions permettent de limiter au maximum les risques de contentieux en cas de défaut de paiement. Par exemple, en rédigeant parfaitement la partie liées au garantie et à leurs mécanismes d’exercices. Dans le cas d’un défaut de paiement, l’émetteur peut être de mauvaise foi et essayer de remettre en cause les contrats et garanties qui avaient été signés entre les parties.

C.F. : Chez Carte Financement, comment accompagnez-vous les entreprises qui ont recours à ce type de financement ? Quels conseils leur donneriez-vous ?

J.B.M. : Carte Financement conseille et accompagne l’entreprise dans toutes les étapes de son projet : préparation de « l’Info Mémo » présentant la société, recherche des investisseurs industriels ou financiers susceptibles d’être intéressés par l’opération, mise en relation entre l’entreprise et les investisseurs/partenaires mais aussi des spécialistes — avocats, notaires, consultants, experts-comptables, etc. — négociations des termes financiers de l’opération et, surtout, vérification de leur cohérence dans la documentation juridique.

Cette dernière étape est très importante, puisque certains détails peuvent s’avérer déterminants dans le cas où l’opération ne se déroulait pas exactement comme prévue. Nous conseillons fortement nos clients de bien respecter les obligations de suivi de l’opération et de maintenir une bonne relation avec les investisseurs tout au long du projet.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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