Germain Michou-Tonning – Alvo : M&A Small Caps, « avec le papy boom, le nombre de cessions progresse de 15 % par an »

Investisseur privé - Pourquoi est-il plus simple et moins risqué de reprendre une entreprise que d’en créer une ? En 2023, que représente le marché du M&A Small Caps en France ? Germain Michou-Tonning, cofondateur d'Alvo, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

En France, 30 000 entreprises disparaissent chaque année, faute de repreneurs. Pour y remédier, la plateforme digitale Alvo accompagne les professionnels dans leurs opérations de cession et de reprise d’entreprises (TPE-PME, startups). Le marché hexagonal des M&A Small Caps présente du potentiel. D’après les données d’Alvo, 60 000 entreprises sont mises sur le marché chaque année, quand 185 000 unités pourraient être concernées. Pour se développer sur ce marché, la fintech parisienne a levé 1 M€ en novembre dernier. Germain Michou-Tonning, cofondateur d’Alvo, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : En 2023, que représente le marché du M&A Small Caps en France ? Quel est le profil des entreprises concernées ?

Germain Michou-Tonning - Alvo : M&A Small Caps, « le nombre de cessions progresse de 15 % par an »
Germain Michou-Tonning

Germain Michou-Tonning : En 2023, le marché des fusions et acquisitions (M&A) Small Caps en France est en croissance, porté par l’optimisme économique et la disponibilité des capitaux même si les conditions de financement se resserrent, notamment pour les repreneurs personnes physiques.

Les entreprises Small Caps sur lesquelles Alvo se positionne ont une valorisation généralement comprise entre 200 000 et 10 millions d’euros. Sur cette tranche de valorisation la majorité des cessions est initiée par la volonté du dirigeant de partir à la retraite. Aussi, avec l’arrivée du Papy boom (mécaniquement liée au baby boom d’après guerre), le nombre de cessions progresse de 15 % par an.

Le marché du M&A Small Caps en France est donc dynamique et offre de nombreuses opportunités pour les investisseurs et les entreprises à la recherche de croissance et de diversification. Nous pouvons noter en revanche que ces opérations peuvent être complexes car les cédants sont peu ou mal préparés.

C.F. : Pourquoi les cessions-acquisitions de TPE/PME sont-elles réputées peu rentables pour les professionnels du M&A ?

G.M.T. : Nous avons tendance à dire qu’un petit deal requiert autant de travail qu’un gros deal et ce n’est pas totalement faux. Parfois c’est même pire, les petites entreprises pouvant être mal structurées, il peut être encore plus compliqué de réaliser un petit deal qu’un gros. C’est pour cela que ce marché est totalement délaissé et que l’expérience client / cédant, est très mauvaise.

Mais les choses ont changé, et cela a été fortement accéléré par le Covid. Maintenant nous pouvons récupérer, collecter, vérifier de nombreuses données par API. Par exemple pour les données légales nous avons l’API Pappers, pour les données financières et les scorings nous pouvons avoir CreditSafe ou Infolegale, etc. C’est en mettant la tech et l’automatisation d’une partie des étapes que les opérations sur les TPE-PME deviennent rentables.

C.F. : Comment Alvo accompagne-t-elle les professionnels (experts-comptables, avocats,
banquiers d’affaires, etc.) dans ce type d’opération ?

G.M.T. : Nous concevons et proposons une suite outil qui permet d’optimiser le « workflow » pour gérer toutes les étapes d’une opération. En améliorant la collecte et la qualité des données en début de process, nous pouvons automatiser une partie des documents à produire. Cela permet aux professionnels de gagner beaucoup de temps sur la gestion d’un petit deal.

Notre objectif, que le temps humain passé sur un deal ne le soit que pour les étapes à forte valeur ajoutée — comme le conseil et la négotiation. Un professionnel ne doit pas passer du temps à relancer le cédant ou le repreneur pour signer un NDA [en anglais « non-disclosure agreement », c’est-à-dire un accord de confidentialité NDLR], compléter la dataroom, etc. Enfin, nous proposons aux professionnels d’externaliser certaines étapes d’une opération, comme la production de l’Info-mémo ou le sourcing par exemple.

C.F. : Sur quels critères votre outil M&A Alvo mesure-t-il la valeur d’une entreprise ? Quels sont les facteurs-clés à prendre en considération ?

G.M.T. : Pour l’instant, notre outil de valorisation en ligne est assez simple. Il se fonde sur une formule de multiple de chiffre d’affaires (CA) et d’EBITDA [en français BAIIA, « bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement » NDLR] par secteur. Cela nous apporte une fourchette fiable, mais ça reste une fourchette. Deux autres éléments clés sont à prendre en compte :

  • les transactions récentes, ce que nous appelons aussi « les comparables » ;
  • le current trading, soit la tendance du business sur l’année en cours.

Pour le moment, ces éléments ne sont pas encore accessibles en ligne via notre outil de
valorisation. Cela est prévu dans notre feuille de route. Nous préparons également pour les prochaines semaines la mise à disposition de notre base de données, grâce à une intelligence artificielle (IA) conversationnelle. Cela permettra d’avoir accès facilement à toute l’actualité du marché, et donc d’exploiter pleinement l’actualité pour obtenir les comparables.

C.F. : Comment la reprise d’une entreprise répond-t-elle à une « forte utilité économique et sociale » selon vous ? Quelles perspectives pour ce secteur ?

G.M.T. : La reprise d’une entreprise répond à une forte utilité économique et sociale en permettant de maintenir l’activité, de sauvegarder les emplois existants et de créer de nouveaux emplois à travers la croissance de l’entreprise reprise. Une entreprise en cours de cession devient fragile. Le dirigeant investit moins pour préserver l’EBITDA et s’il est âgé, a moins recours aux financements bancaires.

Les perspectives pour ce secteur sont donc encourageantes. De nombreux dirigeants sont sur le point de prendre leur retraite et cherchent des successeurs. Cela offre des opportunités pour les entrepreneurs, notamment les personnes physiques qui cherchent à quitter le salariat et devenir entrepreneurs — en opposition avec les entreprises, plutôt dans une démarche de croissance externe. Il est plus simple et moins risqué de reprendre une entreprise que d’en créer une. Nous avons tendance à dire que le repreneuriat est le nouvel entrepreneuriat.

C.F. : Comment allez-vous vous développer sur le marché français du M&A Small Caps ?
Quelles sont vos ambitions pour 2023 ?

G.M.T. : Pour le moment nous capitalisons sur notre marketplace, qui offre une forte visibilité. Nous avons plus d’une centaine de nouveaux inscrits chaque semaine (cédants et repreneurs), ce qui contribue à faire d’Alvo la place de marché pour le Small Cap en France. Ces leads et ces annonces nous permettent également d’avoir une forte traction sur la signature de mandats de cession pour les cédants qui souhaitent être accompagnés.

Enfin, pour 2023, nous allons continuer d’augmenter nos opérations de M&A mais nous allons surtout diffuser à plus grande échelle notre Suite outil M&A pour les professionnels. Notre conviction, c’est qu’en aidant les intermédiaires et les experts-comptables au plus près des entrepreneurs, nous accélérons réellement la transmission des TPE/PME. En termes de chiffres, nous souhaitons dépasser le million d’euros de CA en 2023.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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