Daniel Immacolato – Cavissima : investir dans les grands vins, « la diversification est primordiale »

Patrimoine - Pourquoi les grands vins sont-ils décorrélés des marchés financiers en temps de crise ? Comment investir dans ce type d'actifs alternatifs ? Daniel Immacolato, directeur général de Cavissima, répond en exclusivité au Courrier Financier.

En 2022, les marchés financiers subissent les aléas du contexte économique et géopolitique. L’occasion pour les épargnants de se tourner vers les actifs alternatifs, afin de diversifier leur patrimoine. Dans la longue liste des actifs alternatifs, les grands vins incarnent un produit de prestige. C’est un marché qui se porte bien. En 2020, la France a exporté 8,74 milliards d’euros en vins et spiritueux d’après l’organisme FranceAgriMer. Le vin peut-il être une valeur refuge en temps de crise ? Quel rendement l’investisseur peut-il espérer ? Daniel Immacolato, directeur général de Cavissima, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Que représente en France l’investissement sur le marché des grands vins en 2022 ?

Daniel Immacolato - Cavissima : investir dans les grands vins, « la diversification est primordiale »
Daniel Immacolato

Daniel Immacolato : Le marché est en forte croissance depuis une dizaine d’années. Un nombre croissant de particuliers diversifient leur patrimoine en investissant dans les grands crus. De plus, l’obligation d’enregistrer les offres d’investissement dans le vin auprès de l’AMF permet aux investisseurs de mieux identifier les acteurs agréés et de les rassurer dans leur choix en offrant un cadre réglementaire.

Les investisseurs que nous rencontrons sont de plus en plus exigeants et informés sur cette classe d’actif qu’est le vin. C’est une excellente nouvelle. Paradoxalement, la France n’est pas le pays le plus développé sur l’investissement dans le vin malgré une histoire et des domaines et châteaux parmi les plus renommés au monde.

C’est le marché anglais qui est à la pointe sur ce secteur. En observant nos voisins anglais, nous voyons un champ des possibles assez large pour démocratiser l’investissement dans le vin en France. Chez Cavissima, nous enregistrons une hausse impressionnante de notre chiffre d’affaires sur le segment des caves d’investissement, puisqu’il a plus que doublé entre 2020 et 2021. 

C.F. : Pourquoi ce secteur est-il aujourd’hui décorrélé des marchés financiers traditionnels ?

D.I. : Principalement, il existe un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande des grands crus qui tend à s’accroître avec le temps. D’un côté, la demande ne cesse de progresser en raison du développement de la consommation, notamment à l’international. Ajoutons également que comme pour d’autres produits de luxe, la demande est relativement inélastique.

D’un autre côté, l’offre est limitée. Les terroirs les plus qualitatifs sont rares et délimités par une réglementation stricte des appellations d’origine contrôlée (AOC). De plus, les aléas climatiques impactent à la baisse les volumes de production. Hélas, ceux-ci sont de plus en plus nombreux sur les dernières années. Il existe aussi une autorégulation naturelle qui dynamise la valorisation des grands crus grâce à la consommation des stocks

C.F. : En période de volatilité boursière, quelles caractéristiques font des grands vins une valeur refuge ?

D.I. : Les grands vins possèdent des qualités gustatives uniques et une image de marque exceptionnelle. Ce sont des actifs tangibles avec une production limitée, une très longue capacité de conservation et un processus de valorisation complètement isolé et indépendant des marchés financiers.

En entrant dans la période d’apogée de dégustation, l’intérêt porté au vin s’accentue et la consommation progressive amène une raréfaction de l’actif. Cette pure logique de consommation qui se renforce à l’approche de la date d’apogée singularise les grands vins par rapport à tous les actifs traditionnels ou alternatifs — art, hedge funds, private equity.

C.F. : Quel rendement l’investisseur particulier peut-il attendre d’un investissement dans le vin ?

D.I. : En moyenne sur 25 ans, la valeur des grands vins progresse de 4 % à 8 % par an, selon les différentes analyses et indices. Pour les vins les plus exclusifs, la valorisation monte parfois très vite. Ainsi le Liv-Ex Fine Wine 100, indice de référence pour le marché de l’investissement dans le vin représentant les 100 vins les plus recherchés, a-t-il progressé de plus de 36 % au cours des deux dernières années. 

En outre, la réglementation qui oblige les acteurs qui proposent des offres d’investissement dans le vin à s’enregistrer auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) contribue à rassurer les particuliers. Ces derniers peuvent identifier plus aisément les acteurs agréés. 

C.F. : Avant d’investir dans ce type d’actifs, quels sont les points de vigilance à surveiller ?

D.I. : Si vous souhaitez investir dans le vin et constituer votre propre cave de grands crus, il faut respecter certaines règles. Tout d’abord, ce type d’actif nécessite un investissement raisonné. Dans le cadre d’une stratégie de diversification patrimoniale équilibrée, nous recommandons de ne pas investir plus de 5 % à 10 % de son patrimoine global dans une cave d’investissement. 

A l’instar d’un portefeuille d’actions, la diversification est primordiale. Au-delà d’une sélection minutieuse, nous préconisons de diversifier sa cave d’investissement avec différentes régions et millésimes. Il est également avisé de profiter des primeurs de Bordeaux pour sécuriser des vins très prestigieux à leur premier prix de mise sur le marché.

Les primeurs de Bordeaux sont cependant soumis à plusieurs paramètres déterminant leur futur potentiel de valorisation : le pouvoir de la marque, les notes des critiques et de la presse, des évolutions au domaine et bien évidemment le prix de sortie. Ce dernier pourra être comparé à d’autres millésimes qualitativement similaires en termes de qualité mais aussi à ses pairs. 

Point de vigilance essentiel, avant tout investissement, nous recommandons au grand public de consulter le site de l’AMF et de vérifier que l’acteur est référencé sur la liste blanche.

C.F. : Chez Cavissima, comment accompagnez-vous les investisseurs sur le marché des grands vins ? Comment vous distinguez-vous de vos concurrents sur ce marché de niche ?

D.I. : Nous fournissons un accompagnement précis et haut de gamme à chaque client tout au long de son investissement. Ainsi, dès la constitution de sa cave d’investissement, un gestionnaire de compte dédié veille-t-il à lui présenter les différentes fonctionnalités présentes dans le tableau de bord de l’espace client. 

Ensuite, le gestionnaire de compte réalise avec le client des bilans de valorisation réguliers. Les gestionnaires de comptes surveillent également les évolutions des divers vins composants les caves des clients, afin d’identifier des opportunités de ventes au moment le plus opportun. Nous envoyons également une lettre d’investissement trimestrielle afin de partager nos analyses concernant l’évolution du marché des grands crus.

Au-delà du suivi complet et régulier de l’évolution des investissements par nos experts, nous souhaitons partager notre passion pour le vin avec les clients et leur faire vivre des expériences œnologiques uniques. Notre conciergerie permet également de répondre à des demandes variées de la part de nos clients — telles que le sourcing d’un vin prestigieux, ou d’une verticale par exemple.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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