Crédit immobilier — 3 questions à… Ludovic Huzieux, co-fondateur d’Artémis courtage

Immobilier - En 2023, le marché du crédit immobilier connaît de fortes hausses de taux. Pour augmenter ses chances d'octroi de crédit, l'emprunteur peut demander une lettre de confort à son courtier. De quoi s'agit-il ? Ludovic Huzieux, co-fondateur d’Artémis courtage, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Face à la hausse rapide des taux d’intérêt, emprunter devient plus compliqué pour l’acquéreur. Pour soigner son dossier de financement et mettre toutes les chances de son côté, le futur emprunteur peut demander à son courtier une lettre de confort. Ce document permet notamment de prouver sa capacité d’emprunt et sa solvabilité. Comment fonctionne ce dispositif ? Ludovic Huzieux, co-fondateur d’Artémis courtage, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Quel état des lieux pour le marché du crédit immobilier en 2023 ? Pouvons-nous parler d’une crise du crédit ?

Crédit immobilier — 3 questions à… Ludovic Huzieux, co-fondateur d’Artémis courtage
Ludovic Huzieux

Ludovic Huzieux : C’est un peu excessif de parler de crise du crédit immobilier. Mais nous constatons que le marché du crédit se contracte dans toutes les régions depuis 2022. C’est en Ile-de-France que nous constatons le plus de difficultés dans l’accès au crédit avec la hausse des taux. En 2023, le marché du crédit exclut beaucoup plus facilement certains profils. Nous avons parfois des surprises sur des dossiers qui devraient n’en comporter aucune ! C’est un marché qui devient moins fluide, moins lisible, et c’est plus dur d’y naviguer.

Aujourd’hui, la hausse des taux de crédit atteint à 3 % en moyenne sur 20 ans. Dans 15 jours, nous serons sûrement à 3,15 % ou 3,20 % c’est la vitesse de croisière du marché. Nous prenons en moyenne une hausse de +0,15 % à +0,20 % tous les mois depuis février-mars 2022. Cette augmentation des taux de crédit est un peu folle, un peu intense, et surtout très régulière depuis un an. Pour rappel, nous empruntions en moyenne à 1 % sur 20 ans en février 2022. Treize mois plus tard, nous avons connu une hausse de 200 point de base (pbs). C’est du jamais vu.

Mais tant que que le marché reste autour de 15 milliards d’euros débloqués par mois, nous vivons un retour à la normale — après des années 2019, 2021, 2022 tout à fait exceptionnelles. Nous retrouvons des conditions de marché dont nous n’avions plus l’habitude. Notez que le crédit n’est jamais que le support des transactions. Nous parlerons de crise quand nous verrons beaucoup moins de volumes de transactions. Ça me paraît un peu tôt pour crier au loup.

C.F. : Une lettre de confort, qu’est-ce que c’est ? Pourquoi en demander une à son courtier ?

L.H. : Nous rédigeons cette lettre à la demande de nos clients-prospects, futurs acquéreurs. Dans ce document, nous expliquons que nous avons eu accès à toutes les pièces dont nous avions besoin pour certifier et valider un budget — avis d’imposition, bulletins de salaire, audit du patrimoine, relevés bancaire, etc. À la lumière de tous ces éléments de finance personnelle, nous confirmons dans la lettre de confort que trouver un crédit ne devrait pas poser de souci.

La lettre de confort permet de réduire l’aléas financier au maximum. C’est un outil de certification de votre capacité d’emprunt. Toutefois, en tant que courtier nous parlons toujours au conditionnel — avant la constitution de la garantie et de l’assurance.

Par exemple, si les établissements bancaires découvrent lors de l’instruction du dossier que les emprunteurs se sont portés caution pour des proches, ou pour d’autres biens immobiliers, cela obère leur capacité d’emprunt. Dans ce cas, la décision d’octroi du crédit peut changer. Le courtier peut ne pas le savoir au moment où il rédige la lettre de confort. De même, l’assurabilité d’un emprunteur peut varier en fonction de son dossier médical.

Chez Artémis Courtage, avez-vous régulièrement recours à cet outil ? Est-ce une demande de vos clients ? 

L.H. : Nous rédigeons de type de document tous les jours. La lettre de confort est à destination des acquéreurs, mais elle sert surtout à réconforter les vendeurs. En 2023, c’est un outil qui revient au goût du jour — même si nous y avons recours depuis la création d’Artémis Courtage, en 2009. Ce n’est pas un instrument nouveau ! La lettre de confort se donne au début d’une démarche d’achat immobilier, lorsque vous vous lancez dans la recherche d’un bien. C’est une garantie pour le vendeur que vous êtes un acheteur sérieux, que vous ne recevrez pas un refus de crédit pour cause d’endettement déjà trop conséquent.

En tant que courtier, nous vérifions que le niveau d’endettement de l’emprunteur reste égal ou inférieur à 35 % de ses revenus — assurance incluse. C’est une norme du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) qui s’applique à l’ensemble du marché du crédit depuis 2019. Nous vérifions que le dossier est solvable au regard de cette norme, afin qu’il passe l’étape des comités bancaires d’octroi de crédit. Aujourd’hui, les délais de transaction s’allongent. Les taux de refus augmentent, les remises en vente de biens augmentent aussi. Notre objectif, c’est d’éviter à l’acquéreur et au vendeur ce type de désagrément.

Nous sommes dans une période où la lettre de confort redevient un besoin. De 2017 à 2022, le crédit était très accessible et peu cher. Les banques avaient des objectifs astronomiques. Les critères HCSF n’étaient pas encore des normes mais juste des recommandations. Nous ne faisions plus de lettres de confort. Notre profession était devenue un métier de comparateur entre les différentes offres bancaires. Aujourd’hui, le marché s’est inversé — c’est devenu un marché d’acquéreurs, plus que de vendeurs. C’est un marché baissier ou stagnant. Il faut donc davantage montrer patte blanche dans son parcours d’achat.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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