Réforme de l’assurance emprunteur : les banques ne jouent pas le jeu de la transparence

Immobilier - Le 12 janvier 2018, le Conseil constitutionnel a validé l’amendement Bourquin, offrant ainsi aux souscripteurs d’un prêt immobilier la possibilité de résilier annuellement leur assurance-emprunteur et de faire jouer la concurrence. Cette ouverture du marché incite certaines banques à ne pas tout dire à leurs clients dans le but de les retenir.

Les banques détiennent actuellement 88% du marché de l’assurance-emprunteur et appliquent des marges de 40 à 50% sur ce type de contrat. Suite à la validation de l’amendement Bourquin, la part de marché des banques va inexorablement diminuer au profit de compagnies d’assurance externes. Le cabinet de conseil McKinsey estime que jusqu’à 63% du stock d’assurances-emprunteur pourrait échapper aux banques, générant pour celles-ci un important manque à gagner.

Face au bouleversement à venir sur ce marché très lucratif, certaines banques ne sont pas totalement transparentes dans leur information afin de conserver à tout prix leurs clients.

Une communication souvent floue auprès des assurés

La communication des banques au sujet de l’assurance-emprunteur reste floue et peu développée sur leur site internet. Cependant, certaines donnent des informations claires et facilement accessibles en ligne. C’est le cas de La Caisse d’Epargne, qui se caractérise par une approche très pédagogique sur le sujet. Elle présente clairement la possibilité pour l’emprunteur de choisir son assurance, même extérieure à la banque, et propose un tableau détaillé des garanties obligatoires. L’établissement explique les démarches pour choisir son assurance de prêt et changer d’assureur.

Si certains établissements font des efforts, l’information donnée à leurs clients reste incomplète. ING Direct propose une page peu explicite dans l’onglet « services » du crédit immobilier. Si la « Foire Aux Questions » est exhaustive sur la question et traite de la déliaison – possibilité de changer d’assurance emprunteur -, le processus de résiliation n’est pas expliqué.

Les « mauvaises élèves »

Le Crédit Agricole a récemment lancé une communication mettant ses clients en garde contre la « délégation d’assurance » (le fait de souscrire une assurance-emprunteur auprès d’un organisme extérieur). La banque tente de justifier le prix des assurances proposées par le groupe Crédit Agricole en expliquant qu’elles offriraient une couverture plus complète. Cet argument est erroné mais souvent repris par les banques pour empêcher leurs clients de changer d’assurance emprunteur.

D’autres informations erronées sont véhiculées. Entre autres, la banque affirme que les indemnisations de contrats délégués ne sont pas valables si la personne n’exerce plus d’activité professionnelle, ce qui est faux. Elle explique également que les tarifs indiqués dans le contrat signé sont révocables en délégation et non dans les contrats de groupe. Cette information peut inquiéter le client mais est infondée : les tarifs proposés en délégation ne sont révocables que dans le cas où l’assuré en tirerait bénéfice.

Dans la même idée, la banque en ligne Boursorama n’hésite pas à expliquer à ses clients dans l’onglet « astuce » que « l’adhésion à l’assurance peut se faire uniquement à la souscription du prêt et aucune délégation d’assurance n’est possible ». De plus, l’établissement n’affiche aucune information sur la déliaison et la délégation sur son site internet.

Enfin, sur le site de Crédit du Nord, la page traitant de l’assurance-emprunteur n’est pas du tout mise en avant. Elle est difficile d’accès aussi bien sur la page d’accueil du site que sur Google.

En résumé, le manque de transparence et les pratiques abusives de nombreuses banques témoignent de leur volonté de ne pas éveiller la curiosité de leurs clients qui seraient tentés de recourir à la délégation d’assurance. Aussi, selon un sondage que nous avons réalisé en novembre 2017, 67% des emprunteurs ignoraient leur droit à la résiliation annuelle, ce qui n’est pas étonnant du fait de la mauvaise communication des banques sur cette possibilité. Un constat dommageable, quand on sait que la délégation d’assurance représente environ 30% du coût total d’un crédit immobilier.