La valeur de la durabilité dans les économies émergentes

Asset Management - Depuis 2008, Degroof Petercam publie un classement semestriel de durabilité pour les 34 pays membres de l'OCDE. En 2013, ils ont étendu leur expertise aux économies émergentes en se penchant sur la durabilité de 84 pays dits « émergents ».

Une approche adaptée aux enjeux des pays émergents

Afin de répondre aux particularités des économies émergentes, la méthodologie de durabilité a été adaptée aux problématiques propres de l’univers. Si le modèle repose sur les cinq grands piliers de durabilité – à savoir transparence et valeurs démocratiques (1), population, soins de santé et distribution des richesses (2), environnement (3), éducation/innovation (4) et économie (5) – les facteurs d’observation se différencient en se concentrant sur les enjeux majeurs de ces économies tels que l’accès à l’eau, l’éducation primaire ou le respect des droits politiques et libertés civiles.

La méthodologie n’a eu de cesse de s’améliorer notamment par l’ajout d’indicateurs supplémentaires et la couverture croissante des pays passant de 84 à 87 économies émergentes entre 2013 et 2016.

 

Mesurer la dynamique de l’amélioration est essentiel dans l’univers observé

La dernière amélioration de la méthodologie porte sur le poids de la tendance dans la mesure de performance de durabilité des pays. La tendance a pour objectif de mesurer la dynamique d’un pays afin de s’améliorer sur les différents axes de durabilité et se mesure ici par les progrès enregistrés sur les trois dernières années. Le dernier classement a porté le poids de cette tendance de 25% originellement à 50% aujourd’hui. Ainsi, le progrès affiché par un pays a autant d’importance que sa position absolue.

 

Une analyse définitivement pertinente !

Si nombreux pensaient qu’il était précoce de s’interroger sur la durabilité des pays émergents, les analyses de performance de l’univers démontrent la création certaine de valeur d’une telle approche.

D’abord, en se concentrant sur les aspects de transparence et de valeurs démocratiques, la méthodologie permet une première estimation du contexte politique du pays et sa stabilité en regardant notamment la qualité de ses institutions de gouvernance, sa transparence ou opacité (corruption, liberté de la presse) et le respect des droits primaires de sa population (droits politiques et libertés civiles). Ensuite, l’analyse de la population et de son bien-être permet également de détecter les faiblesses et les points de mécontentement et de soulèvement de la société civile, créant de l’instabilité, peu favorable aux investissements.

Dans le cadre d’un investissement en dette souveraine, la contribution du filtre de durabilité est d’autant plus importante que les marchés sont volatils et baissiers et montre la force de l’outil dans l’appréhension des risques.

L’analyse de l’évolution de certains pays au cours de ces trois dernières années est également intéressante au regard d’un investissement potentiel. Prenons l’exemple du Mexique, poids important des indices de dette émergente ou l’Argentine, qui récemment, est revenue sur le marché de capitaux internationaux avec un succès surprenant.

  Si l’univers et la méthodologie ont évolué ces trois dernières années, le Mexique perd plusieurs places dans le classement. Certes, il enregistre certains progrès mais ceux-ci ne sont pas suffisants par rapport à ses pairs et s’accompagnent également de certaines détériorations.

Les défis du Mexique sont bien connus. C’est au niveau de la transparence et des valeurs démocratiques et de la population que le pays montre les plus grands chantiers à engager. La corruption est un véritable fléau et la position du Mexique à ce niveau ne cesse de dégringoler, à la 60e place de notre classement de 87 pays aujourd’hui. La violence et le crime organisé pèsent lourdement sur la société, classant le pays dans le peloton de fin. Et cette violence a un coût : selon l’ONG Vision of Humanity, elle a coûté en 2015 plus de 2.12 trillions de pesos mexicains soit 13% du PIB.

Cette corruption et cette violence se font ressentir également au niveau de la liberté de la presse, où le pays se classe à la 76e place. La qualité des institutions, déterminante selon la recherche académique réputée pour estimer la capacité d’un pays à rembourser sa dette, est également déplorable (75e position).

Si nous nous penchons sur la durabilité environnementale du pays, malgré les progrès enregistrés, les émissions de carbone sont trop élevées et la protection des territoires (maritime et terrestre) reste insuffisante. Cette analyse baisse donc le classement du second plus grand pays de la région de la 25e à la 37e position, creusant davantage l’écart avec son homologue brésilien. Or le Mexique reste un constituant important des indices obligataires représentatifs.

L’Argentine, qui reste historiquement l’exemple en matière de défaut de paiement pour les détenteurs d’obligations souveraines, est revenue sur les marchés de la dette internationale très récemment avec du papier sur 3, 5, 10 et 30 ans. L’émission, accompagnée d’un relèvement de la note de crédit par les trois principales agences de notation en la matière, a enregistré un franc succès en levant 15 milliards de dollar.

Fin mars, le sénat argentin clôturait la mise en œuvre d’un accord obtenu en février dernier entre le gouvernement et les détenteurs de dette argentine, victimes de la mise en défaut de paiement tristement célèbre de 2001 et ayant refusé la décote de 70% lors des négociations de 2005 et 2010. Cette clôture du dossier était nécessaire pour restaurer l’accès aux marchés des capitaux internationaux à l’Argentine, après 15 ans d’exclusion.

Ces différentes démarches sont accueillies positivement par les investisseurs et les agences de notation puisqu’elles laissent espérer une meilleure solvabilité du pays et une meilleure liquidité. Cependant, l’analyse de durabilité et son évolution sur trois ans ne font pas ressortir la confiance nécessaire pour revenir sur la dette argentine. Au niveau de la durabilité économique, le pays se classe en bas de peloton très loin de son voisin chilien et, à l’exception de son déficit courant, affiche des performances bien en-deçà de la moyenne de l’univers étudié.

Le pays perd des places dans son classement en raison de la corruption qui y règne mais aussi au niveau des droits politiques et libertés civiles. L’espérance de vie recule et classe le pays loin derrière son voisin chilien, par exemple.

C’est dans l’éducation que les espoirs sont permis et visibles. Bien que les dépenses en la matière restent faibles, la population est, en grande partie, lettrée et bien davantage qu’au Chili, et la part de la population ayant terminé son cycle primaire est également relativement élevé et supérieur au Chili.

 

L’impact de la COP 21

L’approche durable s’est toujours concentrée sur les faits et les progrès réels plutôt que sur les engagements du monde politique. De ce fait, notre modèle retient très peu d’indicateurs sur les traités ou protocoles.

Le sommet onusien qui s’est tenu à Paris fin 2015 encourage les pays signataires à assurer leur transition vers des économies à bas carbone. Cependant, ces derniers doivent encore faire leur preuve sur le sujet. Le 22 avril a réuni 175 parties (174 pays et l’Union Européenne) à New York pour l’ouverture officielle de la ratification de l’accord. Si les parties ont signé l’Accord et montré leur intention de le ratifier, il n’en reste que seulement 15 pays l’ont ratifié formellement jusqu’ici (les pays les plus exposés et déjà victimes du changement climatique). Cependant, l’accord n’entrera en vigueur que lorsqu’il atteindra un taux de ratification de minimum 55 parties représentant au minimum 55% des émissions de gaz à effet de serre globales.