Risques géopolitique : leur retour en force nourrit l’incertitude des marchés

Asset Management - Dans un contexte de guerre commerciale sino-américaine, les risques géopolitiques pèsent sur les marchés financiers. Dans ce contexte, l'Europe pourra-t-elle tirer son épingle du jeu ? Quelle stratégie d'exposition adopter dans sa gestion d'actifs ? Laurent Gonon, Directeur des gestions chez BFT Investment Managers, et Mabrouk Chetouane, Directeur de la recherche et de la stratégie, partagent leur analyse.

Depuis la décision du président américain Donald Trump d’augmenter les droits de douane sur 200 milliards de dollars de produits chinois, l’escalade des tensions se poursuit dans la guerre commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine. Cette situation a fait plonger les marchés actions européens dans le rouge dès le début du mois de mai.

Vers une nouvelle hausse des tarifs douaniers ?

Désormais, les projections macro-économiques sont suspendues à la menace de Donald Trump de taxer les 325 milliards de dollars d’importations chinoises, jusque-là épargnées. Cette troisième vague de taxation douanière pourrait affecter le secteur exportateur chinois, et donc l’ensemble de l’activité économique en Chine. Sa projection de croissance économique pourrait alors passer sous les 6 %, ce qui pénaliserait la croissance mondiale et celle des marchés émergents.

Aux Etats-Unis, une hausse significative des droits de douane impacterait directement le pouvoir d’achat et la consommation des ménages — principal moteur de la croissance économique américaine — en raison d’une très forte composante de biens de consommation finaux dans ces 325 milliards de dollars d’exportations chinoises. A ce stade, la croissance américaine reste bien orientée et le risque de récession semble écarté. La donne pourrait toutefois changer radicalement, si un choc exogène engendrait de l’inflation importée.

La France, bon élève de l’Europe

En Europe, l’heure est davantage à l’optimisme malgré une forte hétérogénéité de la conjoncture économique entre les pays sensibles aux exportations — comme l’Allemagne — et ceux qui ne le sont pas ou peu, comme la France. Nous tablons sur 1,3 % de croissance pour 2019, soit au-dessus du potentiel de la zone euro. Un tel niveau de croissance devrait maintenir des conditions favorables sur le marché du travail et sur le taux de chômage en Europe.

La France — bien aidée par les mesures de relances du pouvoir d’achat mises en œuvre à la suite de la crise des « gilets jaunes » — devrait figurer parmi les bons élèves de la zone euro. Une zone euro qui devrait continuer de bénéficier de la politique accommodante de la Banque centrale européenne (BCE).

Réduire son exposition aux actifs risqués

Si les politiques monétaires accommodantes ont soutenu les marchés financiers au cours des premiers mois de l’année, les risques géopolitiques ont depuis quelques semaines pris de l’ampleur. La tendance a généré de fortes incertitudes, sources de volatilité. Ce changement de régime de marché nous contraint à réduire notre budget de risque et notre exposition aux actifs risqués, en particulier les actions et les dettes émergentes.

Dans un contexte macro-économique toujours porteur, la croissance des bénéfices des entreprises devrait se poursuivre. Les marchés actions continueront d’être une source de performance au cours des prochains mois. A ce titre, les actions européennes doivent être privilégiées en raison de la bonne tenue de la conjoncture économique en zone euro, et d’une sous-valorisation persistante par rapport à d’autres zones géographiques.

Les actions américaines pourraient également continuer de délivrer de bonnes performances. La poursuite des rachats d’actions par les entreprises américaines constitue comme en 2018 un réel facteur de soutien. Pour autant, la sélectivité et la prudence demeurent primordiales.

Opportunités dans un environnement de taux bas

Dans un contexte de fortes incertitudes, les obligations convertibles présentent également des atouts indéniables. Elles offrent une approche plus défensive, mais bénéficient surtout de la bonne résistance du marché du crédit.

D’une manière plus générale, le marché du crédit — notamment les segments « investment grade » et « high yield » en Europe — offre toujours des opportunités de performance dans un environnement de taux d’intérêt historiquement bas.

En revanche, dans un contexte de taux d’intérêt toujours très bas — voire négatifs — les dettes souveraines en zone euro n’offrent à l’heure actuelle aucune opportunité de rendement. Cette classe d’actifs peut toutefois être envisagée comme un actif de repli ou de couverture en raison, du retour des corrélations avec les marchés actions.

Laurent Gonon et Mabrouk Chetouane - BTF Investment Managers

Directeur des gestions & Directeur de la recherche et de la stratégie

Voir tous les articles de Laurent Gonon