Réserve Fédérale : Pas tout à fait prête à s’arrêter

Asset Management - La Réserve Fédérale (Fed) américaine devrait monter ses taux de 25 points de base (pb) le 1er février, un rythme plus modeste que 50 pb en décembre et 75pb en novembre. La raison de cette baisse de rythme est surtout axée autour des récentes statistiques d’inflation, qui montrent une décrue depuis l’été.

En effet l’inflation CPI en décembre s’établit à 6.5% en glissement annuel contre un pic de 9.1% en juin 2022. Il y a également des signaux d’affaiblissement de la demande et notamment de la consommation privée. La saison des ventes de Noël fut relativement mitigée, et la Fed peut y voir un signe de rééquilibrage entre l’offre et la demande, ce que la Fed cherchait justement à effectuer depuis plusieurs mois. La Fed pourrait aussi indiquer qu’elle prend en compte les effets retardés des précédentes hausses rapides de taux en 2022.

La Fed restera très sensible par rapport aux données du marché du travail, qui montrent encore une certaine tension. La Fed regarde particulièrement l’enquête JOLTS des postes vacants. Ces postes vacants restent encore trop hauts par rapport au nombre de chômeurs. La Fed craint des pressions salariales persistantes poussant à la hausse l’inflation notamment dans les services en 2023. C’est pourquoi à ce stade il est improbable que la Fed signale que la fin des hausses de taux est proche. Il est encore trop top pour siffler la fin du match, et la fin des hausses de taux, nous pensons.

Une potentielle source d’incertitude lors de la réunion monétaire est la réaction de Jay Powell par rapport à l’assouplissement des conditions financières, et notamment le démarrage fort des marchés boursiers en 2023. En décembre, Powell avait montré une certaine nervosité en insistant sur le fait que les marchés financiers étaient un canal de transmission important de la politique monétaire américaine. Mais ce thème n’a pas été vraiment abordé dans les récents discours des membres de la Fed.

Notre scénario est que la Fed pourrait continuer à monter les taux, par étapes de 25pb, aux prochains meetings jusqu’à un pic de 5.25% en mai prochain, en ligne avec les projections données en décembre. Il est probable que la Fed continue de batailler avec les marchés monétaires concernant la question des baisses de taux, que le marché monétaire s’obstine à inscrire en deuxième moitié d’année. La Fed à ce stade est très influencée par l’épisode des années 1970, quand A. Burns a été accusé de baisser les taux de façon trop précoce. Jay Powell semble marqué par cet épisode. Le seuil pour baisser les taux en 2023 est très élevé et nécessitera certainement plusieurs mois de chiffres de l’emploi négatifs. A notre avis ce seuil ne sera pas rempli avant début 2024.

Nous pensons que le risque d’erreur de politique monétaire reste élevé, notamment par rapport à l’incertitude des effets retardés des montées rapides des taux d’intérêt en 2022. La croissance pourrait être impacté davantage qu’attendu par la Réserve Fédérale. La Fed pourrait être trop optimiste sur la possibilité d’un « atterrissage en douceur », qui dans l’histoire économique américaine, reste plutôt l’exception à la règle, et de surcroît après un resserrement monétaire très fort.

Thomas Costerg - Pictet Wealth Management

Economiste senior

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