Politique monétaire : vers un virage serré de la Fed ?

Asset Management - Ce 15 décembre, les marchés surveillent la prochaine réunion de la Fed. Faut-il s'attendre à un durcissement net de la politique monétaire de la banque centrale américaine ? Les explications d'Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France.

Le chiffre des prix à la production aux Etats-Unis ce mardi 14 décembre a fini d’exacerber le sentiment à quelques heures de la décision de politique monétaire de la Fed. Avec une hausse de 9,6 % en novembre par rapport à novembre 2020, la dynamique sur les prix à la production fait échos à celle des prix à la consommation dont la progression n’a jamais été aussi forte depuis 1982.

Même si les derniers chiffres n’inclut pas une partie du repli du prix des matières premières, comme le pétrole ou le gaz aux Etats-Unis, cette poussée globale et continue des prix oblige les marchés à la prudence avant le communiqué de la Fed et la conférence de presse de Jerome Powell. Le retrait du qualificatif « transitoire » concernant l’inflation ouvre la voie à un durcissement de ton et à un changement affirmé de la trajectoire de la politique monétaire.

Les attentes de cette réunion

Les attentes autour de cette réunion sont d’autant plus fortes que le sujet est devenu politique et que le président américain en a fait une priorité. Même si la Fed est indépendante sur le papier, l’histoire récente, sous la présidence de Donald Trump notamment, nous a montré qu’une pression politique forte pouvait accélérer un processus de décision et d’action.

Plusieurs anciens membres de la Fed, comme William Dudley, Dennis Lockhart et plus récemment Narayana Kocherlakota, ont publié des tribunes appelant la Fed à durcir rapidement sa politique monétaire pour ramener l’inflation sur une trajectoire plus acceptable.

Plusieurs marchés ont déjà anticipé un durcissement de la politique monétaire, comme le marché des changes avec une forte poussée du dollar, ou encore les Futures sur les Fed Funds qui intègrent les probabilités d’une première hausse de taux lors de la réunion de mai 2022 (60 %) ou juin (plus de 80 %).

Tapering et hausse des taux

Les mouvements erratiques des marchés actions depuis fin novembre sont non seulement une réaction au risque sanitaire avec la variant Omicron, mais ils intègrent aussi une partie du risque lié aux changements à venir de la politique monétaire. Même si ce début de normalisation est un signe que l’économie va mieux, les marchés vont devoir passer d’un régime très accommodant à un « tapering » probablement rapide suivi d’une hausse de taux dans la foulée. La sortie du programme d’achat d’actifs de la Fed sera beaucoup moins progressive que lors de la crise des subprimes.

Même si plusieurs membres de la Fed se sont félicités que les marchés n’avaient pas connu de « taper tantrum » cette fois-ci (contrairement à l’après crise des subprimes où les réactions de marché avaient été virulentes lorsque le précédent « tapering » avait été évoqué), cela ne signifie pas pour autant que la volatilité sera nulle une fois les annonces faites. Et les mouvements de ces trois dernières semaines sont déjà une forme d’anticipation du changement de braquet de la Réserve Fédérale.

Vers une stratégie flexible ?

La Fed pourrait bien adopter une stratégie flexible et réactive dans les mois qui viennent. Son échec à bien anticiper la trajectoire de l’inflation ainsi que sa durabilité sont la preuve de la difficulté à prévoir les choses à moyen-terme dans cet environnement atypique de reprise économique largement rythmé par le virus.  Et l’institution monétaire pourrait décider de naviguer un peu plus « à vue ».

Alexandre Baradez - IG France

Responsable Analyses Marchés

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