Pas de répit du côté des banques centrales

Asset Management - Le marché est bousculé par des tensions géopolitiques et économiques. Comment se matérialisent ces pressions ? Quelles réponses sont apportées ? Décryptage de Sebastian Paris Horvitz, Head of Research chez La Banque Postale Asset Management (LBPAM).

Ce lundi aura lieu la dernière grande cérémonie pour dire adieu à la reine Elisabeth II. Des nombreux chefs d’Etat seront en Angleterre pour l’événement. L’hommage rendu à la souveraine sera un moment de calme dans un monde soumis, aujourd’hui, à des tensions grandissantes et à une conjoncture économique empreinte d’anxiété car dominée par la presque certitude que l’Europe et les Etats-Unis vont connaître des ralentissements forts de leur croissance dans les trimestres à venir. Le choc énergétique issue de la guerre en Ukraine, qui est venu exacerber des pressions inflationnistes déjà fortes et des banques centrales, des deux côtés de l’Atlantique, totalement engagées à les combattre, qui devraient ramener leurs taux directeurs au plus haut depuis plus d’une décennie, sont les principales forces qui devraient continuer à peser sur l’activité.

Les marchés, restent soumis à la force de ces chocs. Il est difficile de se protéger dans ce contexte. Les bourses baissent, ou du moins sont soumises à des changements brutaux de tendance du point de vue sectoriel, alors que les taux d’intérêt des obligations d’Etat montent. Ces tendances, ne font que durcir les conditions financières dans lesquelles vont opérer nos économies dans les trimestres à venir. L’impact du ralentissement économique n’a pas encore été complètement visible dans les résultats des entreprises. Les résultats de celles-ci au troisième trimestre devraient être un moment important pour guider le marché. Nous attendons toujours qu’une tendance baissière plus marquée des profits soit mise en évidence.

Toutefois, l’avalanche de mesures budgétaires de soutien mises en place en Europe pour amoindrir le choc énergétique, vient atténuer les risques les plus sévères qu’on pouvait envisager. Ce qui est une bonne nouvelle. Mais, ces mesures ne vont pas faire disparaître la tendance à la baisse de l’activité. Nous restons donc toujours prudents et très agiles dans nos expositions aux marchés.

Vers des négociations en Ukraine ?

Dans un contexte qui reste très anxiogène, la réunion de l’Organisation de Coopération de Shanghai qui avait lieu à Samarcande en Ouzbékistan, a créé la surprise avec des échanges publics tendus entre le président Poutine avec les leaders chinois et indiens notamment. En effet, que ce soit le président chinois, XI Jinping, ou indien, Narendra Modi, ils ont émis des réserves vis-à-vis de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. Le président indien a dit à Monsieur Poutine que « l’époque actuelle n’était pas celle de la guerre, mais celle de la diplomatie ».  De manière remarquable Vladimir Poutine a dit comprendre les inquiétudes du Gouvernement indien et que le Russie « ferait de son mieux pour arrêter cette opération aussi rapidement que possible ».

Les experts sont partagés quant à l’interprétation de cette remarque, notamment sur la possibilité d’ouverture de négociations avec l’Ukraine. Néanmoins, la prudence domine. Ce qui semble certain est que, outre la récente avancée des troupes ukrainiennes, Vladimir Poutine semble fragilisé.  La « distance » prise par la Chine et l’Inde avec la Russie au sujet de la guerre n’est pas une bonne nouvelle pour lui. Pour autant, peut-on voir une lueur d’espoir vers la fin du conflit ? A court terme, cela semble difficile. Mais, évidemment ceci n’est pas impossible. Toutefois, reste que les sanctions contre la Russie devraient être maintenues pour encore un certain temps, rendant la situation énergétique toujours fragile. Mais, parmi les bonnes nouvelles que le marché voudrait entendre, la fin de la guerre en Ukraine en serait une. Avec la possibilité d’un soulagement des tensions sur le plan des marchés de l’énergie, ou des matières premières en général.

Une nouvelle hausse de taux en Angleterre

Evidemment, la semaine sera dominée par la décision de politique monétaire de la Fed, mais aussi de la Banque d’Angleterre. Concernant la Fed, la discussion sur les marchés est de savoir si mercredi prochain le comité de politique monétaire va monter ses taux directeurs de 75pb ou davantage. Malgré les discours durs de certains banquiers centraux américains, nous pensons que le maintien de la cadence forte de hausses des taux, décidée depuis juin dernier, avec des pas de 75 pb, devrait être maintenue.

Les chiffres de créations d’emplois et d’inflation (cœur) pour le mois d’août, plus élevés que prévu, pourraient inciter certains membres à être plus agressifs, mais il nous semble que la Fed évitera de faire paniquer le marché et surtout ne voudra pas introduire des chocs encore plus brutaux, d’autant plus que le ralentissement économique est bien entamé. Au total, une hausse de 100pb, par exemple, n’est pas impossible, mais elle nous semble peu probable. Aussi, beaucoup voudront trouver dans le discours de J. Powell des signes d’un changement de politique monétaire pour les trimestres à venir, le fameux « pivot ». Nous pensons qu’ils seront déçus. 

La Banque d’Angleterre (BoE) devrait poursuivre ses hausses de taux, avec une hausse de 50pb. Il est difficile de penser que les membres plus agressifs auront gain de cause. Mais, le plus important sera l’analyse que fera la banque de l’impact des mesures budgétaires du nouveau Gouvernement visant à protéger consommateurs et entreprises de la hausse des prix de l’énergie. Vont-elles exacerber les pressions inflationnistes ou pas en soutenant trop fortement la demande ? Evidemment, comme pour la zone euro, la question de la forte baisse de la devise (avec la livre proche d’un plus bas historique contre le dollar) est un sujet, car elle vient alimenter les pressions inflationnistes.

Sebastian Paris-Horvitz - La Banque Postale Asset Management

Economiste et stratégiste chez La Banque Postale Asset Management

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