Or jaune vs or noir

Asset Management - Les cours de l’or ont poursuivi leur évolution sans tendance marquée, testant alternativement la barre des $1300/oz ($1296 touché le 6 juin), et la MM 200 ($1233 à ce jour). La hausse des taux directeurs de la FED était parfaitement anticipée par le marché, et le métal jaune subit depuis des vents contraires : soutenu d’une part par la faiblesse du dollar US, et affaibli d’autre part par la remontée des taux d’intérêt réels et le peu d’aversion au risque des investisseurs. À noter que les anticipations inflationnistes qui ont clairement reculé jusqu’au 20 juin, ont retrouvé quelques vigueurs depuis.

La lanterne rouge revient au pétrole dont les cours (Brent) sont revenus, le 21 juin, sur le point bas de novembre, alors en chute de près de ~19% ($) par rapport au sommet du 25 mai, et de ~24% par rapport au sommet de janvier ($57.6) avant de se reprendre en fin de mois et terminer le mois sur un recul de 3.70% ($).

Marché dynamique sur l’or physique avec l’équivalent de ~26 tonnes accumulées en juin, soit 112 tonnes depuis janvier. En revanche, les positions ouvertes nettes acheteuses sur les marchés à terme, ont décliné de de 4Moz, soit ~124 tonnes.

La saisonnalité estivale est souvent favorable au marché de l’or. Alors que la période mai/juin constitue une période creuse, l’été se révèle généralement bien meilleur. Les variations de la demande indienne selon les saisons en est l’explication première. Force est de constater cependant que celle-ci a globalement baissé ces dernières années, pour revenir sur un plus depuis 7 ans en 2016, ce qui pourrait atténuer cet effet, même si le 1er trimestre a montré quelques signes de reprises par rapport à 2016.

Autres métaux précieux

La contreperformance de l’argent par rapport à l’or s’est accentuée en juin – le « mint ratio » (ratio or/argent) retrouvant le niveau des 75x, à comparer avec une moyenne sur 20 ans de ~61x.

Côté platinoïdes, les cours du palladium se rapprochent de ceux du platine, avec un ratio palladium/Platinum de 0.95x, du jamais vu ! Rarement, l’industrie du platine n’aura été aussi vulnérable. A la problématique liée à la désaffection dont souffre l’industrie automobile tournée vers le diesel, s’ajoute la situation sud-africaine qui ne cesse de s’empirer. Alors que les nuages s’accumulent sur les perspectives du platine, les compagnies minières sud-africaines, qui représentent plus des ¾ de la production mondiale, ne font montre d’aucune discipline, laissant en activité nombre de gisements non rentables au cours actuel.

Quid des autres commodities ?

La tendance s’est améliorée en juin, les cours de la plupart des métaux s’affichant en hausse de ~+3%/+14% ($), minerai de fer, charbon thermique et zinc en tête, avec aussi de bonnes performances observées sur le cuivre, le nickel et l’uranium. A l’inverse, les cours de l’aluminium, dans l’attente de réelles coupes de production en Chine, ainsi que ceux du charbon métallurgique, en nette baisse depuis le début de l’année (~$/-34%), sont restés relativement stables.

Après la forte volatilité observée le mois dernier, les prix du pétrole se sont inscrits en nette baisse en juin, testant en milieu de mois les niveaux de novembre dernier. La baisse moins rapide qu’attendue des stocks américains en dépit de la « driving-season » qui commence, exacerbée par la reprise des forages aux US (23 semaines consécutives de hausse du Baker Hughes Oil & Gas Rig Count) a déprimé le marché. Pourtant, le BH O&G Rig Count, loin de constituer un indicateur avancé, évolue généralement en ligne avec les cours du pétrole, en décalage de ~3/4 mois, ce qui laisse envisager un ralentissement de l’activité aux US dans les semaines qui viennent. A noter d’ailleurs la 1ère baisse (-1 rig) de cet indicateur le 30 juin… Dans ce contexte, les hedge funds ont accru leurs positions « short » atteignant des niveaux rarement vus. De son côté, l’OPEP a maintenu son anticipation d’un retour à l’équilibre du marché à horizon 12 mois max. D’aucuns pensent qu’un effort supplémentaire quant à ses coupes de production sera nécessaire pour y parvenir, et d’autant plus que la Lybie et le Nigeria, non concernés par cet accord, ne cessent d’augmenter la leur. Mais peut-être ne faut-il pas sous-estimer la détermination du cartel pétrolier. Rappelons-nous le « We will do whatever it takes to rebalance Oil Markets » de l’OPEP, reprenant à son compte la célèbre formule de Draghi…

En attendant, la résistance semble s’organiser autour de la zone des $45/b (Brent) depuis quelques séances. Zone d’autant plus importante que peu de productions pétrolières sont rentables en deçà de ce niveau.

Point boursier

Si la performance des ressources naturelles en juin est restée en retrait dans son ensemble par rapport aux actions globales, un début de stabilisation s’est mis en place. La grande rotation sectorielle tant attendue des valeurs dites « growth » vers les valeurs « value » pourrait laisser envisager des perspectives plus positives pour la thématique. En attendant, le secteur de l’énergie demeure clairement en queue de peloton, avec une performance relative aux actions globales au plus bas depuis 2001.

Si les pétrolières sont restées très corrélées à l’évolution des cours du brut, leur performance relative aux actions globales (MSCI World) a incroyablement décroché depuis le début de l’année. Rattrapage en vue ?

Les mines aurifères ont clôturé le mois de juin en légère baisse ($/~-3%), relativement en ligne avec la performance de l’or physique.

Normalisation de la valorisation des Ressources Naturelles

Le momentum des bénéfices attendus pour les ressources naturelles s’est globalement tassé en juin, en particulier pour le secteur de l’énergie, alors que ceux des matériaux et des aurifères ont grappillé quelques fractions supplémentaires.

La valorisation des secteurs de l’énergie et des matériaux poursuit sa normalisation. Si celle de l’énergie demeure relativement élevée par rapport aux actions globales, elle s’est considérablement améliorée grâce au retournement positif des anticipations bénéficiaires. La valorisation des matériaux, en revanche, est revenue parfaitement dans la moyenne basse observée depuis 2010.

L’approche par les actifs nets (P/NAV), qui donne une meilleure appréciation de la valorisation des actifs miniers, notamment aurifères, souligne la dépréciation observée depuis 2011 par rapport à 1985-2010.

Pas de retour en grâce des ressources naturelles chez les investisseurs, toujours très sous-exposés…

Arnaud du Plessis

Gérant actions thématiques spécialisé sur l’or et les ressources naturelles

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