Métaux précieux, la chute libre ?

Asset Management - Après avoir été l’une des stars du début d’année, avec une appréciation de ses cours de près de 30% en quelques mois, l’or est aujourd’hui à la limite du « bear market », en recul de 18% (au 15/12/2016) par rapport à ses plus hauts de juillet.

La violence de la correction surprend.

Alors que les échéances politiques et financières tant redoutées (Brexit, élection américaine, référendum italien et hausse des taux aux Etats-Unis) se sont toutes matérialisées, les valeurs refuges traditionnelles n’en ont pas profité. Pourquoi ?

D’abord parce que les marchés semblent avoir acté un élément important. Le niveau des taux d’intérêt rend à présent la poursuite de leur baisse peu probable. Qui plus est, la remontée des prix du pétrole et son effet mécanique sur l’inflation laisse davantage de marge de manœuvre à la Banque Centrale américaine pour remonter ses taux. Et s’ils ont compris que les banques centrales seraient encore là pour longtemps, ils semblent avoir entériné le fait que l’on est passé d’un monde d’argent gratuit à un monde… d’argent pas cher.

Dans le même temps, l’accession au pouvoir de Donald Trump a laissé espérer un regain d’activité économique outre-Atlantique dans les prochaines années. Par ailleurs, les mesures fiscales comme le « repatriation Act » qui permet une amnistie fiscale aux entreprises qui rapatrient leur argent aux Etats-Unis pourraient aussi profiter à l’économie américaine.

L’ensemble de ces événements a entraîné une remontée des taux d’intérêt américains et une appréciation du dollar face aux devises étrangères.

Dès lors, Janet Yellen, lors de l’annonce sur la décision de politique monétaire de la Réserve Fédérale le 14/12, a pu annoncer une remontée des taux immédiate de 0,25% et prévoir trois nouvelles hausses de taux en 2017.

Ces éléments successifs ont déclenché une logique de flux et de réappréciation des risques, qui ont poussé les actions à la hausse alors que les marchés obligataires corrigeaient. L’or, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt réel était également délaissé. En effet, alors que les taux nominaux remontent, ce sont pour l’heure uniquement les anticipations d’inflation qui progressent.

Dans un tel contexte, les dégagements de positions spéculatives ont été nombreux, ce qui a pesé lourdement sur les prix du métal jaune. Ainsi, en quelques semaines, les positions acheteuses sur les contrats à terme à New York sont passées de 280 000 lots à moins de 70 000 mi-décembre. Dans le même temps, un tiers des quelques 685 tonnes d’or achetées par les ETF depuis le début de l’année était également cédé.

C’est probablement l’une des raisons qui permet aujourd’hui un certain optimisme sur les prix du métal jaune.

L’essentiel des positions spéculatives ayant été liquidé, les relais pour une baisse de marchés semblent désormais limités.

Ensuite, les marchés, contrairement à l’attitude qu’ils avaient adoptée en fin 2015, ont cette fois-ci suivi et « acheté » le discours de Janet Yellen. Preuve en est la violente réappréciation du dollar dans le sillage du discours de la présidente de la FED, et la remontée des taux. La conséquence d’un tel positionnement est que, désormais, la surprise viendrait plutôt d’un nouveau retard dans la remontée des taux. Ceci est plutôt de nature à favoriser la hausse du prix des métaux précieux. Rappelons que l’an dernier, c’est quatre hausses de taux qu’avait annoncées Janet Yellen. Devant l’incapacité de la FED à assurer son plan de marche, l’or s’était apprécié.

Reste que si cette hausse des taux produit des effets bénéfiques à court terme, elle pose aussi de graves problèmes à l’économie américaine et à l’économie mondiale. D’abord, comme nous le mentionnions dans la note du mois de novembre, l’importance du volume de la dette pourrait annuler une grande partie des gains de croissance tirés des mesures du nouveau président Trump, de même que le frein à l’export que constituerait un dollar trop fort. En effet, avec une dette supérieure à 100% de son PIB, une hausse de 0,5% des taux d’intérêt se traduit à terme par une hausse de 0,5% du PIB des intérêts de la dette (lire ici). Ce sont peu ou prou les bienfaits attendus sur l’économie américaine en raison des nouvelles mesures économiques, selon les cahiers verts de l’économie.

Vient ensuite le problème des économies émergentes.

Celles-ci ont en effet accumulé plus de 3 000 milliards de dollars de dettes libellées en dollars, selon la Banque des Règlements Internationaux (lire ici). Aussi, la remontée du dollar pose un vrai problème de solvabilité à ces économies. L’agence de presse officielle chinoise se déclarait ainsi inquiète récemment d’une poursuite de la remontée des taux américains : « Si les USA accélèrent le rythme de la hausse des taux à l’avenir, la hausse du dollar provoquera un désordre mondial ».

Les risques de voir la sortie de la politique monétaire ultra accommodante trébucher sont donc plus que jamais présents, avec des conséquences importantes sur l’ensemble de l’économie mondiale. Les acteurs de marché s’étant en outre positionnés sur un scénario de sortie sans heurt, la moindre anicroche pourrait faire rapidement baisser l’appétit pour le risque et redonner tout son éclat au métal jaune. Dans une telle hypothèse, on peut considérer que le point bas du précieux métal est probablement très proche. Comme le dit Kenneth Rogoff, ancien chef économiste du FMI, dans un édito publié récemment, la vraie question serait alors de se demander ce que la FED sera en mesure de faire lors de la prochaine récession d’ampleur, et non jusqu’où elle va remonter les taux.

 

Benjamin Louvet - OFI AM

Gérant matières premières

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