Marchés obligataires : comment adapter sa stratégie de gestion ?

Asset Management - En 2022, les marchés obligataires s'affichent volatils et en forte baisse. Quelles sont les raisons de cette correction ? Comment adapter sa gestion dans un environnement incertain ? L'éclairage de Jacques Sudre, Gérant chez Amiral Gestion.

Les derniers mois ont été marqués par des marchés obligataires volatils et en forte baisse : impacts de la guerre en Ukraine, inflation élevée et plus pérenne, remontée des taux directeurs et des spreads de crédit. Il nous semble que ces tensions et la dynamique de remontée des taux initiée depuis plusieurs semaines impliquent des risques plus élevés de ralentissement économique prononcé à prendre en considération pour des investissements futurs.

La Réserve fédérale a de fait indiqué le 12 mai dernier que les deux prochaines réunions donneraient lieu à des hausses de taux de 50 points de base chacune, elle a précisé par la suite qu’elle s’autoriserait à dépasser le taux neutre de 2,5 % si l’inflation l’exigeait. Du côté de la BCE, la probabilité est désormais plus élevée de voir des hausses de taux dès cet été.

D’un sous-jacent à l’autre

Si les marchés obligataires ont fortement corrigé depuis novembre dernier, tous les sous-segments ne réagissent pas à l’identique. D’un côté, les obligations d’entreprises Investment Grade en euros ont perdu plus de 8 % de leur valeur depuis le début de l’année. Elles offrent désormais un rendement de 2,4 % mais l’indice présente toujours une duration de 5,4. Le rendement modéré au regard de la durée moyenne des obligations ne permet donc pas une récupération rapide de la baisse, alors même qu’il ne nous semble pas opportun de porter un tel risque de duration dans l’environnement actuel.

Les obligations souveraines, quant à elles et pour les raisons évoquées ci-dessus, présentent des performances largement négatives et des perspectives plutôt sombres. D’un autre côté, les obligations d’entreprises à haut rendement ont regagné selon nous en attractivité. Les spreads de crédit se situent désormais au niveau ou au-dessus des moyennes historiques. Les émissions notées BB en Euro offrent par exemple un rendement de 4 % pour une duration de 3,7, un rapport largement plus favorable que ces derniers mois.

Il est toutefois à noter que si l’investissement dans les obligations Corporate High Yield paraît actuellement plus judicieux que dans d’autres segments, le travail d’analyse fondamentale et de sélectivité reste indispensable, les émetteurs les plus fragiles pouvant souffrir des évolutions récentes.  

Un environnement en mutation

Outre la perte mécanique de valeur des obligations lorsque les taux sans risque augmentent, il semble approprié de se concentrer sur les effets microéconomiques affectant les émetteurs. Les conditions de refinancement seront moins indulgentes pour les émetteurs d’obligations fortement endettés. Les investisseurs doivent s’assurer de la capacité de l’entreprise à refinancer sa dette, partie intégrante des critères de sélectivité mentionnés précédemment.

Un obstacle supplémentaire consiste à évaluer comment, dans un mouvement inflationniste, l’émetteur sera en mesure de maintenir ses marges opérationnelles afin de continuer à fonctionner avec un endettement élevé. Par conséquent, les opportunités qui découlent de spreads de crédit plus généreux doivent être sélectionnées avec beaucoup de prudence.

En conséquence, il nous semble important de focaliser des investissements obligataires sur des stratégies actives capables d’évoluer dans un environnement en mutation rapide. Ajoutons que l’analyse fondamentale constitue l’outil principal pour performer sur ce marché, ainsi qu’une approche flexible de la pondération du risque des portefeuilles permettant d’amortir des phases de plus grande volatilité et d’investir dans des conditions plus favorables.

Jacques Sudre - Amiral Gestion

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