Marchés financiers : une inflation durablement provisoire

Asset Management - L'inflation devait être transitoire, elle semble s'être installée durablement. Quelles perspectives pour l'année 2022 ? L'analyse de Laurent Denize, Global CIO chez ODDO BHF Asset Management.

Dans la liste au père Noel, la réponse à la question : « quelle réaction des banques centrales à l’inflation l’an prochain » figurerait certainement en très bonne position. Revenons un instant sur les paramètres qui ont propulsé l’inflation sur de nouveaux plus hauts.

Prix des biens et des services

Les goulots d’étranglement consécutifs au choc d’offre combinés à un choc de demande lié à une préservation des revenus disponibles ont fait bondir le prix des biens durables et des matières premières.

En revanche, les confinements successifs auraient dû faire baisser le prix des services. Ce ne fut pas le cas. Une grande partie de l’insuffisance de la demande de services est due à des changements de comportement, qui ne peuvent être atténués par une baisse des prix.

Si quelqu’un ne va pas au cinéma ou ne prend pas l’avion parce qu’il craint d’attraper la Covid, baisser les prix ne l’incitera pas plus à revenir. Les ménages pourraient même interpréter la baisse du prix comme le signal d’un risque accru, accentuant l’aversion. En termes techniques, l’élasticité de la demande pour certains services s’est donc inversée.

Vers la stagnation séculaire ?

C’est un problème majeur pour les banques centrales, car si l’élasticité-prix de la demande de services a changé, alors la hausse de l’inflation globale n’est plus un indicateur fiable de la hausse de la demande globale. C’est la raison pour laquelle, les investisseurs peuvent craindre une erreur de politique monétaire des banques centrales.

Soit à travers un resserrement trop rapide qui casse la croissance, soit par un comportement trop attentiste, aussi appelé « derrière la courbe » qui favorise des effets de second tour (augmentation des salaires, anticipations des ménages et des investisseurs revues à la hausse, etc.) et un changement de régime plus inflationniste.

Les investisseurs privilégient toujours aujourd’hui la thèse d’une inflation transitoire ou plutôt d’un retour à la stagnation séculaire. Le taux des obligations américaines à 30 ans à 1,70 % avec une inflation annuelle à 6,2 % et une croissance du PIB à 5,5 % pour 2021 est le parfait reflet de la répression financière menée par les banques centrales mais aussi d’une croissance qui retourne vers un potentiel finalement limité. Si c’est le cas, il faut continuer à privilégier les actions de qualité et de croissance.

Remontée des taux d’obligation

Regardons de plus près le scénario optimiste : la pandémie devrait en 2022 se transformer en endémie et permettre une normalisation des politiques monétaires. Les banques centrales vont cependant devoir être flexibles dans la réduction de leur programme d’achats et leur planning de remontée des taux.

Une remontée trop violente des taux entraînerait un alourdissement de la charge de la dette des Etats creusant encore les déficits budgétaires. Si nous devions classer les risques par ordre décroissant sur l’ensemble des classes d’actifs, les taux longs américains feraient la course en tête.

En cas de remontée du taux des obligations du trésor américain à 30 ans à 2,50 % (contre 1,70 % actuellement), soit le niveau de mars 2021 et considérant une duration de 22,8, la performance serait de -18 % (0,8 % que multiplie 22.8) toutes choses égales par ailleurs.

Ces classes d’actifs à privilégier

Dans un tel environnement porté par une croissance robuste, il faut privilégier les classes d’actifs capables de limiter l’érosion du capital provoquée par l’inflation, parmi lesquelles les actions cotées et le Private Equity.

Par ailleurs, la trajectoire de la devise américaine donnera une bonne idée de la performance des actifs régionaux. Si le dollar baisse, il faut favoriser l’Europe et les marchés émergents. S’il continue de s’apprécier, les Etats-Unis offriront certainement encore une fois les meilleures performances.

Coté obligataire, compte tenu des valorisations et de l’asymétrie du risque, nous diminuons encore et dès aujourd’hui notre duration sur les fonds d’allocation. Elle est aujourd’hui proche de zéro. Il me reste à vous souhaiter d’excellentes fêtes de fin d’année.

Laurent Denize - ODDO BHF Asset Management

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