Marchés financiers : « Sanctus Januarus »

Asset Management - 2021 s'ouvre sur un espoir de sortie de la crise sanitaire... même si le chemin à parcourir semble encore long. Pourquoi les marchés financiers asiatiques se distinguent-ils ? Quelles perspectives de relance pour les Etats-Unis ? Les explications de Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA.

« Ô toi Janvier le plus beau » : l’espoir de guérir, le possible triomphe sur la maladie sont au cœur de l’ovation qu’adresse Nietzsche, convalescent, dans le livre quatrième du Gai Savoir à son mois fétiche, celui le plus propice au renouvellement de notre profession de foi en l’avenir. A la manière du philosophe en rémission, les investisseurs embrassent en ce début d’année les perspectives d’une victoire contre l’épidémie.

Les marchés asiatiques se distinguent particulièrement. Malgré l’état d’urgence sur le territoire nippon, le Nikkei 225 est au plus haut depuis 30 ans : l’indice japonais a doublé depuis que la Banque du Japon (BoJ) s’est arrogée le contrôle de la courbe des taux en 2016. Taïwan, la Corée sont au zénith alors que le marché chinois s’établit quant à lui au-dessus des niveaux qui précédaient la grande crise financière de 2008.

Chine, le début de la relance…

L’attrait des capitaux internationaux pour la zone ne découle pas uniquement de la résilience des pays asiatiques face à l’épidémie. En amont de son 14e plan quinquennal, la Chine prépare le terrain d’une relance qui pourrait être davantage tournée vers le soutien de sa consommation domestique que par le passé. A l’appui de cet objectif, la Banque populaire de Chine (PBOC) semble à nouveau depuis plusieurs semaines accélérer l’injection de liquidités dans son système financier.

Campé sous les niveaux de la dévaluation de 2015 qui avait fortement tourmenté les marchés, le Yuan pourrait être autorisé à poursuivre sa revalorisation afin de limiter l’inflation importée. L’expansionnisme monétaire chinois participe mécaniquement au renchérissement des matières premières mais aussi de l’ensemble des actifs risqués de l’Asie Pacifique. C’est aussi un soutien pour la demande de produits importés depuis l’Europe.

…et des liens resserrés avec l’UE

En Allemagne, Infineon, Volkswagen, BMW, Adidas, Merck, Siemens réalisent entre 15 % et 40 % de leurs ventes en Chine. L’Europe est un partenaire commercial plus important pour la Chine que les Etats-Unis. C’est aussi la raison pour laquelle le pragmatisme l’a emporté chez nos dirigeants européens qui ont renouvelé leurs vœux de coopération avec la Chine, se distinguant très significativement de l’approche protectionniste américaine dont Joe Biden hérite malgré lui.

A l’approche de son intronisation, le Président entrant se focalise pour l’instant sur l’urgence de la situation domestique. Dans la nuit de jeudi à vendredi, il a ainsi dévoilé un nouveau plan de soutien de près de 2000 milliards de dollars. Il sera d’abord question de soutenir les capacités de déploiement du vaccin qui commencent déjà à faire défaut puis de subventionner directement les consommateurs.

Etats-Unis, marchés euphoriques…

De son côté, Jerome Powell reste résolu à financer la relance. Assurant ne pas ressentir de pression de la part des marchés, il a toutefois tenu à les rassurer en rappelant qu’une hausse des taux directeurs n’était pas encore envisageable, ce qui n’a toutefois pas permis aux marchés américains, fortement valorisés, de progresser davantage.

Tandis que le ratio du prix sur bénéfices ajusté du cycle sur le S&P500 s’établit à un niveau 90 % supérieur sa moyenne historique, augurant de rendements réels plus limités à l’avenir, les divers indicateurs de positionnement (enquêtes de sentiments, ratio put/calls des marchés d’options) pointent vers un niveau d’euphorie préoccupant. Par ailleurs, d’un point de vue économique et financier, l’écart entre les performances américaines et le reste du monde pourrait se réduire en 2021.

…vers la fin d’un leadership ?

L’érosion du leadership américain, caractérisé jusqu’alors par une surperformance des valeurs technologiques et de croissance en raison de leur poids dans les indices pourrait avoir des conséquences très nettes en termes de positionnement sur les styles de valeurs. « Savoir contredire », telle est aussi l’invitation que nous adresse le philosophe quelques lignes après son ode au Saint Janvier… L’optimisme quand il s’empourpre de complaisance doit inciter à la prudence.

Thomas Planell - DNCA

Gérant analyste

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