Marchés financiers : la stratégie de sortie de crise mise à mal

Asset Management - Le prolongement de la crise sanitaire favorise la volatilité des marchés. Dans l'incertitude, les investisseurs redoutent massivement une défaillance des entreprises. Quel impact sur les indices boursiers ? Les explications de Karamo Kaba, Directeur de la recherche économique chez Ecofi.

Pour la quatrième semaine consécutive, les marchés financiers ont dévissé, plombés par la recrudescence mondiale des cas de Covid-19. Craignant la réintroduction de mesures de confinement, même partielles, les investisseurs redoutent une récession plus profonde et des défaillances d’entreprises plus importantes. C’est ce qui ressort de la baisse de l’indicateur avancé PMI dans les services pour la zone euro (-2,9 points, à 47,6 en septembre).

Rebond et prévisions de croissance

Les craintes des investisseurs paraissent justifiées, surtout lorsque nous nous rappelons que la plupart des Etats avancés, à l’exception de la Chine, ont basé leur stratégie de relance économique sur la consommation privée.

Or, en l’absence d’un vaccin efficace, il sera difficile de compter sur eux après le rebond mécanique du 3e trimestre pour augmenter leurs dépenses. De plus, malgré le rebond des nouvelles inscriptions au chômage (+4 000, à 870 000 au 19 septembre), les membres de la Chambre des Représentants tardent à s’entendre sur un nouveau plan de relance.

C’est ce qui peut expliquer la baisse des prévisions de croissance américaine au 4e trimestre par plusieurs banques comme Goldman Sachs (3 % contre 6 % annualisé) ou JPMorgan (2,5 % contre 3,5 % annualisé).

Baisse des indices boursiers

D’où la baisse des indices boursiers (S&P 500 : – 2,2 %, à 3 245 points), entraînés par le secteur des matériaux de construction (-6 %), de la banque (-7,6 %) et de l’énergie (-9,5 %). Partie des valeurs technologiques américaines il y a quelques semaines, aucun secteur n’est aujourd’hui épargné par la correction. Ainsi, le pétrole (- 3,6 %, à 41,7 dollars) a-t-il subi de forts dégagements.

En revanche, plus surprenante a été la correction de l’or (- 4,6 %, à 1 859 dollars/once) et de l’argent (- 15 % sur la semaine, à 22,7 dollars/once), véritables valeurs refuges privilégiées au cours des dernières semaines qui semblent perdre de leur éclat. Seuls les emprunts d’Etat, notamment les maturités les plus longues (- 4 points de base – pbs – à 0,65 % pour le rendement du taux à 10 ans américain) ont continué de bénéficier des faveurs des investisseurs.

Sans discrimination, tous les rendements sont orientés à la baisse dans les pays avancés, notamment en Italie où les bons du Trésor ont été particulièrement recherchés (- 8 pbs, à 0,89 % pour le rendement du taux à 10 ans). Alors que nous aurions pu nous attendre à une nouvelle crise politique, les élections régionales ont plutôt montré la solidité de la coalition actuelle au pouvoir et la popularité du premier ministre Giuseppe Conté, récompensé pour sa gestion de la crise sanitaire et les aides reçues par le pays dans le plan de relance européen.

La dépréciation du dollar

Ainsi, déjouant les anticipations, la bonne orientation des pays périphériques n’a-t-elle pas profité à l’euro. La monnaie commune a connu un net recul (- 1,90 % sur la semaine) pour revenir près du seuil de 1,16 dollar, affaiblie par des nouvelles mesures de restrictions, notamment en Espagne, en France ou en Espagne.

Alors que la Fed a fait savoir qu’elle changeait sa stratégie sur l’inflation, ce qui aurait dû conduire à une dépréciation du dollar, c’est tout le contraire qui s’est produit avec une appréciation généralisée du billet vert (+ 1,93 % pour son taux de change effectif).

Nous continuons toutefois de penser que la dépréciation du dollar va reprendre avec la crainte d’une élection contestée. La BCE elle aussi devrait prendre des initiatives pour éviter une trop forte appréciation de la monnaie commune. Le gouverneur de la Banque de France souhaite ainsi que l’institution monétaire, comme la Fed, puisse accepter d’avoir une inflation à plus de 2 % pendant longtemps.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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