Marchés financiers : la Fed remet une pièce…

Asset Management - Depuis la dernière annonce de la Réserve fédérale (Fed), les investisseurs se sont rassérénés. Leur optimisme se traduit désormais par un élan haussier sur les marchés. La repentification de la courbe des taux s'inscrit-elle dans une dynamique durable ?

L’onde de choc liée au début de changement de discours de la Réserve fédérale (Fed) n’a pas duré longtemps sur les marchés financiers. Les indices ont repris leur élan haussier, aidés par l’annonce aux Etats-Unis d’un accord bipartisan de 1 200 milliards de dollars sur le plan de rénovation des infrastructures.

A ceci s’ajoute la levée des restrictions pesant sur les politiques de dividendes et de rachats d’actions sur les valeurs bancaires, suite au succès des 23 principales banques à l’épreuve des stress tests de la Fed.

Rassurer les investisseurs

Cela a permis aux investisseurs de reprendre leurs esprits après une semaine mouvementée, portant les indices vers de nouveaux records, à l’image du CAC 40 (+0,9 %, à 6 629 points). Les progressions sont encore plus fortes aux Etats-Unis où le Dow Jones (+3,6 %, à 34 496 points) et le S&P 500 (+2,8 %, à 4 284,81 points) ont enregistré leur plus forte progression hebdomadaire depuis mars.

Cet élan haussier a également été favorisé par le recadrage du président de la Fed. Ainsi, après la période de flottement qui a suivi l’interview de James Bullard (patron de la Fed de Saint-Louis et membre votant de la Fed), Jerome Powell a-t-il rassuré les investisseurs en précisant qu’il n’était pas dans les plans de son institution de relever prématurément les taux directeurs pour contrer la récente poussée inflationniste.

D’ailleurs, l’indice core « Personal Consumption Expenditures (PCE) », que suit particulièrement la Fed, est ressorti conforme aux attentes du consensus (+3,4 % sur une année). Ce discours dovish, qui n’est pas nouveau, a été relayé par d’autres membres influents de la Fed qui ont insisté sur l’emploi et pas uniquement sur les prix. Les investisseurs ont vu dans ces différentes sorties le fait que la fin de la récréation n’était pas pour tout de suite, ce qui a donné une bouffée d’oxygène aux actifs risqués.

Repentification de la courbe des taux

Dans ces circonstances, le retour de l’optimisme a favorisé une repentification de la courbe des taux, avec une appréciation plus importante pour les échéances les plus longues (+9 points de base — pbs — à 1,5326 % pour le taux à 10 ans américain). La forte sous-performance des obligations américains par rapport à l’Europe (+5 pbs pour le Bund 10 ans et l’OAT 10 ans, respectivement à -0,1490 % et à 0,2020 %) peut s’expliquer par ce qui pourrait s’apparenter, après le vote du Congrès, à un quatrième plan de relance massif en moins de 1 an et demi.

Il faut dire que le financement de ce plan de 1 200 milliards en 8 ans pour la rénovation des infrastructures n’est pas entièrement bouclé, ce qui pourrait se traduire par une nouvelle dégradation des comptes publics, déjà au plus mal (-14,9 % du PIB en 2020). Les républicains, opposés à un financement de ce plan par un relèvement du taux de l’impôt sur les sociétés, proposent de mettre en place de nouvelles taxes qui pénaliseront les familles les plus modestes. Pas sûr que l’aile la plus à gauche du parti démocrate accueille favorablement une telle proposition, surtout que l’effet des programmes gouvernementaux commence à s’estomper.

Forte croissance aux USA

Nous avons ainsi vu le revenu personnel nominal reculer (-2,0 % en mai après -13,1 % en avril et +20,9 % après l’envoi des chèques aux ménages), de même que le revenu disponible (-2,8 % en mai). Cela ne remet pas en cause notre scénario de forte croissance pour les Etats-Unis (+7,1 % en 2021) avec la levée des dernières mesures sanitaires, ce qui facilite le déblocage du taux d’épargne (passé de 14,5 % en avril à 12,4 % en mai).

C’est d’ailleurs le message envoyé par les indicateurs avancés, même si l’indice composite PMI flash a reculé, passant de 68,7 en mai à 63,9 points en juin. La zone euro elle aussi profite de cette bonne dynamique puisque l’indice PMI composite, en hausse pour le cinquième mois de suite, est ressorti à un pic inégalé depuis juin 2006 (+2,1 points, à 59,2 en juin).

Cette bonne orientation des perspectives d’activité a aidé au redressement de l’euro (+0,5 %, à 1,19248 dollar) — notamment en Allemagne (Ifo : 2,6 points, à 101,8) et en France (climat des afffaires : 5 points, à 113, au plus haut depuis 2007) — et cela pourrait se poursuivre cette semaine en cas de nouvelle déception sur le front des créations d’emplois aux Etats-Unis. Les attentes du consensus sont assez élevées (700 000 emplois supplémentaires en juin) mais réalistes si nous nous fions à l’évolution des nouvelles inscriptions au chômage.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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