Marchés financiers : la chasse aux banques reste ouverte

Asset Management - La crise du secteur bancaire a entraîné le retournement des marchés financiers, après une période d'euphorie début 2023. Allons-nous passer d'un risque idiosyncratique à un risque bancaire systémique ? Les équipes de gestion d'Apicil AM publient leur lettre hebdomadaire d'analyse des marchés financiers.

La résistance de la croissance mondiale au cours des derniers mois a endormi la vigilance des investisseurs, ce qui a favorisé l’envolée des marchés boursiers depuis octobre. De manière générale, les investisseurs ont sous-estimé les conséquences de l’augmentation aussi rapide des taux depuis un an (475 bps de hausse aux Etats-Unis, 350 bps en zone euro). Comme en 2008, ce sont les banques qui affichent les premières craquelures. Et pour cause, les entreprises bien qu’ayant également profité du crédit bon marché pour s’endetter bénéficient d’une conjoncture encore porteuse qui « cache » pour le moment les risques financiers au bilan.

Pour  les banques, il en va autrement. Dépendantes des financements de court terme pour maintenir leur activité qui consiste, rappelons-le, à financer à long terme des projets d’investissement, les banques vivent en permanence avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête ; le risque que les déposants et autres financeurs à court terme fassent transférer leurs avoirs dans une autre banque. Depuis 2008, les choses ont certes évolué et des freins ont été instaurés (meilleure supervision, capitaux propres réhaussés, accès à la liquidité d’urgence de la banque centrale), mais le risque reste fondamentalement le même comme l’ont montré les exemples de SVB et Credit Suisse.

Crise bancaire sur les marchés

Actuellement, l’atmosphère des marchés est étrange. Tout le monde a bien compris qu’aucun établissement financier n’est à l’abri d’une attaque en règle. Tout d’abord parce que la visibilité des investisseurs sur la valeur réelle des actifs détenus par les banques reste extrêmement faible. Il n’y a cependant là rien d’illogique. La plupart des actifs détenus par les banques sont par nature illiquides étant constitués de prêts n’offrant pas de prix de marché. 

Quand la confiance est là, pas de problème, mais quand celle-ci se fait moins évidente alors, chacun cherche à évaluer ces zones grises dans les bilans bancaires. Ainsi, actuellement, le marché s’intéresse-t-il aux expositions de prêt à l’immobilier américain ainsi qu’aux prêts automobiles dont le taux de défaut à plus de 10 % atteint un sommet de 15 ans. Il y aura ensuite matière à regarder d’autres segments de marché comme le financement à levier d’entreprise (LBO) qui s’est largement développé ces dernières années grâce aux taux bon marché.

Vers un risque systémique ?

Dans ce contexte, les premières banques visées sont celles qui apparaissent cabossées (Credit Suisse) ou qui ont pu l’être un temps (Deutsche Bank). Ainsi, la première banque allemande a-t-elle été prise, à son tour, par le maelström des réseaux sociaux, perdant vendredi jusqu’à -15 % avant de clôturer à -8,5 %. Rien de tangible ne vient justifier cette baisse, ainsi que celle des autres banques européennes (Euro Stoxx Bank -4,61 %), si ce n’est le sentiment diffus que les banques ne sont pas transparentes (ce qui est vrai) et à la merci d’une nouvelle fuite des dépôts (ce qui est vrai également).

Comme nous l’écrivions la semaine dernière, il faudra vivre au cours des prochains mois avec le risque d’apparition ici ou là d’un risque spécifique sur telle ou telle entreprise (risque idiosyncratique) tout en espérant que ce risque, s’il se matérialise, ne se transforme pas en risque global (risque systémique). Il est donc naturel que le marché intègre progressivement aux cours boursiers une prime de risque en lien avec la probabilité de survenance de ces risques.

Relance de l’activité économique

Si l’actualité de la semaine dernière a été une nouvelle fois dominée par les banques, il s’est passé autre chose sur les marchés et des choses assez positives d’ailleurs. Les enquêtes d’activité des deux côtés de l’Atlantique pour mars publiées la semaine dernière ont surpris positivement. Aux Etats-Unis, le PMI composite pour mars est ressorti en nette progression à 53,3 (contre 50,1 en février) principalement soutenu par le secteur des services.

Même constat en zone euro où le PMI composite de la zone progresse à 54,1 (contre 52 en février) à son niveau le plus élevé depuis mai dernier. L’enquête dans le secteur manufacturier   semble en revanche décevante (47,1 contre 48,5) mais s’explique avant tout par un biais méthodologique. La baisse des délais de livraison, liée à la très forte baisse des tensions sur les chaînes de production pèse sur l’indicateur, alors qu’il s’agit d’un facteur positif après plusieurs trimestres de tensions suite à la réouverture post-covid.

Donner l’illusion de la stabilité

Côté banques centrales, nous avons compris que la meilleure façon de calmer les esprits échaudés par les dernières faillites bancaires était encore de maintenir le rythme de hausse des taux pour donner l’illusion de la stabilité aux investisseurs, et cela fonctionne. La hausse de 25 bps des taux fédéraux décidée mercredi dernier est passée comme une lettre à la poste.

Il faut dire que l’attention des investisseurs américains reste accaparée par une ancienne présidente de la Fed, Janet Yellen, désormais Secrétaire du Trésor, dont les investisseurs attendent qu’elle décide de garantir ex-ante tous les dépôts bancaires et non pas uniquement les dépôts en dessous de 250 000 dollars. Cette décision serait lourde de sens avec d’un côté une forte réduction du risque de « bank run » mais de l’autre un chèque en blanc signé aux banques qui seraient incitées à moins contrôler leurs risques.

Les équipes de gestion d'APICIL AM - APICIL Asset Management

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