Marchés financiers : grand virage devant ?

Asset Management - « Le marché a toujours raison » est l’adage premier du gérant. Les intuitions brillantes, les convictions fondées, les raisonnements talentueux doivent s’effacer devant le Maître des Faits. Une partie de l’art de prévoir d’un bon gérant, façonné par l’absence de certitudes, repose sur sa capacité à observer le marché pour comprendre ce qu’il tente d’exprimer. L'éclairage de Jacques de Panisse, Président du Directoire, Gérant et Associé chez Optigestion.

Depuis quelques semaines, les résultats exceptionnels publiés, par plusieurs  géants de la technologie notamment, entraînent au mieux une appréciation relativement modeste des cours. Cet écho trop faible révèle une forme de  saturation du marché, gavé de bonnes nouvelles depuis de nombreux mois. 90 % des valeurs ont un Momentum haussier sur les grands indices  américains. 

Les sociétés annoncent des profits très supérieurs aux anticipations et les  économies sortent de la crise avec une vigueur qui a été sous-estimée. Les  États-Unis connaissent un redémarrage économique impressionnant ; le  Royaume-Uni également ; et avec quelques mois de retard, l’Europe devrait  enregistrer une croissance soutenue. Le vif redressement de la demande  associé à un faible niveau de stocks favorise l’envolée des cours de nombreuses matières premières et occasionne des difficultés d’approvisionnement. 

USA, la crainte de l’inflation

Les tensions inflationnistes affectent de nombreux secteurs et réveillent les  taux d’intérêt longs que les banques centrales s’efforcent de contenir par des  interventions massives sur les marchés. Seuls les salaires, encore tributaires  d’un niveau de l’emploi inférieur à la période pré-Covid, demeurent pour  l’instant contenus. La grande crainte déflationniste a conduit l’administration Biden à vouloir une série de plans de relance qui, cumulés, atteignent 7 trillions de dollars — soit 32 % du PIB.

Simultanément le double déficit américain — déficit public et de la balance courante — est à un niveau historiquement élevé. Si les plans de relance sont finalement votés par le Congrès, la FED constatera de  nouvelles pressions inflationnistes relayées par une hausse des taux d’intérêt qu’elle s’efforcera de tempérer. Le refus de laisser les taux compenser pleinement l’inflation entraînera l’affaissement du dollar, tendance qui favorisera le renchérissement des cours des matières premières. 

Recul du dollar face à la dette

L’accumulation d’une dette qui approche 130 % du PIB ne s’accommode guère d’une reprise économique brutale. Tenter d’apprivoiser ses conséquences néfastes pourrait s’avérer acrobatique, même pour la FED. Le réveil de l’inflation est sensé n’être que temporaire. Cependant, en refusant de mettre en œuvre les moyens douloureux requis pour contrôler son développement en début de reprise, la FED pourrait favoriser son essor. 

L’affaiblissement du dollar sera observé de près par la Chine qui souhaite  devenir la monnaie de référence asiatique. En refusant de pratiquer une  relance généreuse au bénéfice du consommateur et en s’assurant que le  Renminbi offre un rendement conséquent, la Chine pourrait attirer de  nombreux dollars qui cherchent à se recycler. Dans un deuxième temps elle  pourrait également déployer et encourager les moyens nécessaires pour  contourner l’usage du dollar dans les règlements liés au commerce  international. Elle a déjà commencé pour ses échanges avec la Russie. 

Savoir anticiper la suite

Les changements se font toujours à la marge. Nous sommes aujourd’hui à la  veille d’un virage majeur dont il est très difficile d’apprécier l’orientation future. Retour d’une croissance inflationniste ou maintien d’une tendance  déflationniste en permanence compensée par les stimuli des États et des  banques centrales. 

Le résultat du vote des plans de relance au Congrès sera le premier indice clé. Suivront ensuite le comportement du dollar et du baril de pétrole, puis le niveau des taux d’intérêt et le pilotage de la FED, et enfin l’étiage et la durabilité de l’inflation. Les marchés américains prennent conscience de l’alternative qui se profile et doutent.

Jacques de Panisse - Optigestion

Président du Directoire, Gérant et Associé

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