Marchés émergents : un rayon de soleil face aux sombres perspectives obligataires ?

Asset Management - Les prochaines années s’annoncent difficiles pour les obligations. Il existe toutefois des segments moins populaires de l’univers obligataire qui offrent encore aux investisseurs des perspectives attrayantes, et notamment les marchés émergents. Les données historiques montrent que l’ajout d’obligations émergentes aux portefeuilles obligataires classiques permet d’améliorer le rendement, sans pour autant augmenter le risque.

La montée des pressions inflationnistes dans les pays développés, ajoutée au niveau très bas des rendements, va peser considérablement sur les obligations souveraines des pays concernés. Car l’inflation s’accélère, malgré le pic atteint par les cours du pétrole, alors que la croissance mondiale prend un caractère synchronisé et que les échanges commerciaux se redressent, après s’être montrés déprimés récemment. Les tensions constatées sur le marché du travail aux Etats-Unis laissent également entrevoir l’émergence de pressions salariales et un nouveau resserrement de la politique de la Réserve fédérale. La zone euro semble enfin s’affranchir des retombées de la crise qui a frappé les pays de sa périphérie en 2011. Le Japon connaît une croissance régulière. Par ailleurs, certains des pays émergents à la peine ces derniers temps montrent des signes de stabilisation de leur économie.

Sur le long terme, la hausse des prix devrait persister compte tenu de la disposition des banques centrales à tolérer des taux d’inflation plus élevés qu’auparavant, de l’accélération de la croissance des salaires alimentée par les législations sur le salaire minimum, et des possibles retombées d’une longue période d’assouplissement quantitatif.

Les marchés obligataires commencent à refléter ces bonnes nouvelles économiques. Les rendements se sont redressés par rapport à leurs plus bas de l’an dernier, particulièrement dans le sillage des élections présidentielles américaines, les investisseurs s’attendant à ce que la politique de Donald Trump donne une nouvelle impulsion à la croissance. Pour autant, environ un cinquième de l’indice JPM GBI des principales obligations d’Etat, dont la valeur atteint près de 10 000 milliards de dollars US, affiche encore des rendements négatifs. Ces valorisations élevées laissent penser que les obligations souveraines des pays développés vont rester sous pression tout au long de la reprise cyclique.

Face à ce contexte plutôt morose pour les investisseurs obligataires, les obligations des marchés émergents semblent particulièrement attractives, sachant qu’elles bénéficient actuellement de spreads considérables par rapport aux emprunts d’Etat des pays développés. Les obligations émergentes en monnaies locales affichent actuellement un rendement de 6,4%, tandis que celles en monnaies fortes offrent 5,3%, contre 1,4% pour les obligations des marchés développés.

Qui plus est, les fondamentaux économiques sourient bien davantage aux obligations des marchés émergents qu’à celles des pays développés. Prenons l’inflation par exemple. Au cours des cinq ans à venir, dans les pays développés, elle devrait augmenter à 2,1%, contre 0,7% en 2016. A l’inverse, elle devrait ralentir de 3,7% à 3,5% dans les pays émergents. Les économies émergentes sont par ailleurs susceptibles de connaître une croissance plus forte que les pays développés. Selon nos prévisions, le PIB réel des marchés émergents devrait croître de 4,5% par an au cours des cinq ans à venir, contre un taux de croissance annuel de seulement 1,6% pour les pays développés.

Plusieurs économies émergentes bénéficient également de réformes au plan intérieur, et notamment d’une transition en faveur de politiques tournées vers le marché. Un bon exemple en est l’Inde, où les mesures anticorruption et de simplification de la fiscalité mises en œuvre par le Premier ministre Narendra Modi sont susceptibles de permettre au pays de réaliser son potentiel. Il existe bien entendu des exceptions comme le Brésil, secoué une nouvelle fois par une vague de scandales de corruption, ou la Turquie, où la bascule vers un régime autoritaire pourrait soutenir l’économie à court terme, mais au détriment de la stabilité à long terme. Globalement, les pays émergents dont les fondamentaux s’améliorent et ceux dont les perspectives sont plus inquiétantes semblent s’équilibrer. Ce constat se reflète dans le rythme plus mitigé des réformes économiques dans les pays émergents après une tendance globalement positive ces dernières années, selon l’OCDE. Néanmoins, malgré cette incertitude, les obligations émergentes offrent aux investisseurs une prime de risque attractive.

En un mot, les investisseurs en quête de rendements obligataires honorables durant les premières années de la décennie à venir auraient intérêt à regarder au-delà des obligations souveraines «refuges» des pays développés qui dominent les portefeuilles, et à examiner les opportunités qu’offre le segment mieux valorisé de la dette émergente.

 

Frédéric Rollin - Pictet AM

Conseiller en stratégie d’investissement

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