Marchés boursiers européens : l’ombre de la Chine plane

Asset Management - Fin 2021, les marchés européens sont portés par les prévisions de croissance. Toutefois, la dégradation financière des promoteurs immobiliers chinois peut-elle contaminer la dette High Yield en Europe et aux Etats-Unis ? Le point d'Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France.

Les indices européens — malgré les records historiques récents du CAC40 et du DAX — continuent d’évoluer entre deux flux de données macroéconomiques. Les records de la semaine se sont faits dans un environnement de repli des taux après des messages toujours relativement accommodants de Christine Lagarde et Jerome Powell — malgré un contexte où les indices de prix à la production et à la consommation restent tendus, la Fed et la BCE continuant de privilégier l’hypothèse d’une inflation transitoire, certes plus durable qu’anticipé, mais transitoire quand même.

Les marchés européens sont également portés par les prévisions de croissance qui ont été rehaussées. Le FMI a relevé sa prévision de croissance 2021 pour la France à 6,75 % contre 6,3 % lors de l’estimation précédente et projette une croissance de 3,7 % l’année prochaine. En Allemagne, les conseillers du gouvernement ont rehaussé ce matin les prévisions de croissance 2022 à 4,6 % contre 4,0 % en mars et anticipent une croissance de 4,3 % pour la zone euro l’année prochaine.

Croissance et pénuries

Après une saison des résultats qui s’est globalement bien passée, les indices européens intègrent toujours une poursuite de la reprise économique… au risque de passer un peu trop vite sur certaines tensions qui persistent toujours au 4e trimestre. Il y a deux risques principaux qui peuvent ramener de la volatilité sur les marchés à court terme : les tensions sur la chaîne d’approvisionnement mondiale et la situation immobilière en Chine.

Les tensions sur la chaîne d’approvisionnement mondiale persistent avec des embouteillages de porte-conteneurs dans les principaux ports de la planète, ce qui maintient une pression sur les prix et ralentit l’acheminement de composants ou de matières premières. Ce qui met la pression dans certains secteurs d’activités où les entreprises voient grimper les coûts de production sans répercuter totalement ces coûts sur le prix de vente.

Indices actions et Covid-19

C’est ce que montre l’évolution des indices de prix à la production qui progressent plus vite que les indices de prix à la consommation, aussi bien en Chine, qu’en zone euro ou aux Etats-Unis. Et qui soulève des interrogations légitimes sur l’évolution des marges des entreprises… et donc sur les bénéfices du quatrième trimestre.

L’engorgement au niveau mondial devrait se dissiper courant 2022, notamment si les vagues de Covid-19 sont moins puissantes et durables grâce au progrès de la vaccination. Mais la question est de savoir si les indices actions en Europe et aux Etats-Unis ne se sont projetés, à court terme, un peu trop loin en 2022 — en occultant les conséquences potentielles sur les chiffres d’affaires et les marges des pénuries et tensions logistiques.

High Yield, les ombres chinoises

L’autre risque majeur à court terme concerne la Chine et la dégradation de la situation financière des promoteurs immobiliers. Un élément frappant est l’évolution de la valeur des obligations à haut rendement d’entreprises chinoises (le « high yield »). Cette valorisation se dégrade depuis des semaines et elle vient de tomber sous le point bas touché au plus fort de la crise Covid en 2020. Ce qui traduit une défiance absolue des investisseurs avec un taux sur le « high yield » en Chine qui s’envole à près de 25 % !

Pour l’instant nous n’observons pas de contagion sur la dette d’entreprise à haut rendement en Europe et aux Etats-Unis. La Chine toutefois n’envoie pas que des mauvais signaux : le fort repli des prix du charbon depuis quelques semaines détend les craintes des entreprises sur l’énergie, les derniers chiffres de la balance commerciale montraient une amélioration sensible et la masse monétaire M2 a connu sa plus forte progression en octobre depuis le mois de mars, signe que la Chine cherche à piloter au mieux cette phase sensible.

Et l’Europe dans tout ça ?

Les indices boursiers européens, dont les perspectives haussières restent bonnes à moyen-terme, doivent donc toutefois naviguer dans ce contexte à court terme : des perspectives de croissance économiques solides pour 2022 mais des risques clairement identifiés en provenance de Chine, des pressions qui durent sur la chaîne logistique mondiale et sur les prix… et des banques centrales qui vont commencer à ralentir la cadence des achats d’actifs.

Alexandre Baradez - IG France

Responsable Analyses Marchés

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