Marchés actions : l’espoir de reprise en Chine à l’épreuve des résultats T4… et des projections

Asset Management - L'année 2022 aura vécu au rythme de la flambée de l'inflation et des risques géopolitiques. Après une politique zéro-Covid très stricte, la Chine va-t-elle signer son grand retour en 2023 ? Quelles perspectives de rendement sur les marchés actions ? Les explications d'Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France.

Des trois risques qui ont mis le feu aux poudres sur les marchés financier l’année dernière, deux ont relativement bien baissé en intensité et offrent une meilleure visibilité, le troisième étant plus difficile à anticiper. 

Les deux premiers risques sont l’inflation et la Chine, le troisième risque étant la géopolitique. Sur le front de l’inflation les risques semblent désormais contenus du côté des Etats-Unis avec cinq mois consécutifs de baisse de l’indice global des prix à la consommation. Et signaux très encourageants également du côté de l’inflation « core ».

Etats-Unis, la Fed lutte contre l’inflation

L’inflation contre laquelle la Fed doit lutter est désormais surtout cantonnée aux services… mais la publication récente de l’ISM Services, un indicateur avancé, va dans le sens d’un ralentissement à venir de la pression sur les prix dans ce secteur. La composante « Prix payés » de l’indicateur est tombée en décembre à son plus bas niveau depuis début 2021. 

Si nous nous fions à cet indicateur très surveillé, l’activité dans les services aux Etats-Unis auraient donc subi un très fort ralentissement en fin d’année, l’indicateur global passant de 56.5 en novembre… à 49,6 en décembre. Sachant que 50 est la zone qui sépare l’expansion de la contraction, le choc d’activité semble donc relativement violent et en peu de temps.

Si nous agrégeons les indicateurs avancés ISM et PMI, les chiffres d’inflation ou encore le fort ralentissement du secteur immobilier et du marché du crédit, il est tout à fait possible que la Fed n’ait plus beaucoup de marge de manœuvre pour de futures hausses de taux. Son agressivité en place depuis 2022 aura probablement du mal à franchir le cap du premier trimestre, sachant notamment que les hausses de taux déjà embarquées continueront de produire des vents contraires pour l’économie avec effet décalé. 

Les Futures sur les Fed Funds ne croient d’ailleurs pas à l’hypothèse d’une Réserve Fédérale qui ne baisserait pas les taux avant 2024. Ni les taux courts d’ailleurs : si nous prenons le taux 2 ans qui est un bon « proxy » historique d’anticipation de la trajectoire des taux de la Fed, il évolue désormais plus proche des 4 % que des 5 %, après avoir culminé à 4,88 % début novembre : le marché ne pense pas que la Fed puisse déployer sa fourchette de taux au-delà de 5 %.

Europe, les effets de la crise énergétique

Du côté de l’Europe, la BCE a « menacé » de monter les taux dans la zone des 3,5 % (contre 2,5 % actuellement) mais là aussi le doute est permis : les indicateurs avancés d’activité (PMI), que ce soit pour le secteur manufacturier ou celui des services, sont contractés.

Les prix de l’énergie ont massivement reflué : bien que les cours soient potentiellement volatils, le gaz naturel est retombé il y a quelques jours à moins de 70€/MWh, son plus bas niveau depuis novembre 2021, avant l’invasion de l’Ukraine, sachant qu’il évoluait encore à plus de 340€/MWh en août dernier. Forte détente également pour le pétrole Brent dont les cours évoluent également sur les niveaux pré-invasion de l’Ukraine. 

Contrairement aux Etats-Unis, l’inflation en Europe est moins tirée par une demande excessive que par l’énergie et les problèmes d’approvisionnement. La bonne nouvelle est que les tensions logistiques et d’approvisionnement à l’échelle mondiale ont été corrigées à hauteur de 75 % par rapport au pic de tension post-Covid.

Le ralentissement économique en Europe, doublé d’une détente de l’énergie et des problèmes d’approvisionnement devrait réserver de bonne surprise pour l’inflation dans les mois qui viennent, sachant que les tensions sur les salaires sont beaucoup moins prononcées qu’aux Etats-Unis. Là-encore, l’agressivité de la BCE pourrait avoir du mal à passer le premier trimestre. 

Chine, la résurrection du dragon ?

Concernant le deuxième motif de stress de 2022, la Chine, le moins que nous puissions dire est que le virage est spectaculaire.

Dès la fin du Congrès, les annonces et changements de posture ont commencé à arriver : assouplissement drastiques des règles sanitaire, « réchauffement » des relations  avec les Etats-Unis ou encore l’Australie, assouplissement des règles d’investissement sur le marché obligataire chinois pour les investisseurs étrangers, accélération des discussions concernant le listing des valeurs chinoises sur les marchés américains, autorisations données aux gouvernements locaux et aux banques d’émettre des lignes de crédit pour soutenir le secteur immobilier, abaissement des ratios prudentiels pour les banques.

Toutes ces mesures ont nourri le rallye des indices en Europe, aux Etats-Unis depuis octobre…mais également en Chine avec des rebond marqués sur les indices actions et également le segment sensible des obligations d’entreprises à haut rendement (high yield) qui évolue à son plus « haut » niveau depuis juillet.

Quelles perspectives en 2023 ?

Concernant le troisième et dernier risque de 2022, la géopolitique, impossible d’esquisser un scénario probable. Les effets sur les prix de l’énergie et plus globalement sur les matières premières semblent désormais limités. 

Au premier trimestre, les marchés actions devraient donc être tiraillés entre deux sentiments : d’un côté la volonté de continuer à saluer les signaux de détente de l’inflation qui s’accumulent, en pariant sur des banques centrales dont l’agressivité devrait diminuer rapidement (ce qui devrait donc soutenir les valeurs de croissance) mais de l’autre côté, s’inquiéter des signaux de ralentissement économiques qui se multiplient aux Etats-Unis et en Europe.

Les valeurs plutôt « value », des secteurs « traditionnels », qui ont joué les anticipations de reprise en Chine depuis près de trois mois maintenant, pourraient avoir besoin de consolider pendant quelques temps. D’abord parce-que ces valeurs qui ont emmagasiné du « stock » de hausse par anticipation pourraient être plus sensibles à des résultats T4 qui vont commencer à arriver dans quelques jours, notamment vis-à vis des projections des entreprises concernées, et ensuite parce-que des chiffre macro dégradés devraient continuer à tomber pour l’Europe et les Etats-Unis dans les semaines qui viennent. 

Cela pourrait donc créer un environnement un peu vulnérable, en attendant que les chiffres macro chinois confirme un rebond… Et que les banques centrales adoucissent le ton de façon plus marquée. Cet environnement semble donc propice à de la consolidation sur les marchés actions.

Alexandre Baradez - IG France

Responsable Analyses Marchés

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