Télécommunications : l’heure des valeurs du secteur européen a-t-elle sonné ?

Asset Management - Depuis plusieurs années, les investisseurs boudent le secteur européen des télécommunications. Si les difficultés pesant sur les bénéfices et les flux de trésorerie de ces entreprises sont toujours d’actualité, nous pensons que certains investissements sont encore rentables dans un univers peu réjouissant par ailleurs, pour peu que nous prenions le temps de l’analyse.

Les valeurs du secteur européen des télécommunications sont en berne depuis un certain temps déjà. Même lorsqu’ils se sont tournés vers des secteurs moins exposés à la conjoncture économique, les investisseurs ont boudé les entreprises de télécommunications, et ce malgré leurs caractéristiques typiquement défensives. Sur les deux dernières années, les valeurs du secteur européen des télécommunications ont sous-performé de 25 % l’indice européen élargi.

Préoccupations sur le secteur

Les motifs d’inquiétude sont réels. De nombreux groupes européens de télécommunication affichent des bénéfices et un flux de trésorerie obstinément faibles. Les injonctions à investir toujours plus dans les réseaux de fibre optique à très grande vitesse et dans les réseaux 5G qui garantissent une excellente connectivité des données — même dans les zones rurales — se font de plus en plus pressantes.

Contestant, à juste titre selon nous, la logique économique de ces investissements visant à améliorer la qualité de service, les opérateurs n’ont pas réussi à faire valoir leur point de vue. Parallèlement, les responsables politiques et les autorités réglementaires militant pour une hyper-connectivité mondiale ont poussé les opérateurs historiques jouissant de grosses parts de marché à réduire leurs prix, ce qui a concouru à diminuer les flux de trésorerie disponibles pour financer les investissements nécessaires.

La concurrence représente une autre menace importante. Partout en Europe, l’émergence de nouveaux concurrents sur les marchés de la téléphonie nationale fixe et de la téléphonie mobile au cours des trente dernières années a poussé les prix à la baisse. L’espoir d’une consolidation sectorielle significative qui aurait permis d’atténuer cette pression sur les prix et de réduire les coûts fixes a été balayé à plusieurs reprises. Par conséquent, le secteur affiche une rentabilité et des flux de trésorerie disponible en berne depuis presque dix ans.

Il est peu probable que cette tendance évolue dans les prochains mois. Il y a fort à parier que les télécommunications resteront un secteur peu rémunérateur pour les investisseurs actions européens.

Déceler les valeurs porteuses

Pour autant, les investisseurs doivent regarder au-delà de l’écran de fumée qui voile le secteur. Même dans les secteurs qui semblent peu attractifs sur le plan conjoncturel, il est possible de déceler des pépites, pour peu que nous prenions le temps de l’analyse. Nous pensons que certaines valeurs européennes des télécommunications affichent un potentiel de rendement attractif, du fait de l’avantage compétitif durable dont elles jouissent, ou parce que les tendances sectorielles s’améliorent dans certains pays.

C’est le cas de l’opérateur téléphonique espagnol Masmovil Ibercom. L’entreprise est en train de gagner des parts de marché dans l’univers de la téléphonie fixe et dans celui de la téléphonie mobile. Le groupe avait débarqué sur le marché en 2008, avec un modèle hybride unique reposant sur le partage de réseaux et sur l’exploitation de ses propres réseaux, qui lui permet de maintenir des coûts faibles.

Les conditions d’accès de gros aux réseaux de communication fixées par ses concurrents Orange et Jazztel — convenues comme condition de leur fusion en 2015 — confèrent à Masmovil une structure de coûts avantageuse qui lui permet de proposer des formules tarifaires attractives. Par conséquent, Masmovil affiche une rentabilité de ses fonds propres largement supérieure à la moyenne sectorielle.

Perspectives du marché français

Parfois, même les grands opérateurs historiques méritent le coup d’œil. Le marché français — qui met en concurrence quatre opérateurs — a longtemps souffert de tendances sectorielles préjudiciables. Les espoirs de consolidation n’ont fait qu’aggraver la situation : les entreprises ont sacrifié la rentabilité pour gagner des parts de marché et renforcer leur pouvoir de négociation dans les projets de fusion. Mais les recherches que nous avons réalisées suggèrent que les groupes français de télécommunications ont commencé à réaliser qu’il n’y aura pas de consolidation. Ils reviennent à des comportements plus rationnels en matière de tarification.

Orange — anciennement France Telecom — jouit d’une position particulièrement avantageuse. L’entreprise aura réalisé le plus gros de son projet d’investissement dans la fibre en 2020. Cela signifie que les dépenses d’investissement vont diminuer, ce qui devrait fortement doper les flux de trésorerie. Orange affiche également un bilan sain, notamment par rapport à ses concurrents nationaux, fortement endettés, ce qui devrait conforter l’amélioration des tendances tarifaires du secteur observée récemment.

Les valeurs européennes du secteur des télécommunications continueront à donner du fil à retordre aux investisseurs. Mais il est possible de déceler des investissements rentables pour peu que l’on prenne la peine d’analyser les fondamentaux des entreprises et du secteur.

Justin Moreau - AllianceBernstein

Analyste actions

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