Marché actions : ce n’est pas le moment de vendre des actifs à risque

Asset Management - L'optimisme semble s'évanouir sur les marchés actions. Pourtant, une reprise économique en forme de U reste probable. Quelle stratégie les investisseurs devraient-ils adopter ? L'analyse de Denis Panel, Responsable des investissements de MAQS (Multi-actifs, Quant & Solutions) chez BNP Paribas Asset Management.

Après plusieurs mois de confinement, de nombreux pays ont entamé le déconfinement progressif de leurs populations et de leurs économies. L’incertitude persiste sur leur capacité, en Europe, comme aux Etats-Unis, à réussir ce déconfinement et refaire démarrer l’ensemble de leurs activités économiques. Et si le virus semble aujourd’hui sous contrôle, des questions se posent sur l’ampleur des dégâts économiques engendrés. Tous les indicateurs PIB en Europe et aux Etats-Unis montrent que les économies devraient entrer en récession au cours du premier semestre 2020.

Dans un tel contexte, notre équipe d’investissement reste constructive. Pour le second semestre 2020, nous prévoyons une reprise progressive puis rapide en forme de U d’ici la fin de l’année. Une telle reprise impliquera d’apprendre à vivre avec le virus en recourant aux innovations dans des domaines tels que les tests, le changement des habitudes et en s’appuyant sur le soutien permanent des politiques mises en œuvre par les gouvernements. Le risque devrait persister sur les marchés financiers et notre approche de gestion « quantamentale » nous permettra de rester agiles et d’identifier les dislocations de marché d’où pourraient naître des opportunités d’investissement.

Pour les marchés actions, après la forte hausse des actions en mars, nous anticipons à court terme une correction du marché, en raison des perspectives économiques et des projections de bénéfices des entreprises ; mais aussi du risque d’une seconde vague de l’épidémie si les nouvelles restrictions sociales ne sont pas appliquées efficacement. La Chine, plus avancée que l’Occident en termes de reprise des activités, constitue une source importante de consommation de matières premières dont la forte demande devrait bénéficier aux actions des marchés émergents et britanniques. C’est pourquoi nous surpondérons les actions de ces pays dont les valorisations sont aujourd’hui historiquement plus attrayantes que celles des actions américaines dans nos portefeuilles.

La crise a également rendu les valorisations de la dette en dollars des pays émergents très intéressantes, avec des primes de risque d’environ 600 points de base au-dessus des rendements du Trésor américain. Les mesures de relance énergiques au niveau mondial, la plus grande stabilité des prix des matières premières et la reprise chinoise devraient venir soutenir cette classe d’actifs, que nous considérons comme la plus sûre au sein des marchés émergents et que nous surpondérons au sein de nos portefeuilles.

A contrario, nous sommes pessimistes sur les obligations souveraines européennes et américaines, du fait qu’au moment de l’entrée dans la crise, leurs rendements étaient à des niveaux proches de leurs plus bas historiques. Les gouvernements se lancent aujourd’hui dans des mesures de relance budgétaire agressives qui pourraient rétablir une prime de risque sur les rendements ; mais il existe un risque que la combinaison de mesures de relance budgétaire et monétaire agressives entraîne une hausse de l’inflation.

Par conséquent, dans les marchés obligataires, nous sous-pondérons les dettes souveraines de la zone euro, ainsi que les bons du Trésor américain. Nous leur préférons la dette d’entreprise de qualité en Europe et aux Etats-Unis car les mesures prises par Banque centrale européenne et la Réserve fédérale soutiennent les marchés du crédit. Nous couvrons le risque d’inflation aux US, via une position optionnelle anticipant une pentification de la courbe des taux du Trésor américain et surpondérons l’inflation implicite américaine.

Du coté des matières premières, les valorisations des actifs cycliques, qui surperforment généralement dans les premiers stades d’une reprise, sont à des niveaux jamais vus depuis les années 1970. C’est pourquoi nous surpondérons les matières premières (hors agriculture), ainsi que le dollar australien par rapport au dollar américain. À moyen terme, nous prévoyons une offre plus limitée pour soutenir les marchés des métaux de base et de l’énergie. Dans le cas des marchés pétroliers, l’accord de l’OPEP+ et des pays du G20 sur la réduction de la production devrait contribuer à équilibrer le marché. Par la suite, les prix devraient augmenter à mesure que la demande se redressera, soutenant ainsi notre position longue sur les matières premières à horizon six mois

Enfin, nous surpondérons l’or dans nos portefeuilles, que nous pouvons considérer comme une monnaie que les banques centrales ne peuvent pas dévaloriser et comme une bonne couverture contre le risque d’un monde plus inflationniste.

En résumé, nous sommes convaincus que ce n’est pas le moment de vendre les actifs risqués et cherchons au contraire à identifier de nouvelles opportunités dans les marchés pour renforcer et diversifier ces actifs au sein de notre stratégie d’investissement. Notre scénario de reprise en forme de U nous conduit à surpondérer les actifs à risque tels que les actions, le crédit et la dette des marchés émergents en dollars US, tout en prenant des positions tactiques à court terme pour protéger les portefeuilles d’une probable correction du marché.

A plus long terme, nous sommes persuadés que la société apprendra à vivre avec le virus et que l’économie se redressera. Nous suivons de près l’évolution du virus lui-même, les dommages économiques dus aux blocages, la réaction des gouvernements et les actions des banques centrales, ainsi que le sentiment et le stress des marchés.

Denis Panel - BNP Paribas AM

Responsable des investissements de MAQS

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