Liquidité : le marché risque-t-il la surchauffe ?

Asset Management - Avec des taux historiquement bas, la Banque centrale européenne et sa politique monétaire offrent une abondance de liquidité. Cette situation favorise une croissance dynamique dans la plupart de la zone euro, mais dans le même temps, elle fait aussi craindre une potentielle surchauffe du marché.

Cette situation n’est pas propre à l’Union européenne. Au niveau mondial, la liquidité a fortement crû depuis l’année 2015. Cette augmentation entretient  l’inquiétude, car d’autres facteurs rendent le contexte économique international particulièrement instable.

Le spectre d’une « guerre commerciale » entre les Chinois et les Américains hante le monde économique depuis l’élection de Donald Trump. Pourtant, les tensions sino-américaines ne datent pas d’hier. Depuis l’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001, pas moins de 34 litiges commerciaux ont opposé les deux pays. Mais aujourd’hui, avec la volonté affichée des États-Unis de corriger leur position dans le commerce mondial, ces tensions ne peuvent que s’intensifier. Un conflit durable, au détriment de la croissance mondiale, semble inévitable aux yeux des observateurs.

Marché européen

De nombreux analystes sont optimistes quant aux perspectives de croissance dans la zone euro. Ce n’est pas tout-à-fait le cas pour Mathilde Lemoine, économiste en chef du groupe Edmond de Rothschild. À l’occasion de la Conférence des Investisseurs pour la Croissance, organisée par France Invest le 7 juin 2018, elle ne cache pas sa perplexité. « La croissance actuelle est surtout due à un rattrapage dans le secteur de la construction. C’est un effet mécanique voué à se réduire. »

Toujours selon elle, la liquidité ne devrait pas cesser d’inonder le marché. La BCE est en effet coincée. « Dans certains pays d’Europe, le crédit est stable, voire en recul ». Ce cas de figure rend difficilement envisageable une remonté imminente des taux directeurs. En effet, si ceux-ci sont au plus bas depuis 2016 (0,00 %), c’est justement pour relancer la consommation de crédit, afin de soutenir la croissance.

La surchauffe inévitable ?

Au sujet de la zone euro, Mathilde Lemoine met en lumière certaines de ses spécificités : « la BCE manipule, en achetant des obligations d’État et d’autres actifs du secteur privé, les prix du marché ». En adoptant des mesures non conventionnelles pour pallier les risques d’une faible inflation, la BCE accroît la demande, et donc les prix de ces actifs. De plus, les autorités macroprudentielles de l’Union européenne peuvent, par certaines mesures, comme la limitation des crédit à certains secteurs ou l’obligation pour les banques de garder des fonds propres supplémentaires pour anticiper d’éventuels chocs, provoquer une « distorsion de la concurrence. »

Alors, si rien ne peut arrêter la croissance de la liquidité pour le moment, la surchauffe du marché est-elle inévitable ? « Il n’est pas évident de parler de surchauffe. En revanche, je pense que le risque est plutôt du côté d’une révision à la baisse des perspectives de croissance » conclut la spécialiste. Pour le premier trimestre 2018, l’Insee a déjà révisé à la baisse ses prévisions (de 0,2 à 0,1 %) du fait d’un ralentissement de la demande et de l’investissement, mais pourtant, Bercy reste optimiste. En avril, le Ministère a prévu 2 % de croissance pour l’année 2018, contre 1,7 % initialement…

La Rédaction - Le Courrier Financier

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