Véhicules électriques : pas des « tueurs de climat » en fin de compte ?

Asset Management - Les scientifiques se baseraient depuis des années sur,des données erronées. La rumeur selon laquelle les véhicules électriques seraient néfastes pour l'environnement et ne constituent qu'un leurre a longtemps circulé. C'est tout simplement faux, car les calculs ont souvent été effectués sur base de chiffres totalement erronés et les résultats d’analyses ultérieures ont été, relayés par les médias.

Des slogans tels que « La voiture électrique n’entraîne aucune réduction de CO 2 . La production des batteries consomme tellement d’énergie que, tout compte fait, l’empreinte carbone est bien plus élevée. De plus, le réseau électrique viendrait à saturer si un grand nombre de personnes rechargeaient au même moment et il faudrait attendre que les sources d’énergie renouvelables produisent davantage d’électricité »; ainsi que d’autres opinions au sujet des véhicules électriques se sont répandues ces dernières années. Cela est en partie dû au fait qu’en 2019, l’ADAC (l’Association automobile allemande), qui compte plus de 21 millions de membres, a renforcé la perception des prétendus détracteurs des véhicules électriques à l’aide de titres tels « Les voitures électriques circulent avec un lourd bagage climatique; 1 et a continué à alimenter le sentiment négatif envers cette nouvelle technologie. Manager Magazin a également écrit en 2019 « L’empreinte carbone globale s’aggrave »; 2 tandis que la même année, des sources beaucoup plus scientifiques, telles que l’Institute 3 , ont dépeint le véhicule électrique comme un pollueur dont les émissions sont plus élevées que celles d’un bon vieux moteur à combustion. Avec son titre « Beaucoup plus de CO2 que prévu »; 4 , le quotidien « Die Welt »; ne dresse pas lui non plus un portrait favorable des véhicules électriques. Mais ces hypothèses sont probablement fausses.

Des erreurs méthodologiques dans le calcul des émissions

Tous ces auteurs se réfèrent à une étude très controversée de 2017, qui rapporte que la production de batteries génère de grandes quantités d’émissions, à savoir entre 150 kg et 200 kg de CO 2 par kWh. Cependant, les auteurs de cette étude , commandée par l’Institut Suédois de Recherche
Environnementale IVL et connue par la suite sous le nom d’Étude Suédoise, n’ont jamais récolté leurs propres données sur les émissions dues à la production de batteries. Au lieu de cela, ils ont combiné des données provenant d’autres études plus anciennes avec des valeurs parfois très obsolètes issues de petits laboratoires de batteries. Et c’est précisément là que réside le problème.

La production d’un véhicule électrique produit effectivement un peu plus de CO2 que celle d’un moteur à combustion. Au cours de leur production, les batteries doivent être traitées dans de grands fours de séchage durant 30 à 40 heures. Cependant, le fait que 1 000 ou 100 000 cellules soient chargées en même temps dans un four entraîne une différence significative. L’apport d’énergie par cellule diminue considérablement à mesure que le nombre d’unités augmente. Ces dernières années, il a également été possible de réduire considérablement les déchets de production et un certain nombre de facteurs, tels que la conservation de la chaleur lors du processus de séchage, ont permis de perfectionner la technologie de production. Les économies d’échelle sont donc le facteur décisif.

En raison du caractère obsolète des données, l’étude fut immédiatement critiquée par des sources scientifiques. Cela n’a toutefois pas empêché les sources susmentionnées, ainsi que d’autres opposants aux véhicules électriques, de continuer à s’appuyer sur ces données trompeuses. En 2019
les auteurs de l’Étude Suédoise originale ont riposté à la critique avec une version actualisée et ont réduit leur estimation de CO 2 de plus de la moitié.

Une comparaison pertinente du CO2 n’est possible que si tous les facteurs sont pris en compte

Toute statistique ne vaut que par les données sur lesquelles elle se fonde. Pour mesurer l’empreinte carbone de manière significative, il convient de prendre en compte le plus grand nombre possible de facteurs déterminants. Lors de l’évaluation de son expérience, une équipe de recherche renommée de l’université technologique d’Eindhoven a donc analysé le plus grand nombre possible de facteurs déterminants et est parvenue à une conclusion définitive 9 . Après le début de l’expérience en 2020, deux voitures d’essai, une voiture diesel et un véhicule électrique, parcourront chacune 180 000
kilomètres sur une durée de vie de 12 ans. Une voiture est généralement un peu plus utilisée au cours des premières années ; à mesure de son vieillissement, le kilométrage annuel diminue. En moyenne, les deux véhicules parcourront 15 000 kilomètres par an. La consommation de carburant de la voiture diesel restera constante pendant sa durée de vie. En ce qui concerne la recharge en électricité, l’on peut supposer que l’approvisionnement européen continuera à se tourner vers les énergies
renouvelables dans les années à venir. Rien que dans l’UE, la quantité d’électricité produite à partir de charbon a déjà diminué de moitié depuis 2015 et ne représentait plus que 13 % en 2020. Des études scientifiques récentes ont également démontré que, même avec la production de batteries en Chine, dont la proportion d’électricité produite à partir de charbon est encore relativement élevée (plus de 50%), les avantages des véhicules électriques sont suffisamment importants pour améliorer l’empreinte carbone globale. Étonnamment, l’avantage moyen en termes de CO2 du véhicule électrique sur l’ensemble de son cycle de vie est de 64 %. Les émissions supplémentaires dues à la production des batteries sont déjà amorties après environ 30 000 kilomètres. Le graphique suivant illustre les
émissions de CO 2 par kilomètre parcouru. Celles-ci sont générées par les émissions liées à la production du véhicule et de la batterie, ainsi qu’à la consommation de carburant et la demande en électricité.

Mais pourquoi les conclusions de cette analyse sont-elles si différentes des nombreuses descriptions précédentes ? Un certain nombre d’études allemandes menées ces dernières années ont conduit à l’émergence d’un scepticisme à l’égard de l’e-mobilité en raison des préoccupations
environnementales. Des erreurs ont souvent été commises dans la sélection des données d’analyse et la projection future, dans un monde où les émissions de la production d’électricité seraient nettement plus faibles, n’a souvent pas été intégrée. Vous trouverez ci-après une liste des aspects les
plus importants qui doivent impérativement être pris en compte dans les calculs pour effectuer une comparaison équitable.

Les émissions issues de la production de batteries

La plupart des études actuellement disponibles reposent sur des hypothèses excessives quant à la consommation en énergie pour la production de batteries au lithium-ion, car elles utilisent des données d’émissions obsolètes. Les économies d’échelle représentent ici le facteur décisif. En 2020, plus de 3 millions de véhicules électriques ont été produits. Ce chiffre est sept fois supérieur à celui de 2015 . Nous nous attendons à une augmentation plus rapide dans les années à venir. Les dernières
études tablent sur des émissions de CO 2 comprises entre 40 et 100 kg/kWh pour les batteries produites aujourd’hui 10 . La Chine se situe dans la fourchette supérieure en raison de sa forte proportion d’électricité à base de charbon, et l’Europe dans la fourchette inférieure en raison de sa
plus forte proportion d’énergies renouvelables. Une valeur moyenne de CO 2 de 75 kg/kWh a donc été calculée. Selon ses propres sources, la giga-usine de Tesla, située dans le Nevada aux États-Unis, produit déjà des batteries de manière neutre en termes de CO 2 , car l’électricité est obtenue
exclusivement à partir d’énergies renouvelables .

La durée de vie de la batterie

La durée de vie des batteries est sous-estimée par certaines études, notamment par l’ifo Institute . Celles-ci tablent sur une durée de vie de 150 000 kilomètres, alors qu’une voiture diesel est censée parcourir 300 000 kilomètres. La réalité est différente et, contrairement aux attentes des
consommateurs qui craignent qu’une batterie de véhicule électrique ne s’use aussi rapidement qu’une batterie d’ordinateur portable ou de téléphone portable, les dernières découvertes suggèrent que les
batteries modernes peuvent tenir plus de 500 000 kilomètres. Les avancées en matière de gestion de la température et de la recharge sont impressionnantes. En 2019, Tesla a publié les capacités
restantes réelles des batteries de milliers de ses clients, qui ont communiqué ces informations sur base volontaire, en fonction du kilométrage parcouru.
Après plus de 320 000 kilomètres (soit environ 200.0000 miles) au compteur, la majorité du parc automobile présentait encore une capacité de batterie d’environ 90 %

Par ailleurs, la revue scientifique « Journal of the Electrochemical Society » indique que les cellules NMC déjà utilisées de nos jours sont capables d’une performance de conduite de plus de 1,5 million de kilomètres 13 . Bien que les tests aient été effectués dans des conditions de laboratoire, la science
montre que le développement de la technologie lithium-ion n’en est qu’à ses débuts et qu’elle a un grand potentiel d’amélioration. Les moteurs à combustion interne, quant à eux, ont atteint la phase de maturité de leur développement. L’on peut se demander si la durée de vie des moteurs à combustion – sur lesquels un nombre croissant de pièces techniques sont installées, comme les turbocompresseurs, la désactivation des cylindres ou la technologie hybride – va encore pouvoir augmenter de manière significative. Nous adoptons une approche prudente dans cette comparaison et supposons une durée de vie de 250 000 kilomètres pour les moteurs à combustion interne et les véhicules électriques. Il convient également de noter que cette comparaison se concentre exclusivement sur les émissions de CO 2 et l’impact climatique. Une combinaison avec des aspects tels que les autres émissions, la consommation de ressources, les conditions de travail ou la pollution sonore ne peut pas faire partie d’une considération sérieuse du CO 2 et de l’impact climatique.

L’évolution de la production d’électricité et la prise en compte des émissions amont des combustibles fossiles

De nombreuses recherches partent du principe qu’un véhicule électrique sera rechargé tout au long de son cycle de vie avec la même électricité qu’il consomme la première année. De telles hypothèses ne sont pas réalistes. Les émissions de CO 2 liées à la production d’électricité en Europe ont diminué de 32 % depuis 2012 9 . Compte tenu de l’accord de Paris sur le climat et d’une génération de politiciens de plus en plus axée sur l’environnement, l’on peut supposer que la diminution des émissions liées à la production d’électricité se poursuivra et pourrait même s’accélérer. Si les
véhicules électriques bénéficieront de cette évolution au cours de leur cycle de vie, la consommation de carburant d’un véhicule à combustion interne produit aujourd’hui reste fixe. Les carburants synthétiques ne devraient pas contribuer de manière significative aux réductions des émissions. La perte d’énergie liée à la conversion de l’électricité en carburants synthétiques, puis à sa reconversion en énergie cinétique par combustion, est telle qu’il serait préférable de recharger directement un véhicule électrique, dont le facteur d’efficacité serait bien supérieur. Il convient néanmoins de tenir compte à la fois des émissions amont liées à la production d’électricité et de celles provenant du diesel ou de l’essence. Quelle quantité d’électricité se perd dans les réseaux électriques ou lors du processus de recharge ? Quelle quantité d’énergie est nécessaire pour produire le gaz qui génère l’électricité dans une centrale électrique au gaz ? De quelle quantité d’électricité la centrale elle-même a-t-elle besoin pour fonctionner ? Quelles sont les émissions produites par le transport du carburant par voie maritime jusqu’à la station-service, ou par la production de carburant elle-même ? La construction d’une plate-forme pétrolière produit des émissions, tout comme la construction d’un parc éolien produit du CO 2 . La combustion d’un litre d’essence produit environ 2 200 grammes de CO 2 . Mais la production elle-même en produit 940 grammes de plus. La prise en compte de ces émissions amont est essentielle pour une comparaison pertinente des deux types de propulsion.

La perte de charge est d’environ 5 % sur 30 jours

La batterie lithium-ion d’un véhicule électrique perd environ 5 % de sa charge en 30 jours. Un automobiliste moyen parcourt environ 1 200 kilomètres au cours de cette période et recharge donc la batterie trois à quatre fois. Par conséquent, la perte de charge n’a qu’un effet négligeable sur l’empreinte CO 2 .

Les réseaux électriques risquent-ils la saturation ?

Les réseaux électriques actuels sont conçus pour pouvoir gérer les pics de consommation d’énergie tout au long de la journée. Les critiques sont fréquentes quant au fait que le déploiement généralisé des véhicules électriques engendrerait une saturation des réseaux si ces derniers étaient tous rechargés simultanément. Nous sommes actuellement encore en phase de test quant à l’adoption de l’e-mobilité par l’ensemble de la population. Toutefois, il a été démontré que le conducteur type d’un véhicule électrique n’utilise qu’environ 10 % de la capacité disponible de sa batterie par jour et que, pendant plus de 95 % de sa journée, il n’utilise pas sa voiture. En supposant que certains conducteurs de véhicules électriques aient la possibilité de recharger leur véhicule à la maison ou au travail, ce
pool de batteries pourrait être utilisé comme tampon énergétique pour réduire les pics de consommation d’énergie et les transférer vers des périodes de faible demande avec une électricité moins onéreuse. Sur le plan technique, c’est déjà possible aujourd’hui, car les batteries lithium-ion
peuvent être rechargées de manière bipolaire. Cela signifie qu’elles peuvent à la fois absorber et libérer de l’énergie dès leur branchement à la prise de charge. Des normes telles que le protocole OCPP (Open Charge Point Protocol) et ISO 15118 permettent également de nos jours la communication entre véhicule et réseau électrique. La critique initiale d’un parc de voitures électriques trop volumineux est ainsi en passe de devenir l’une des plus grandes opportunités pour aplanir la courbe de charge des réseaux électriques.

La consommation en eau

Des rumeurs circulent sans cesse selon lesquelles d’importantes quantités d’eau sont consommées pour l’extraction du lithium. Selon les recherches 14 de Maximilian Fichtner, directeur de l’Institut de recherche Helmholtz pour le stockage d’énergie électrochimique, environ 3 840 litres d’eau douce sont nécessaires pour une batterie ordinaire de véhicule électrique ayant une capacité de stockage de 64 kWh, ce qui correspond à une autonomie d’environ 450 kilomètres. À première vue, cela semble beaucoup, mais par rapport à d’autres biens de consommation, ce chiffre est rapidement relativisé. La même quantité d’eau est nécessaire pour produire 250 grammes de viande de bœuf, 10 avocats, 30 tasses de café ou la moitié d’une paire de jeans.

Les perspectives de demain

L’Agence Internationale de l’Energie prévoit que la proportion mondiale d’électricité produite à partir de sources renouvelables atteindra 30 % cette année, un niveau record 15 . L’énergie éolienne et solaire est sur le point de connaître la plus forte augmentation jamais enregistrée. Cela s’explique également par le fait que ce type de production d’énergie devient plus abordable grâce aux avancées technologiques. De plus, les trois principales zones économiques, l’UE, la Chine et les États-Unis, se sont fixées un objectif de neutralité en matière de CO 2 . Selon le scénario futur où la production
d’électricité se fera exclusivement à partir d’énergies renouvelables, les émissions de CO 2 indiquées dans cette comparaison, imputables à la fabrication des véhicules, à la production de carburant et à la production d’électricité, seront réduites. En revanche, les émissions dues à la combustion de carburant restent largement constantes, car le potentiel de diminution des émissions du moteur à combustion interne, dans sa forme très mature, reste restreint. Par conséquent, nous nous attendons
à ce que l’avantage en termes de CO 2 des véhicules électriques augmente à l’avenir. Cependant, l’évolution du parc automobile mondial est aussi lente qu’un grand pétrolier. En effet, chaque véhicule à combustion interne produit actuellement restera en circulation durant au moins une autre décennie, avant de connaître une seconde vie en Afrique ou dans d’autres pays avec des coûts salariaux faibles. D’un point de vue environnemental, il faudrait commencer dès aujourd’hui à mettre en circulation le plus grand nombre possible de véhicules électriques. Les objectifs fixés par les
constructeurs automobiles et les gouvernements se basent souvent exclusivement sur les nouvelles ventes et ne tiennent pas compte du parc automobile réel, qui est un élément déterminant pour les émissions.