Les marchés à l’heure des primaires américaines

Asset Management - A côté des événements chinois, les élections américaines sont l’autre thème majeur de ce début 2020. Les marchés jouent la réélection de Trump, mais le risque de l’arrivée au pouvoir d’un candidat plus hostile à Wall Street est sous-estimé.

Les primaires démocrates, qui ont débuté de façon chaotique en Iowa, marquent le vrai début du processus électoral américain qui va nous conduire jusqu’au 3 novembre 2020, jour de l’élection présidentielle. Les marchés considèrent que démocrates sont mal partis.

Ces derniers sont divisés entre un pôle centriste, type « New Democrats », héritier de Bill Clinton et d’Obama (Biden, Buttigieg, Klobuchar), un pôle social-démocrate type Rooseveltien (Warren) et un pôle social-identitaire (Sanders) soutenu par la jeune garde du Congrès américain, à l’exemple d’Alexandria Ocasio-Cortez, Ilhan Omar ou Rashida Tlaib. Réunir ces fractions à l’issue du processus des primaires sera difficile.

Donald Trump, favori de Wall Street

Il faudra en outre, pour gagner la Maison Blanche le 3 novembre, séduire les électeurs indépendants, qui ne se sentent proches d’aucun grand parti et qui s’étaient abstenus ou avaient voté Donald Trump en 2016. Ce sera indispensable pour faire basculer les fameux « Swing States », ces états clés où tout va se jouer : le Michigan, le Wisconsin, la Pennsylvanie, la Floride et l’Arizona, où l’écart en 2016 entre Donald Trump et Hillary Clinton était inférieur à 2%.

Le défi est donc immense pour les démocrates. L’organisation très difficile du caucus de l’Iowa, qui a confirmé la grande dispersion de l’électorat, a permis à Donald Trump de railler leur incapacité à se mettre d’accord. Ceci rend très confiants les supporteurs du Président, nombreux à Wall Street, et convaincus de la bonne fortune de leur champion, qui plus est favori incontesté des bookmakers. Sa cote de victoire pour le 3 novembre au lendemain du caucus de l’Iowa est même passée de 2/1 à 1,7/1.

Atouts économiques du président

Outre les divisions du camp démocrate, Donald Trump a de vrais atouts. L’activité est dynamique, comme le montre l’indicateur MMS de Momentum économique ci-dessous, à 57. Le chômage est au plus bas depuis 50 ans et même le déficit commercial a tendance à se réduire. Sa cote de popularité, à 49 % selon le dernier sondage Gallup, est au plus haut de sa présidence et les difficultés chinoises confortent sa stratégie de fermeté face à ce rival stratégique.

Même sa politique fiscale très agressive, qui creuse le déficit budgétaire fédéral au-delà de 5 % du PIB, à plus de 1000 milliards de dollars en 2020, bénéficie de l’approche monétaire accommodante de la Fed et d’une certaine complaisance de Jerome Powell, un faux dur. Notre indicateur MMS de conditions monétaires américaine est d’ailleurs repassé fin janvier en territoire expansionniste, pour la première fois depuis fin 2014.

Les marchés à l’heure des primaires américaines
« L’indicateur de momentum économique américain au plus haut depuis 1 an »
Source : Montpensier Finance / Bloomberg au 5 février 2020

Le défi des « Swing States »

L’affaire est-elle pour autant pliée ? Nous ne le pensons pas. D’abord parce que la situation dans les « Swing States », en particulier les Etats du Nord-Est — très industriels — est loin d’être aussi brillante que sur les côtes Est et Ouest. Ensuite parce que le Président actuel reste très clivant et que la mobilisation de ses adversaires ne fait aucun doute, à la différence de 2016, où les partisans d’Hillary Clinton ont fait preuve de légèreté, sûrs que les excès de Donald Trump ne lui permettraient pas de s’ouvrir la voie de la Maison Blanche.

Enfin, le creusement du déficit budgétaire couplé à la baisse des capacités d’épargne chinoise, ne le met pas à l’abri d’un accident de financement qui viendrait bouleverser ses plans. La possibilité de l’élection d’un candidat démocrate, potentiellement moins favorable aux entreprises et à Wall Street, n’est donc pas à écarter.

Compte à rebours lancé

La crainte majeure des marchés se nomme Bernie Sanders, dont le programme ne cherche ni plus ni moins qu’à « éradiquer » les milliardaires. Le sénateur du Vermont reste bien placé dans les sondages et les premiers résultats de l’Iowa montre qu’il est populaire chez les démocrates. Même Pete Buttigieg, réputé plus centriste et dont la très bonne performance dans l’état du MidWest a surpris les observateurs, défend ouvertement une politique plus redistributive et tournée vers la réduction des inégalités.

Le 3 mars prochain sera le juge de paix pour les démocrates. Plus du tiers des délégués chargés d’investir le candidat démocrate le 16 juillet prochain, seront alors désignés. Nul doute que cette date est déjà entourée dans le calendrier des investisseurs. D’ici là, Donald Trump, la Chine et le coronavirus auront encore la vedette.

Wilfrid Galand - Montpensier Finance

Directeur Stratégiste

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