Le sujet complexe de l’inflation

Asset Management - Début 2022, les épargnants font face à la flambée de l'inflation. Comment la France peut-elle adapter sa politique budgétaire afin de lutter contre l'inflation ? Faut-il s'attendre à une hausse des prix durable ? Didier Kling, Président de la CNCEF, partage son analyse.

Faut-il s’inquiéter de l’inflation ? C’est un sujet médiatique récurrent qui suscite beaucoup de commentaires à la fois des analystes et des pouvoirs publics mais aussi une certaine inquiétude de la part de nos concitoyens. Pour cause, ces derniers s’interrogent sur leur pouvoir d’achat. Pourquoi vivons-nous actuellement avec cette hausse générale des prix ?

Comprendre l’inflation

Tout d’abord, notre économie de marché voit la valeur des biens et services fluctuer. Selon les périodes, ils connaissent des hausses ou des baisses. Nous ne parlons pas forcément d’inflation lorsque ce phénomène mécanique, résultant de l’offre et de la demande, n’est que passager. En revanche, lorsque tous les prix connaissent une revalorisation permanente, globale et durable, la situation est inflationniste. 

Pour mesurer l’inflation, les économistes se basent principalement sur ce que représentent les produits les plus couramment achetés ou les biens et services prioritaires à la vie quotidienne. Par exemple, le carburant, l’électricité, l’alimentation…pour ne citer que ceux-ci. Dès lors, chaque euro gagné et réinjecté dans l’économie ne permet pas d’acheter autant de produits ou de services que dans un contexte de stabilité, car l’inflation influence la valeur de notre monnaie européenne.

Autre exemple concret : les valeurs placées sur des livrets réglementés. Plus l’inflation est forte, moins il est intéressant de conserver — autrement que par sécurité — de l’argent qui ne produit pas d’intérêts. Si bien que les analystes estiment que les actions et l’immobilier sont actuellement les placements les plus intéressants pour protéger l’épargne de l’inflation.

L’euro dans le viseur ?

Bien entendu, l’euro est dans le viseur de bon nombre de détracteurs, qui depuis 20 ans, considèrent qu’il est responsable de la vie chère. Or, rappelons qu’après le choc pétrolier des années 1970, l’inflation avait atteint un niveau bien plus élevé en France et en Europe. Aussi, la création du système monétaire européen puis l’introduction de la monnaie unique ont permis de contenir les soubresauts économiques. La Banque centrale européenne (BCE) veille particulièrement à ce sujet. 

Bien sûr, il faut expliquer pourquoi nous vivons une période aussi complexe. De 2002 à 2021, l’inflation n’a dépassé le seuil de 2,0 %, en moyenne sur une année, qu’à cinq reprises (2003, 2004, 2008 et 2011), avec des causes identifiées :  les variations des conditions climatiques (produits alimentaires frais, en 2003, 2004 et 2008), l’environnement géopolitique (produits pétroliers, en 2008 et 2011), des décisions de santé publique (tabac). C’est d’ailleurs ce qu’indique l’INSEE dans son enquête de février dernier.

Ajoutons que l’inflation a quasiment stagné en 2009, 2015 et 2016, sous l’effet des cours internationaux des matières premières, notamment du pétrole. Depuis, la crise sanitaire a bousculé en de nombreux domaines, les prix, la disponibilité et la valeur des biens et services. De même que la guerre russo-ukrainienne a créé des tensions internationales amplifiées par les sanctions économiques cependant indispensables à la préservation de la paix mondiale. 

Limiter l’inflation

Bien entendu, la lutte contre l’inflation peut être menée. Le premier instrument consisterait en une politique budgétaire de l’Etat plus rigoureuse, en réduisant la dépense publique ou en intervenant face à l’insuffisance de l’offre. Mais l’Union européenne (UE) nous donne des standards à respecter car l’Etat ne peut pas tout. Il n’a surtout pas la possibilité d’intervenir dans tous les domaines. Ensuite, une hausse de la TVA n’est pas envisageable car elle entraînerait une baisse de la consommation, alors que nous cherchons à relancer. 

De plus, puisque l’inflation touche tous les pays membres, la solution serait donc plutôt européenne. D’ailleurs, les autorités peuvent moduler le taux d’intérêt de sorte à réduire la masse monétaire en circulation. Certes, emprunter sera moins aisé du moins beaucoup plus cher mais l’épargne Covid étant si volumineuse, nous comprenons pourquoi dans certains cas, les établissements financiers demandent un apport personnel pour contracter un crédit. Enfin, la réponse à cette hausse généralisée de la vie peut être l’augmentation des salaires malgré le risque de créer une boucle inflationniste. 

Voici donc un dossier qui va occuper le Président de la République et la future majorité à l’Assemblée Nationale. Nous entendons déjà qu’il faudra des prix bloqués ou à défaut, une stabilité. Il sera complexe cependant de transiger avec la politique monétaire. Même en étant moins regardant, nous ne serions pas responsables :  le problème resurgirait sur les générations futures par la fuite en avant des déficits. 

Il est venu l’heure en France où l’Etat doit faire des choix. Ce qui relève du régalien et ce qui n’en fait pas partie. De revoir l’organisation de nos collectivités en leur laissant plus d’autonomie à la condition de ne pas chevaucher les compétences ou les dédoubler. Et encore moins d’additionner les taxes locales en tout genre. La porte est étroite, surtout au moment où nos dirigeants ne souhaitent pas être à la fois irresponsables et impopulaires. Vaste programme…