La BCE entre inflation record et ralentissement économique

Asset Management - La zone euro se débat avec une inflation record et la crainte d'une récession. Quel sera l'impact de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) ? Faut-il s'attendre à une inflexion des taux souverains sur le long terme ? L'éclairage d'Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France.

Les indices d’activité PMI publiés en début de semaine pour la zone euros sont sans équivoque : l’activité reste contractée dans le secteur manufacturier mais aussi dans celui des services. 

Le prix de la lutte contre l’inflation

Face à ça, une inflation record de 9,9 % en zone euro qui va sans aucun doute obliger une nouvelle fois la Banque centrale européenne (BCE) à relever fortement son taux principal, le consensus attend une hausse de 0,75 % qui portera le taux à 2 %, son plus haut niveau depuis février 2009. Mais l’enjeu de la réunion de demain est moins le niveau des taux (les marchés s’attendent déjà à une forte hausse) que la teneur du communiqué accompagnant la hausse et le discours de Christine Lagarde face au ralentissement économique. 

La Réserve fédérale américaine (Fed) ou BCE, les banquiers centraux ont déjà prévenu à plusieurs reprises que la lutte contre l’inflation aurait un impact économique, évoquant même des risques de récession. Mais désormais que ce ralentissement économique se concrétise, que l’Allemagne a confirmé qu’elle allait entrer en récession d’ici la fin d’année et au premier trimestre l’année prochaine, les marchés vont surveiller si le langage de la BCE intègrera ces risques comme facteurs modérateurs des hausses de taux à venir et de la rhétorique agressive qui prédominait jusqu’à présent.

Vers un repli des taux souverains ?

L’affaissement des prix du gaz et plus globalement le tassement du prix des matières premières, l’allègement des pressions logistiques mondiales, et l’impact de la guerre en Ukraine sur le moral des acteurs économiques en Europe, devraient normalement pousser la BCE à modérer le discours accompagnant les hausses de taux. 

Le léger repli des taux souverains aux Etats-Unis et en Europe ces derniers jours, ainsi que les rebonds successifs sur les marchés actions depuis le début du mois montre que les marchés jouent ce scénario d’un message à venir un peu moins agressif, sans toutefois parler de « pivot » avec un tel niveau d’inflation en face. 

En attendant l’inflexion de la Fed

Et nous avons déjà peut-être aperçu les prémices de cette légère inflexion de ton à venir du côté de la Fed. Il y quelques jours, Esther George de la Fed déclarait : « Nous avons opéré des hausses de taux très agressives et il faut du temps pour que cela se transmette à l’économie ». Sous-entendu qu’il faut tenir compte du décalage entre les hausses de taux et leur impact pour ne pas impacter trop lourdement l’économie… Même son de cloche chez sa collègue de la Fed, Mary Daly, qui indique que le dernier (mauvais) rapport sur l’inflation n’était pas une surprise car c’est un « indicateur retardé », ajoutant qu’il fallait rester dépendant des données économiques.

En fin de semaine dernière, Mary Daly de la Fed s’est de nouveau exprimée indiquant que la Réserve Fédérale devait « tout faire » pour éviter un durcissement excessif de la politique monétaire. Et presque au même moment, la Secrétaire au Trésor, Janet Yellen (ancienne présidente de la Fed) indiquait qu’elle ne « pense pas que l’inflation s’incruste dans l’économie américaine ». Des mots un peu nouveaux auxquels les marchés ont été sensibles… en attendant la BCE ce jeudi 27 octobre.

Alexandre Baradez - IG France

Responsable Analyses Marchés

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