Inflation : des attentes à la baisse

Asset Management - Hausse du prix du pétrole, tarifs douaniers renforcés, tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis... Malgré ces conditions de marché difficiles, les anticipations d'inflation ont été revues à la baisse ces derniers mois. Comment expliquer le phénomène ? Johannes Müller, Responsable de la Recherche Macro chez DWS, partage son analyse.

Des événements étranges se sont produits récemment sur les marchés des obligations d’État. Tout d’abord la FED n’a pas prévu de nouvelles hausses de taux. Ensuite, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine s’est intensifiée. Et pour finir, le prix du pétrole a fortement augmenté. Ces trois facteurs stimulent généralement les anticipations d’inflation à plus long terme. L’augmentation du prix du pétrole et des droits de douane sur les importations chinoises se traduira en fin de compte par des prix plus élevés pour les consommateurs américains.

Pourtant, les anticipations d’inflation ont été revues à la baisse. Ce graphique montre les taux d’équilibre à cinq ans sur cinq ans. Ces indices sont fortement utiles pour mesurer les anticipations moyennes d’inflation dans 5 ans. Elles ont normalement tendance à évoluer en tandem avec le prix au comptant du pétrole, mais dernièrement un écart s’est creusé.

Inflation : des attentes à la baisse
Source : Bloomberg Finance L.P., DWS Investment GmbH as of 5/21/19
* 5-year/5-year U.S. dollar inflation swap rate

Tarifs douaniers et protectionnisme

Nous en ignorons encore les causes pour le moment. Peut-être que les prix du pétrole se corrigeront, ce qui amènera les deux courbes à converger. Ou peut-être que les investisseurs sont devenus plus dubitatifs quant aux perspectives de croissance aux États-Unis. Il est certain que les conséquences d’une escalade de la guerre commerciale iront bien au-delà des hausses initiales et transitoires des prix à la consommation.

Les tarifs douaniers et autres mesures protectionnistes rendent le monde dans son ensemble moins performant dans la production de biens et services. Toutefois, nous nous attendrions habituellement à ce que les taux d’intérêt réels — qui sont étroitement liés au taux de croissance réel à long terme de l’économie, plutôt qu’aux attentes d’inflation — en soient les premiers signes.

Un phénomène difficile à expliquer

Nous avons une autre explication. Le véritable mystère qui se cache derrière ce graphique n’est peut-être pas la raison pour laquelle la relation entre les attentes d’inflation et le prix du pétrole s’est effondrée, mais plutôt la raison pour laquelle elle a assez bien résisté dans le passé. En fait, il n’y a aucune raison économique claire pour justifier que le prix actuel du pétrole ait de l’importance sur le taux d’inflation dans cinq ans, et encore moins sur les attentes d’inflation à long terme.

Toutefois, peu d’autres indicateurs fiables sont disponibles sur les marchés à ce jour. La récente obsession des attentes d’inflation nous rappelle un peu la quête du XIXe siècle visant à établir un lien entre les taches solaires et le prix du maïs. Aucune relation statistiquement fiable n’a encore été trouvée entre le soleil et le cycle économique, bien que les conditions climatiques ensoleillées semblent parfois améliorer l’humeur des investisseurs financiers. Selon des théories économiques plus récentes, de telles relations apparemment fallacieuses peuvent être très puissantes, si elles impliquent un élément de prophétie autoréalisatrice.

Johannes Müller - DWS

Responsable de la Recherche Macro

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