Fed : peut-elle décevoir les marchés ?

Asset Management - Face à la crise du coronavirus, la Réserve fédérale américaine (Fed) a procédé à des injections massives de liquidités. Cette politique accommodante rassure les marchés financiers... Au point de leur faire oublier les risques ? Les explications d'Alexandre Baradez, Responsable Analyses Marchés chez IG France.

L’action de la Réserve Fédérale (Fed) a été tellement puissante depuis le début de la crise que les marchés ont été habitués à recevoir des messages toujours plus accommodants, de la part de Jerome Powell mais également des membres du FOMC. Eliminant presque le sentiment de risque à en juger par les niveaux de volatilité actuels.

Face à la crise du Covid-19

Il faut également rappeler que les grandes manœuvres de la Fed n’ont pas commencé seulement au début de la crise sanitaire mais dès l’automne 2019. Lorsque les taux interbancaires à très court terme se sont tendus, mi-septembre, et ont dépassé 9 %, alors qu’ils évoluaient proche de 2 % les jours précédents. Pour calmer les tensions, la Fed avait commencé à injecter massivement de la liquidité et son bilan était passé de 3 750 milliards de dollars à 4 175 milliards entre septembre et janvier, soit un accroissement de 400 milliards de dollars.

Et les marchés actions avaient déjà apprécié ces opérations, en parallèle d’une détente sur le front des négociations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, avec de nouveaux records historiques à la clé pour les indices américains. Puis le Covid-19 est apparu, provoquant l’entrée en récession de l’économie mondiale et l’intervention musclée des principales banques centrales de la planète. Mais la Réserve Fédérale est allée très loin, très rapidement.

Son bilan a grossi de 3 000 milliards de dollars en trois mois seulement, soit une progression de plus de 70 %, loin devant la Banque Centrale Européenne (BCE) dont le bilan n’a progressé « que » de 22 % depuis le début de la crise. Bons du Trésor, titres de crédits hypothécaires et même obligations d’entreprises « high yield » depuis quelques semaines, étape que la BCE n’a pas encore franchie.

Risques de déception

La Fed a décidé début avril d’ajouter à sa liste d’achat d’actifs des ETF d’obligations d’entreprises en catégorie « spéculative », pour éviter que les entreprises américaines dont la note a été dégradée à cause du Covid-19 ne subissent un impact trop important par le passage de la catégorie « investissement » à la catégorie « spéculative ».

Même si les volumes d’achats d’ETF ne dépassent pas quelques milliards de dollars à ce stade (relativement peu par rapport à la taille du marché), l’effet psychologique a été très important. Qui voudrait prendre le risque de se « battre » contre la Fed ?

Mais nous pouvons toutefois considérer que toutes ces mesures sont déjà bien intégrées dans les cours actuels : que ce soit le cours des obligations, des actions et même des matières premières. Il est possible que la Fed n’annonce rien de réellement nouveau ce mercredi 10 juin au soir avec un risque de « déception » potentielle pour les marchés.

Une pause et ça repart ?

Une pause, c’est par exemple déjà le cas en ce qui concerne les plans de relance économiques aux Etats-Unis : l’administration Trump a indiqué qu’il fallait déjà mesurer l’impact sur l’économie de toutes les mesures prises avant d’aller plus loin, même s’il est très probable qu’un nouveau volet de stimulation budgétaire voie le jour, à quelques mois de l’élection présidentielle. La Fed elle, pourrait ne pas se précipiter pour annoncer de nouvelles mesures étant donné la trajectoire verticale des indices ces dernières semaines.

Pourquoi mettre en place de nouveaux instruments de politique monétaire alors que le S&P 500 évolue à moins de 6 % de son sommet historique et que le Nasdaq vient de marquer un nouveau record ? Jerome Powell mettra sûrement à nouveau la pression sur le Congrès pour le vote de nouvelles mesures de soutien, mais sans forcément annoncer grand-chose de nouveau du côté de la Fed, qui devrait également mettre à jours ses prévisions économiques, ce qu’elle n’avait pas pu faire en mars.

Alexandre Baradez - IG France

Responsable Analyses Marchés

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